44. Chicome

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Un Kili'an, c'est comme un nouveau-né, c'est vierge de toutes mauvaises intention. D'ailleurs, la première fois qu'un Aar'on le rencontre, c'est vierge tout court. Mais ça, ça dure pas. – Journal intime du premier Aar'on –

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Dans l'espace, personne ne vous entend crier. Ce n'était pas vraiment un problème. Ni jouir. Là, déjà, cela en posait un peu plus à Kili'an et à son Aar'on. Sans atmosphère, pas de Résonance, c'était aussi simple que ça.

En réalité, même se battre était particulièrement compliqué. Sans air pour freiner les tirs, rater sa cible revenait à expulser en inertie libre ses missiles et autres lasers, jusqu'à ce qu'ils percutent quelque chose. Et puis, les vitesses étaient telles que viser nécessitait des réflexes et une précision que nul ne possédait. Ajouter à cela les distances à parcourir et à couvrir, et les combats spatiaux ressemblaient bien plus à un numéro de cirque qu'à une joute militaire organisée en rangs serrés.

Dans Vojolakta, quand les belligérants voulaient en découdre, la bonne stratégie était toujours de chercher à contrôler les Vorticos avant de fondre sur les planètes habitées et riches en ressources. Après les attaques aériennes, c'était toujours au sol que se déroulaient la majorité des combats. Le ciel servait de support et d'appui, mais en quelques centaines d'années, la guerre n'avait pas tant évolué que cela. Des armes, des soldats, des commandants, un drapeau, un objectif, une fierté, des morts...

Bien que Kili'an n'ignorât rien des règles du jeu, elles l'angoissaient. Jusqu'à présent, il s'était principalement battu lors de missions d'infiltrations, contre un nombre limité d'adversaire. Là, se profilait sa première grande bataille. Ni lui, ni son équipage ne pouvaient plus reculer. Cette histoire prendrait sans doute fin dans les océans et sur les plages de Tlaloc. C'était écrit. La mer de cette planète toute bleue se teinterait irrémédiablement de rouge. C'était ainsi.

Suite au sacrifice de Camill, l'adolescent et son brun adoré avaient pu ouvrir un nouveau Vortico échappant au contrôle de leurs ennemis. Immédiatement, le Swinton avait plongé en son cœur pour ressortir au fin fond de Solmanassé.

De son hublot, le soldat blond observait les étoiles briller d'une fine teinte violacée. Au loin, près de Tlaloc, l'armée du Bottel'ron s'apprêtait à donner l'assaut. Clé'a avait derrière elle des milliers de croiseurs remplis de jeunes Ashtars assoiffés de sang. Les forces fédérées présentent sur place n'avaient aucune chance. Ce n'était qu'une question de minutes avant qu'elle n'attaque. La défaite semblait se profiler, inéluctable. Plutôt que de l'affronter directement, l'Aar'on conseilla un savant repli stratégique.

– Pour gagner, il faut parfois commencer par perdre... Laissons Clé'a prendre possession de sa petite planète humide en lui opposant un semblant de résistance sur place. Pendant que nos hommes tomberont sous les balles, nous réunirons tranquillement nos forces disponibles avant de contrattaquer d'un seul coup !

Même si le plan consistait à l'abandon et au trépas des quelques courageux soldats fédérés n'ayant pas fuis Tlaloc, les paroles du Légitime convainquirent le soldat blond de donner ordre à son équipage de mettre le cap sur Chicome. Comme le disait son expression favorite, « On ne fait pas de turlute sans baisser la braguette ! », version moderne d'un vieil adage humain plus policée à base d'omelette et d'œufs. Mais cela voulait dire exactement la même chose, ou presque. De toute façon, lui, dès qu'il était question de stratégie, il était complètement à l'ouest. À l'école militaire, il avait toujours eu des notes exécrables en la matière, là où il excellait en combat rapproché. Penser était bien trop compliqué et énergivore pour sa pomme. Après tout, il avait une bonne méthode, il l'appliquait tout le temps et elle marchait plutôt bien. Pourquoi réfléchir quand on pouvait simplement foncer dans le tas, déconcentrer l'adversaire en remuant son derrière et l'égorger d'un coup sec et précis avant de passer au suivant, jusqu'à ce qu'ils soient tous morts ? Sauf que là, forcément, à un contre cent, il y avait de quoi être rapidement submergé. Mieux valait donc laisser la décision à ceux qui réfléchissaient.

VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant