30. Wedo

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Si le cul d'un Kili'an servait à déféquer, ça se saurait ! Par contre, ça a plein d'autres utilités, dont la principale est de satisfaire son Aar'on. Certains seraient prêts à payer une fortune pour simplement l'explorer ! – Journal intime du premier Aar'on –

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Wedo était une plutôt belle planète. Non, franchement, vue de l'espace, cette énorme boule presque entièrement blanche ressemblait à une perle posée en pleine voûte céleste. Pour Kili'an, couvert de chaînes et jeté comme un malpropre au fond de la cale d'un croiseur de marchandise, l'admirer par le hublot était une bonne raison de sourire. S'imaginer par contre ce qui allait lui arriver une fois qu'il aurait posé le pied sur son sable fait de sel, de calcaire, de quartz, de mica, de poudre de diamant et de centaine d'autres composées, ça, c'était moins cool.

À cause de la très faible présence d'eau dans l'air et dans le sol, les espèces vivant à la surface de Wedo étaient peu nombreuses. Cela n'avait cependant pas empêché une civilisation d'y naître et d'y prospérer. D'une très grande intelligence – supérieure à celle des Humains –, les Voduos étaient des créatures raffinées au sang froid. Leur corps reptilien était couvert d'écailles et de griffes qui leur permettaient de creuser le sol et d'exploiter les nombreuses grottes et galeries de leur planète pour y installer villes, citadelles et usines. La principale activité de ces dernières était de séparer les différentes composantes du sable de la surface, afin d'y trouver des nutriments pour nourrir la population, des matériaux pour nourrir l'architecture et des pierres et métaux précieux pour garnir le portefeuille. La poudre de diamant locale était un bien particulièrement réputé et recherché. Il avait permis aux Voduos de commercer avec l'Humanité lorsque le huitième Aar'on, le Coopérant, était arrivé au pouvoir. Les échanges pacifiques n'avaient duré que jusqu'à l'avènement du neuvième, le Belliqueux, attiré par les richesses de Solnephthali. S'en était suivie une longue guerre de position. Dans leur lutte contre les Ashtars pour le contrôle de Vojolakta, les fédérés n'avaient eu que peu d'énergie à consacrer à leur différend avec la planète Wedo. Ressemblant à de grands serpents à l'allure droite et aux parures synthétiques, les Voduos étaient de puissants guerriers et de brillants stratèges, à tel point que même les Ashtars les craignaient. Il aura fallu l'avènement d'un des plus grands Aar'on de l'histoire, le quinzième, – connu sous le nom du « Merveilleux » – pour que Solnephthali soit contraint par les armes de rejoindre la Fédération. Soumis, les Voduos n'eurent d'autre choix que de transmettre une partie de leurs ressources et de leurs connaissances à leurs nouveaux maîtres. L'intelligence du Merveilleux aura cependant été de traiter avec sagesse les habitants des territoires conquis, en les dédommageant financièrement de leurs sacrifices via la création d'une nouvelle monnaie inspirée de la douceur du postérieur de son Kili'an et de sa manie de s'habiller en vert, le Kil. En moins d'une génération, cette dernière devint la devise officielle de la Fédération et les Voduos se retrouvèrent riches, suffisamment pour songer à une intégration politique à cet ensemble qui les avait soumis. Ce fut chose faite sous le dix-septième Aar'on, le Pacificateur qui, après un test d'Âmination, leur accorda le statut d'Âminêtre et une bonne place dans les différentes instances fédérales.

Toujours enchaîné dans sa cale, Kili'an voyait se rapprocher avec rapidité le sol de Wedo. Il aimait bien cette planète. Les coutumes de ses habitants le fascinaient. Même si les Voduos vivaient principalement dans les sous-sols, ils n'en restaient pas moins de grands astronomes et adoraient sortir à la surface pour scruter leur ciel. Leur calendrier, lunaire, était d'une grande complexité. Au centre de Solnephthali trônait une étoile massive et brillante, Ayiada. Autour de Wedo gravitaient une cinquantaine de lunes de tailles diverses – un record dans Vojolakta –, certaines habitables et d'autres non. De l'espace, l'impression donnée par ce bal orbital était celle d'un énorme calot opalin entouré d'une multitude de petites billes multicolores. En résultait une complexité folle pour s'y retrouver dans les dates et les nombreux phénomènes naturels qui y étaient liés. Une des grandes traditions Voduo était d'ailleurs d'organiser de grandes célébrations se terminant toujours pas une vente aux enchères lors d'une éclipse. Plus elle était belle, plus les biens vendus devaient être de qualité. Avec autant de lunes au-dessus de leur tête, les Voduo faisaient souvent la fête. Et là, une éclipse parfaite saluée par tous les connaisseurs venait justement d'avoir lieu.

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