4. Les Appartements aaronesques

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Pour les animaux, les Kili'an ont une grande affection, sans doute parce que leur cerveau, en de nombreux points similaire à celui des bêtes, leur permet de les aimer et comprendre à foison. – Journal intime du premier Aar'on –

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Pris par la fatigue, le quelconque Kili'an – note du narrateur : je dis quelconque parce que môssieur n'aime pas qu'on fasse remarquer trop fort à quel point il est beau, alors voilà, tant pis pour sa gueule – s'était endormi sur son lit. Sa précédente mission et son procès express l'avaient éreinté. Émergeant à peine, il sursauta en voyant l'heure s'afficher sur un écran. Il était plus qu'en retard pour faire son rapport ! En toute hâte, il courut à travers la station orbitale, bousculant au passage femmes et enfants qui avaient eu la bêtise de se mettre sur son chemin. En nage, il arriva devant les portes fermées des appartements aaronesques. Avec une infinie délicatesse, il les poussa et glissa sa petite tête blonde à travers le montant, puis soupira de soulagement en voyant que les lieux n'étaient peuplés que des félins et de l'esclave personnel de son maître. Celui qui régnait sur la Fédération avait certainement dû s'absenter, ce qui était plutôt une bonne nouvelle : cela permettrait à l'adolescent de masquer son trop grand retard et lui éviterait sans doute une trop sévère correction. Mieux, ce répit lui offrait quelques minutes pour préparer son corps banal pour mieux l'offrir en offrande à l'homme qui possédait son âme. – note du narrateur : en fait, son corps est magnifique, mais bon... comme je n'ai plus le droit de le dire...

Sans la moindre gêne et ne gardant sur lui que le précieux collier qui indiquait son statut, le jeune héros dégrafa sa ©Végéscratch, afficha sa commune nudité à la vue des animaux qui le regardaient sans grande attention, s'étira, raffermit son insignifiant postérieur en tapotant dessus et plongea la tête la première dans l'immense baignoire – réglée sur frigorifique – du maître de la galaxie. La morsure du froid le fit trembler. Ce moment de repos lui donnait l'impression d'être seul au monde. Une toute petite chose lui indiqua que le temps ne s'était pas vraiment arrêté : le regard mauvais de Jona, parfaitement jaloux de cet Humain qui avait le droit de se laver dans les appartements aaronesque alors que lui, simple serviteur, était obligé de faire sa toilette dans les sous-sols avec tous les autres déchets de son espèce.

Flottant sur le dos, Kili'an observa avec attention la voûte céleste. Tant d'étoiles dans le ciel, et si peu qu'il avait visitées. Tant de lunes qu'il rêvait de fouler, tant d'aventures qu'il voulait vivre... Quelques années auparavant, esclave de la société, jamais il n'aurait pu imaginer que son destin prendrait un jour un tournant si particulier. À l'époque, il ne savait pas ce qui le rendait si spécial, il ignorait complètement ce qu'il était... Simple petit garçon aux yeux verts et aux cheveux jaunes, jamais il n'aurait pu imaginer qu'il était en réalité un Kili'an, un de ces êtres de légendes dont le but était de s'offrir à l'Aar'on. Il ne connaissait pas le sens de son existence, le découvrir fut un énorme choc. Au début, il mit de la mauvaise volonté à se donner à son partenaire, comme telle était pourtant sa raison d'être. Il ne se sentait pas prêt, il n'arrivait pas à l'accepter, il préférait qu'on le force. Puis au terme de son dressage il finit par accepter son essence, et jamais il ne le regretta. Après enfin avoir compris quel était son rôle dans l'univers, sa vie en avait été complètement transformée. Il se battait pour la Fédération, au nom de son maître. Sa crinière dorée était devenue un symbole d'espoir. Et de temps en temps, entre deux missions, il pouvait venir se reposer dans cette pièce ronde, sombre et froide dominée en son centre par un trône et juste derrière par un immense lit. Là, Kili'an se sentait bien et protégé, comme si rien de mal ne pouvait lui arriver.

Sortant enfin de la baignoire, l'adolescent entendit un bruit. À peine eut-il le temps de se retourner qu'il se retrouva violemment projeté contre un mur, puis plaqué au sol. Un immense monstre blanc de plus de trois mètres au garrot l'écrasait et lui déchiquetait le torse de l'une de ses quatre pattes recouvertes d'une épaisse fourrure. Sa gueule géante semblait suffisante pour engloutir un Ashtar à elle seule. De ses babines coulaient d'immenses traits de bave acide. De sa langue sirupeuse, il recouvrit le visage du pauvre petit blond, qui hurla.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant