13. Susanoo

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Un Kili'an, c'est fier. Et du coup, sa fierté le pousse souvent à désobéir. Et quand il désobéit, il lui arrive des crasses. Et quand il lui arrive des crasses, il pleure. Et quand il pleure, il fait moins le fier. Et quand il fait moins le fier, il obéit. Conclusion, pour qu'il obéisse, il faut commencer par le laisser désobéir. C'est du dressage contrarié. – Journal intime du premier Aar'on –

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Le Swinton venait de décoller de Thot et se dirigeait tranquillement vers le Vortico le plus proche. Au sein du centre de commandement, chacun s'affairait à son poste. Mart-1 s'entraînait aux jeux vidéo ; Yun'ah réparait Mart-1 ; Camill essayait les robes qu'il avait achetées sur la station orbitale ; l'IA du vaisseau critiquait les faits et geste de tout le monde et Link'o rapportait la balle que lui lançait son maître et capitaine. Fort occupé à divertir son chien de protection, ce dernier vociférait contre sa fonction. Leader d'une unité d'élite qui parcourait Vojolakta au service de l'Aar'on, il se devait d'agir avec honneur, courage et abnégation pour se rendre digne de la confiance qui lui était accordée.

Et pourtant, là, il n'avait qu'une seule et unique idée en tête.

Bouder.

– Bon, tu vas faire la tronche longtemps ? – demanda la mécanicienne du groupe. Elle est magnifique cette pancarte ! Elle a dû lui coûter une blinde ! Tu devrais en être fier, et puis, elle te va super bien !

– C'est vrai – poursuivi Camill. Et puis, une condamnation, c'est une condamnation ! Moi, je trouve que ça te rend sexy... les filles aiment toujours les vilains garçons...

– Waf ! – ajouta Link'o en remuant la queue, attendant qu'on lui renvoie la balle.

– Affirmatif – conclut Mart-1. Tu devrais arrêter de faire la tête, maintenant et nous indiquer quelle est notre prochaine mission.

La tête baissée mais les yeux levés, Kili'an gonflait de manière insoumise sa lèvre inférieure. Si lui avait été vilain, alors l'Aar'on avait été le roi des cons ! Et son équipage était composé d'une bande de vendus, bêtes, idiots et inutiles ! Non, mais c'est vrai, ça ! C'était lui qui risquait sa peau à chaque fois ! Peau qu'il avait d'ailleurs suave et douce et qui lui avait valu de remporter un prix lors d'un salon intersidéral de l'agriculture, catégorie monture. Après d'intenses discussions, les jurés avaient considéré que l'adolescent répondait bien à tous les critères pour participer au concours : soumission à un Âminêtre, intelligence supérieure à la moyenne des animaux mais quand même limitée de manière génétique – ici prouvé par la couleur de ses cheveux – et, surtout, capacité à se faire monter. Voir même démonter dans son cas, comme l'avait prouvé l'Aar'on par son témoignage et une démonstration en public. Pour le désigner vainqueur, les juges avaient ainsi retenu ses principales qualités : la perfection de son épiderme fait du meilleur cuir, la finesse de sa croupe, son allure digne et noble à quatre pattes et, surtout, la rondeur et le moelleux de son arrière-train. Cet attribut physique était d'ailleurs à faire pâlir de jalousie le derrière des Wachs, l'espèce la plus sacrée de Varaha, dont le tâtage de cul avait toujours été l'apanage des puissants de ce monde et la principale attraction de ces salons. La victoire de Kili'an avait fait la fierté de l'Aar'on ! Pour fêter cela, ce dernier avait fait prolonger de quelques jours la durée de l'événement afin que le plus de monde puisse venir admirer le blond qu'il exposait. Le concerné, lui, avait tout simplement été heureux d'être source de joie pour son maître.

– Eh, arrête de rêver ! – le coupa Yun'ah dans ses pensées. T'as un sourire con sur le visage, c'est insupportable ! Là, t'es censé nous donner les consignes, pas revive dans ta tête tes meilleurs souvenirs ! On va où, là ?

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant