16. Lug

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Et au moment du choix, le héros aux cheveux du soleil plongera dans les bras du dieu de l'ombre et lui volera son nectar sacré, puis deviendra son esclave à jamais ! Paskilétropbo ! – Journal intime du premier Aar'on, après plusieurs tequilas paf –

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Lug, troisième planète du système Soljude. Parce qu'elle était dotée d'une très faible gravité et de très hautes falaises, presque toutes les espèces locales avaient, au cours de leur évolution appris à maîtriser le vol, même les hommes. Accompagné de Bruiss, le représentant local au conseil des douze, et d'une escorte de Galos, espèce Âminale pacifique quadrupède ayant pour principale caractéristique de posséder un bec, une magnifique crinière et deux ailes gigantesques leur permettant de planer et de prendre de l'altitude grâce aux courants d'airs chaud, l'Aar'on se rendit dans le sanctuaire Swiss, une large bande de montagnes rouges recouverte de neiges blanches éternelles. Ce lieu lui appartenait et personne n'avait le droit d'y pénétrer sans son autorisation. Peu de temps avant sa prise de pouvoir, il avait dû s'y réfugier pour mener à bien les affaires de la Fédération. En revenant sur Thot, il y avait laissé une partie de lui-même.

– Elle est là ? – demanda le Légitime.

– Oui, – répondit Bruiss. Elle vous attend. Les Galos ont bien veillé sur elle. La faible gravité et l'air pur qu'on trouve sur cette planète lui fait le plus grand bien. Même s'il reste très préoccupant, son état est stable.

– Bien, laissez-moi seul avec elle.

Couchée sur un lit se tenait une femme entre deux âges au visage marqué par plusieurs rides du sourire. S'asseyant à ses côtés, l'Aar'on lui saisit les mains et les porta à son front. De fines larmes coulèrent sur ses joues, jusqu'à s'écraser sur les draps blancs qui recouvraient le corps affaibli. Pourtant, malgré la culpabilité qui frappait le maître de Vojolaka, elle ne semblait pas avoir pour lui ni rancœur, ni animosité. Tout ce qu'elle fit fut de le regarder avec attachement sans un mot, geste de bonté qui fit gémir l'Aar'on.

– Je... je ne t'ai pas abandonné... Même si tu ne me vois pas, je suis là. Je serais toujours là... C'est juste que je ne peux pas le laisser. J'ai besoin de lui comme il a besoin de moi... C'est ma responsabilité...

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De l'autre côté de la galaxie, Kili'an et les siens se remettaient tout doucement du guet-apens dont ils avaient été les cibles. Refusant de donner plus d'explication à ses camarades avant d'avoir atteint le temple au sommet de la colline, Gabri'el y conduisit tout ce petit monde. En tous points semblable à celui de Siddhart, il possédait les mêmes gravures, dont cette image de deux garçons en protégeant un troisième. À l'abri entre les murs, l'être à la capuche violette entreprit de soigner les blessés avec les moyens du bord. Si Kili'an s'en était plutôt bien sorti – il avait l'habitude de se faire trouer et il cicatrisait toujours très bien sans garder la moindre marque –, ce n'était pas forcément le cas de ses compagnons. Link'o et Benj'am affichaient quelques contusions ; Camill souffrait d'un véritable dédoublement de la personnalité qui se traduisait par des crises de folies et d'angoisse ; Mart-1 était en plusieurs morceaux ; Yun'ah, enfin, avait été tellement choquée et frappée qu'elle en avait perdu le goût de la traîtrise. En ce sens, tous admirent que c'était bien elle la plus touchée et que son état était gravissime. Après deux jours de repos intensif, tous se réunirent dans la voûte, à côté d'un autel sur lequel était posé une sorte de livre ancien. Sur sa couverture, toujours le même symbole et, gravées en lettres d'or, le mot « Vojolakta ». Les interrogations étaient nombreuses, ce fut Kili'an qui posa la première question.

– Pourquoi nous avoir fait venir ici, alors que tu étais avec nous pendant tout ce temps ? Ça rime à quoi ?

– Pardonne-moi. – murmura leur guide, une main posée sur l'ouvrage. Je pensais que ça ne rimait à rien de me présenter si je n'avais pas ce livre sous la main. Mais commençons par le commencement. Je suis l'ermite de Siddhart, le Gabri'el. Gaby ou Geb pour les intimes. Tu vois cette relique ? C'est le journal intime du premier Aar'on, l'Amoureux. Il y contient toutes ses pensées et les témoignages de sa passion. Le dessin sur la couverture, que tu peux aussi observer sur le temple, représente l'alliance des premiers Aar'on et Gabri'el pour veiller sur le premier Kili'an. Et c'est le même schéma qui se répète inlassablement depuis maintenant vingt-sept générations, avec parfois quelques accrocs. La faute à certains bruns qui n'ont jamais trouvé leur promis ou à d'autres qui ont été méchants avec le leur. Enfin, si la raison d'être de l'Aar'on a toujours été d'aimer son Kili'an, le Gabri'el, lui, est un émissaire de l'ombre, un ange gardien silencieux. Son existence, mon existence, est un secret normalement connu de l'Aar'on seul.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant