36. Le sanctuaire

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Au début, il n'y avait rien. Puis un Kili'an a montré le bout de son derrière, et le monde s'en retrouva transformé. J'vous ai déjà parlé de son derrière ? Oui ? Ah bon, tant pis alors... – Journal intime du premier Aar'on –

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Kili'an n'en croyait pas ses yeux. Son récit terminé, il s'était approché du trésor du sanctuaire pour le toucher de ses propres mains. Dans cette chambre d'adolescent ayant été vidé de ses principaux meubles se trouvait une espèce de cocon cristallin occupant la majorité de l'espace. En son sein deux jeunes garçons se tenaient enlacés, un blond et un brun, plongés dans ce qui paraissait être un sommeil éternel. Sur leurs deux visages se dessinaient des sourires tendres et aimants. Ils étaient nus. Les corps l'un de l'autre leur tenaient lieux d'habits. Leur proximité les réchauffait. Figés pour l'éternité, ils étaient beaux et semblaient indéfiniment heureux, comme si rien ne pouvait troubler leur quiétude. Mais surtout, ce qui laissait le soldat sans voix, c'étaient leurs visages, qu'il aurait juré d'avoir déjà vu quelque part. Pour s'en assurer, il se saisit même d'un miroir.

– C'est vrai que tu lui ressembles... – s'amusa la Suz'an. Et l'autre te fait penser à ton Aar'on bien aimé, n'est-ce pas ?

– Heu... Oui... – bafouilla le jeune blond. Enfin, c'est impossible... c'est nous... C'est... ça n'a aucun sens ! Enfin, j'peux pas être en train de pioncer et bouger à côté en même temps ! Ça contredit toutes les lois de la physique ! Enfin, toutes celles que j'ai apprises... Mais même en n'écoutant pas toujours en cours, un truc pareil, j'm'en serais souvenu.

– En effet – le rassura la vieille femme au sourire aimable. C'est tout simplement parce que ce garçon n'est pas vraiment toi. Laisse-moi te présenter le premier Aar'on et son Kili'an.

– HEIN ? Mais... mais c'est encore plus tordu ! Ils ont vécu il y a des siècles ! Ils ne peuvent pas être là ! Enfin, c'est complètement mindfuck !

– Peut-être, mon enfant, voudras-tu écouter mon histoire. Celle que je raconte depuis des temps immémoriaux à tous ceux qui viennent de loin se recueillir ici. Celle de la création de Vojolakta, celle des sept premiers Aar'on.

*****

Environ deux mille ans après qu'un homme nommé Jésus ait créé une nouvelle ère, naissait dans un petit pays d'une petite planète bleu un jeune garçon à la peau blanche et aux cheveux et yeux noirs. Son père, dignitaire de son état, et sa mère bien-aimée le nommèrent Aaron. Les oiseaux chantèrent sa venue au monde. Très vite, l'enfant montra des signes d'intelligence supérieure à la moyenne, mais souffrait d'un mal profond : la solitude.

Son meilleur ami était un chien. Sa vie, une longue lassitude sans fin. Tous les jours qui passaient, il regardait à la fenêtre à la recherche de ce qui pourrait combler son cœur et le rendre réellement Humain. Il se sentait différent, il l'était sans doute, mais aucun mot n'arrivait vraiment à décrire ce manque qui l'agitait.

Et puis, un beau jour, un miracle se produisit. C'était l'été. Il n'était alors qu'un adolescent solitaire, sévère avec le monde qui l'entourait. Il se croyait supérieur aux autres, il les méprisait. Un regard vert le fit chuter de ce piédestal rassurant qu'il s'était confectionné. Ces yeux plus purs que les plus belles émeraudes appartenaient à un jeune garçon de son âge. Il était blond. Il était beau. Il était tout.

Pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité, un jeune Aaron trouvait son Kilian. Et si le bel enfant aux cheveux dorés ne s'en rendit même pas compte, le brun comprit immédiatement que leur rencontre était le fait du destin.

C'est ainsi que se produisit la première « chasse » au Kilian, qui dura de longs mois avant que le jeune Aaron capture enfin le cœur et le doux postérieur de son bien-aimé. Il fallait aussi admettre que, déjà à cette époque, les Kilians ne se laissaient pas faire. Celui-là avait de l'honneur, de la dignité et des amis pour le protéger, dont un possédait des cheveux d'un orange particulièrement fruité qu'aujourd'hui seuls des robots peuvent porter. Mais les charmes du jeune brun finirent par avoir raison de sa résistance. Le jeune blond finit par accepter les raisons de son existence. Aimer, et être aimé, voilà ce à quoi il était destiné. Sur le chemin du bonheur, les épreuves furent nombreuses. Mais en fin de compte, rien ne réussit à empêcher Aaron et son Kilian de toujours se retrouver, jusqu'à vivre ensemble dans cette maison alors même qu'ils n'étaient encore que des adolescents. Leur amour se révéla pur, sincère et réciproque, et il éblouissait le mal partout où il passait.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant