Le geste de 423 fut incompris par tous. Elle se détachait après tout toujours du lot dans le bon sens et beaucoup l'estimaient déjà pour ce qu'elle serait plus tard, mais pour ce coup-ci, c'était comme si le rideau venait soudainement de tomber.
Il est vrai qu'elle avait achevé 122 sans la moindre hésitation, comme on écrase un ver de terre qui se tortille en vain sur le sol. Mais son comportement pouvait également passer pour un geste de pitié, et c'était connoté trop négativement au Tombeau pour qu'elle puisse s'en sortir sans dommage. Sa seule défense s'était résumée à : « Il fallait que quelqu'un le fasse ». Les Gardiens avaient pourtant été clairs. On ne doit rien faire si ce n'est pas commandé. 423 avait pris une initiative. C'était mauvais, vraiment très mauvais. Alors, malgré toutes ses prouesses passées et son avenir prometteur, on l'envoya à l'exécution le lendemain. Tout le monde était très excité : on allait enfin voir si son inhumanité l'empêcherait de mourir comme eux tous.
Le tortionnaire était un jeune homme presque fait de la quatrième section. Il avait été choisi avec soin, pour qu'on soit sûr qu'il l'éliminerait sans difficulté. On l'avait fait venir expressément au Tombeau, puisque les jeunes de la quatrième étaient supposés être partis depuis longtemps. Malgré sa rapidité et sa force, il avait tout de même un grand défaut qui lui avait valu de rester cantonné dans la section quatre malgré son âge. Il était très peu patient. 423 manifesta de la crainte en le voyant. Allait-t-elle devoir se battre contre ce géant ? Elle n'avait pas compris jusqu'alors qu'elle allait sans doute mourir.
Le combat débuta. 423 se retrouva plongée dans une situation qu'elle avait déjà expérimentée plus de cent fois. Tout était familier, le bruit, les cris, le cercle d'enfants autour d'elle, même la sueur qui coulait à profusion sous sa tunique déguenillée. Les deux bougres se tournaient autour, les mains en avant et les pieds piétinant le sol.
423 prenait le temps de jauger son adversaire alors que lui se jetait sans cesse sur elle et la manquait à chaque fois. Que serait-elle aujourd'hui ? Oubliés les rêves insensés d'un corps sans douleur, aujourd'hui elle devait entrer dans la peau d'un tueur, tel un serpent. Elle se coula entre les lames de couteau, zigzagua encore et encore, inlassablement. Mais cela ne rimait à rien, elle-même n'avait pas de couteau, et un serpent sans crochets n'avait pas lieu d'être.
Cette pensée l'arrêta, rien qu'un instant, mais juste assez pour que le jeune homme lui plantât sa lame dans la main, si fort qu'il la plaqua même contre le panneau de bois où gisait encore 122, enfonçant profondément sa chair dans l'écorce. Tous ensemble, les spectateurs relâchèrent leur respiration dans un souffle parfaitement audible. Le combat était fini. Alors que le jeune homme brandissait un couteau libérateur, 423 serra les poings et arracha la lame hors du bois dur dans un cri de bête.
La suite se déroula si vite que personne ne fut d'accord sur ce qui était vraiment arrivé. Toujours était-il que dans le même mouvement, 423 avait tranché la gorge de l'autre. Il était mort sur le coup. En vitesse on éloigna la fillette du cadavre et on la soigna du mieux qu'on put. Elle avait triomphé de l'adversité. Elle, une première section, avait tué un titan de la quatrième.
VOUS LISEZ
Au sortir du Tombeau
ParanormalCachée au fin fond du Tombeau, Yana n'a eu aucun mal à devenir une terrible tueuse. Mais lorsqu'elle émerge enfin à la lumière du dehors, ses crimes ne peuvent plus être ignorés de personne. Alors, comment mentir à Malo, l'héritier de l'Empire qui l...