43. Hecatl

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Si un éléphant, ça trompe énormément, et bah un Kili'an, ça suce encore plus. Ouais, je sais, faut vraiment que je termine rapidement ce roman, ça devient n'importe quoi... – Journal intime du premier Aar'on –

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– Et voilà, un bon steak de megatlalocodon encore saignant de chez Jéro'chi, bon appétit ! Dites-moi, vous venez souvent ici ? Les touristes sont rares, en cette période... Avec la guerre et tout ça, un humain en plus, vous prenez des risques... Enfin, pour moi, tant qu'il paye, un client est un client !

Le soleil Totec s'était couché dans le ciel de Tlaloc. Au milieu des étoiles, la lune Hecatl brillait de sa lueur argentée. Sa capuche sur la tête, l'homme vêtu de violet sourit au Ztékoj qui venait de le nourrir, puis mordit dans sa pitance. Cette viande aquatique était un peu salée, mais pas désagréable à manger. Il avait besoin de force. Le tavernier lui semblait sympathique. Il poursuivit la conversation.

– Non, c'est rare... la dernière fois remonte à tellement longtemps que je m'en souviens à peine, même si je pense avoir laissé quelques bons souvenirs à certaines de vos consœurs... Certaines me surnommaient même « le démon d'Hecatl » ! C'est que j'en ai fait frétiller, de la poche pectorale ! Sinon, vous parliez d'une guerre ? Je vous avoue, je m'intéresse assez peu à l'actualité. Il s'est passé quelque chose dernièrement ? Votre système est toujours bien sous domination Kekchi, non ? Je croyais Solmanassé bien intégré à la Fédération...

Plus que son sourire, les mots de l'Humain firent frissonner le vieux Ztékoj. Clairement, il avait encore à faire une de ces pourritures fédérées se comportant partout comme en terre conquise. Celui-là était encore plus étrange que tous les autres. D'apparence juvénile, il parlait comme s'il avait vécu plusieurs vies. S'il jouait les idiots, il semblait en savoir bien plus qu'il ne le prétendait. Un espion ? Un membre de la police fédérale sous couverture ? Dans tous les cas, il était forcément dangereux. Calmement, Jéro'chi répondit comme si de rien n'était. Il devait tenir jusqu'à l'arrivée de la milice. Elle serait là d'une minute à l'autre...

– Oui, mais plus pour longtemps... – ricana le Ztékoj. Suite aux disputes entre l'Aar'on et le peuple Kekchi, ces derniers ont fait bande à part. Ils contrôlent leurs propres troupes, stationnées sur Chicome, la planète voisine. Les pauvres n'aiment pas trop l'eau, le climat de Tlaloc leur réussit moins... Les principaux colons sur cette planète sont des Humains, comme vous, mais adaptés au monde aquatique. Ils vivent reclus dans leurs villes et seront les premiers à mourir quand le Bottel'ron nous délivrera de nos chaines. Son armée, menée par une de nos sœurs en plus, est en route. Bientôt, nous serons tous libre. Et vous, tous morts. Allez, terminez votre steak, c'est peut-être votre dernier...

Fatigué, l'Humain soupira. La viande était trop cuite et les informations frelatées. Il avait quand même bien peu de chance. C'était la troisième taverne de surface qu'il faisait, et à chaque fois, on lui racontait des banalités. Que les Kekchis fussent en situation de faiblesse et que les renforts fédérés, bloqué de l'autre côté des Vorticos n'arrivassent pas, il l'avait déjà très bien compris. Lui-même avait eu plutôt du mal à trouver un passage vers Tlaloc, et avait dû jouer sur les illusions pour passer certains postes de sécurité. Mais même le fait que Clé'a préparait une offensive, ce n'était pas une surprise. Ses vaisseaux s'étaient massés dans le ciel et n'attendaient que son feu vert pour lancer l'assaut et libérer les pauvres Ztékojs opprimés.

Non, ce que l'Humain n'arrivait pas à comprendre, c'était le plan derrière tout ça. Pourquoi le Bottel'ron avait-il confié à sa principale lieutenant la majorité de sa maigre armée pour attaquer un point aussi peu stratégique que le système Solmanassé, au risque de laisser Soljamine sans défense ? Pour intégrer les Ztékojs ainsi libérés dans ses rangs ? À de rares exceptions, ces derniers faisaient de piètres combattants. Leur talent résidait bien plus dans leur technologie de pointe que dans leurs aptitudes physiques. Malheureusement, plusieurs générations d'asservissement leur avait fait prendre un peu de retard en matière d'armement, notamment pour tout ce qui était missiles bioniques téléguidés à très longue portée. Le Bottel'ron ne pouvait l'ignorer. Cette opération ressemblait à tout sauf à un plan censé. Certes, le succès dans la bataille était écrit. Mais si c'était pour diviser ses forces en obtenant une victoire à la Pyrrhus, était-ce bien utile ? Et qui, d'ailleurs, était ce Pyrrhus dont l'Humanité avait perdu la trace en même temps que leurs souvenirs de l'existence de Canaan ? Tout le monde s'en fichait complétement !

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant