47. Le Swinton

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Kili'an est tout, je ne suis rien, aujourd'hui comme demain. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas faire la vaisselle quand c'est son tour – Journal intime du premier Aar'on –

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– Notre arrivée sur Angra est prévue d'ici quelques heures. Êtes-vous bien sûr de votre stratégie ? C'est une mission suicidaire, il n'est pas trop tard pour reculer.

Ainsi furent les dernières paroles prononcées par l'intelligence artificielle du Swinton, avant que l'Aar'on ne l'éteigne à tout jamais. Oui, il avait confiance en son plan. Les dernières révélations de Gabri'el lui avaient fait prendre conscience de son rôle. Longtemps, il avait cru que le seul but de son existence était de régner sur l'univers. La vérité était toute autre. Il n'était né que pour aimer son Kili'an. L'aimer et libérer sa force, la seule permettant de sauver Vojolakta.

Il n'était pas le maître. Il n'était rien d'autre qu'un morceau de chair bouillonnant. Le comprendre l'avait apaisé. Ce n'était pas aux soldats de la Fédération de se battre pour lui, mais bien à lui de se battre pour tous les vivants qui lui faisaient confiance et qui croyaient en ce qu'il représentait.

À quelques détails près, l'avis de son petit blond se rapprochait du sien. Si pour lui, sauver tout le monde était la mission d'un véritable héros – ce qu'il était par ailleurs –, il n'avait pas accordé grande importance aux explications de Gabri'el. Trop compliquées pour ses petits neurones. Il n'avait pas besoin de savoir qui était le plus important dans le cadre d'une Résonance, et encore moins qu'on lui explique qui jouait le rôle de la clé et qui celui de la serrure. Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était qu'un plus un fassent bien deux et que l'amour triomphe. Dit comme ça, cela paraissait forcément un peu béta. Pourtant, c'était ce à quoi il croyait sincèrement. Que la source de tous les pouvoirs réside en lui et non pas en son homme lui faisait une belle jambe. Dans les faits, cela ne changeait pas grand-chose : c'étaient toujours ses fesses à lui qu'il fallait écarter, et cela lui allait parfaitement bien. D'ailleurs, pendant tout le trajet, il avait exigé de répéter leur botte secrète, en bloquant naturellement leurs sensations respectives pour éviter de tout faire péter en chemin.

Car le plan, pour finir, était fort simple.

La victoire de prestige obtenue par la Fédération dans le système Solmanassé avait été au prix de très nombreuses pertes. L'armée était très clairement affaiblie. Même la retraite sur Narashim, si elle avait miraculeusement remonté le moral des troupes, ne changeait rien à la triste vérité. Le Bottel'ron et ses Ashtars contrôlaient à présent cent pour cent de Soljamine, leur espace natale. Ils étaient forts, puissants, organisés et combatifs. Même avec le reste de l'univers contre eux, la guerre était partie pour durer. L'Aar'on en avait pleinement conscience. La seule solution pour détruire la menace que cette espèce représentait pour le reste du vivant était de lui couper la tête et de tuer une bonne fois pour tout son maître. Même Kili'an était parfaitement d'accord avec son brun. Selon ses propres mots, il fallait zigouiller du Bottel'ron, et c'était à eux deux de le faire et à personne d'autre.

En reprenant Solmanassé, l'Humanité et ses alliés avaient aussi récupéré la maîtrise des principaux Vorticos. Toutes les routes leur étaient ouvertes. Sous le commandement de Jéro'èm, l'armée avait lancé son assaut sur Mithra et ce qu'il restait de Spenta, les deux lunes d'Angra. Le but avoué était d'en prendre le contrôle et de s'en servir comme marchepied pour les prochaines opérations. Ce n'était en réalité que de la poudre aux yeux. Le véritable objectif était de mobiliser un maximum de forces ennemies dans la bataille pendant qu'un minuscule vaisseau s'approcherait dans l'ombre de la planète ou résidait le Bottel'ron.

Ce dernier, aussi lâche que puissant, avait pour habitude de laisser ses principaux généraux briller sur le terrain. Il avançait toujours discrètement et intelligemment ses pions de son poste de commandement et n'en sortait que rarement entre deux batailles pour réaffirmer aux petits plaisantins de son espèces qui osaient le défier ou lui désobéir qu'ils ne connaîtraient jamais d'autre maître que lui. Son plus grand plaisir était d'exécuter directement les prisonniers et autres condamnés à morts, souvent après les avoirs pénétrés et déchirés intérieurement de ses dards.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant