21. Yum

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Un Kili'an n'a pas besoin d'oreiller. Pour se reposer, c'est sur des genoux qu'il préfère poser sa tête. Il adore se faire grattouiller le crâne en étant au plus près de son bonbon préféré – Journal intime du premier Aar'on –

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Space Force One était le nom donné au croiseur interstellaire de l'Aar'on. À chaque nouvelle intronisation, on remettait à l'élu les symboles de son pouvoir : cape, diadème, épée, permis de chasser du Kili'an, titre de propriété de tout Vojolakta et clé de son vaisseau pour ses petites balades et missions diplomatiques. Neuf, ce dernier était souvent sponsorisé par les plus grandes sociétés fédérales. En temps de guerre, le Space Force One était une machine de destruction capable de résister à des assauts nucléaires. En temps de paix, les entreprises de divertissement prenaient la suite des armuriers. Jacuzzi, piste de bowling, spa privatif, salle de dressage kilianesque, cinéma, cuisines dignes d'un grand restaurant... rien n'était trop beau quand il s'agissait de flatter l'homme qui décidait des différentes taxes applicables dans la galaxie.

Kili'an, lui, aimait beaucoup ce palais flottant, même s'il préférait quand même de loin son petit Swinton et sa dizaine de cabines. Mieux valait être capitaine chez soi plutôt que tenu en laisse chez les autres. D'ailleurs, et c'était forcément un signe, l'Aar'on avait eu tellement peur de le perdre qu'il ne lui enleva pas ses chaînes de tout le voyage. Serrer fortement entre ses mains cette petite lanière qui le liait à son trésor blond l'apaisait. Ce ne fut qu'après avoir vérifié à coup d'ordres stupides – assis, couché, donne la patte, ouvre la bouche, avale... – que l'adolescent n'était ni cassé, ni traumatisé et qu'il n'avait pas non plus subi de lavage de cerveau visant à le retourner contre la Fédération que le maître de Vojolakta l'invita à le rejoindre sur la large banquette qui faisait le tour de sa cabine. C'était de loin le commandement que le petit blond préférait. Enfin, après tant de tortures, il pouvait se reposer, ce qu'il fit en s'allongeant à côté de son maître et en posant sa tête sur ses genoux. Immédiatement, les doigts du brun se glissèrent dans sa chevelure flavescente. Ce massage de crâne lui tira quelques ronronnements. Même s'il ne connaissait pas encore sa destination finale, il se sentait enfin bien, comme si le cauchemar perpétuel qu'il venait de vivre depuis une vingtaine de chapitres touchait enfin à sa fin. Malheureusement pour lui, son propriétaire lui fit remarquer qu'il n'était pas dans un roman et qu'il était plus que jamais temps de botter les fesses des ennemis de l'Humanité. Kili'an grogna. L'Aar'on lui caressa le visage. Le beau soldat se calma et afficha un large sourire. Dans ces conditions, oui, c'était d'accord, il voulait bien sauver Vojolakta. Ainsi se passèrent de longues heures silencieuses, un brun assis à dorloter son petit blond en regardant les étoiles, et un petit blond allongé à se laisser faire sans rien demander d'autres, jusqu'à ce qu'enfin l'Aar'on se décide à poser la question qui le torturait intérieurement depuis qu'il avait appris le kidnapping de son bien aimé.

– Il ne t'a pas fait mal ? Adri'an ? Il n'a pas essayé de te féconder ?

– Meeeeeeeh – répondit l'adolescent en rougissant. j'suis pas fécondable, j'suis un garçon... Non, il n'a rien fait, il voulait que je m'offre à lui, mais moi, j'voulais pas ! Eh, c'est pas parce que la moitié de la Fédération ou presque veut me passer dessus que je ne sais pas me tenir ! Il m'a juste donné des coups de pieds, mais moi, dès qu'il me tournait le dos, j'lui tirais la langue ! Il a rien capté !

De rage, l'Aar'on serra les cheveux qu'il avait dans la main, déclenchant un « aie » sonore de la bouche du martyrisé, avant de se ressaisir et de lâcher une légère larme sur le front de son amant adoré.

– Je ne laisserai plus jamais personne te faire du mal... – murmura-t-il. Allons récupérer ton équipage et, ensuite, rentrons sur Thot préparer notre riposte. Je t'offrirai la tête des deux Ztékojs sur un plateau d'argent, tu pourras uriner sur leurs cadavres avant qu'on les donne à bouffer à je ne sais quelle espèce.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant