Chapitre 18

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PDV Armand :

Le jour suivant apporte à tout le monde beaucoup de sérénité. Il fait très beau et chaud et Makoto nous propose de tous aller nous rafraîchir à la piscine. Irniaëlle et moi nous empressons d'accepter, peu habitués à de telles chaleurs depuis notre arrivée. Valentin, lui, décline purement et simplement l'invitation, prétextant une subite migraine. Depuis hier il n'est que l'ombre de lui-même et je commence à sérieusement avoir de la peine pour lui, de le voir aussi misérable. Je ne suis pas quelqu'un de rancunier et je me promet d'aller au plus vite lui présenter mes excuse et lui assurer que je mettrais tout en œuvre pour qu'Irniaëlle se rende compte qu'il a agit dans le seul but de la protéger.

Nous ne sommes donc que trois à prendre la voiture en direction de Tokyo. J'ai veillé à ce qu'Irnia mange régulièrement et en conséquence depuis mon retour et c'est aujourd'hui une boule d'énergie qui piaille à l'arrière, nous racontant tout ce qui lui passe par la tête.

- Je ne me suis pas encore habituée au fait qu'on roule à gauche et que le volant est à droite, lance-t-elle à mi-chemin en riant, du coup j'ai cru que c'était toi qui conduisais Armand, ce qui n'est pas logique n'est-ce pas.

Je me retourne pour l'observer en souriant d'un air amusé. Elle a retrouvé ses joues naturellement roses et paraît réellement heureuse. Cela gonfle mon cœur de joie et je ne parviens pas à me départir de ce sourire qui s'étire maintenant d'une oreille à l'autre.

- Au fait tu as ton permis ? poursuit-elle en collant sa tête contre la vitre.

- Oui je l'ai passé juste avant de partir, comme ça je suis débarrassé.

- Et tu comptes rentrer en France un jour ?

- Oui bien sûr, l'argent n'est pas inépuisable et il faudra que je me trouve un boulot pour en regagner.

Elle acquiesce à cette remarque et continue de regarder défiler le paysage le reste du trajet. Quant à moi, je reste focalisé sur ce qu'elle vient de me demander. En effet, il va bien falloir que je rentre à un moment donné et que je me trouve un travail et un appartement pour ensuite construire ma vie. Cette pensée m'effraie un peu, d'autant plus que je me dis que je reviendrai certainement en même temps qu'Irniaëlle à la fin de l'été. C'est si proche en fin de compte. Je fais un rapide calcul de ce qu'il me reste en terme d'argent et me fais la réflexion qu'un dernier billet d'avion passera largement. Cela me rassure de constater que j'ai bien géré mon budget.

L'après-midi piscine se passe dans la bonne humeur, je crois même que c'est la première fois que je vois Makoto sourire et rire franchement aux bêtises qu'Irniaëlle et moi faisons dans l'eau. Nous rentrons d'ailleurs assez tard, tellement nous avons voulu en profiter jusqu'au dernier moment. Valentin nous a fait l'agréable surprise de préparer un somptueux repas et je gratifie son geste attentionné d'un sourire franc à son égard. Cela semble l'égayer un peu et nous mangeons dans un silence reposant mais aucunement tendu. Je surprends même Irniaëlle à louer la cuisine de son frère. Tout semble vouloir rentrer dans l'ordre en fin de compte. Je réfute immédiatement cette pensée. Non, tout ne rentre pas dans l'ordre, bien au contraire. Il ne faut pas que je perde à l'esprit qu'Irniaëlle et moi sommes censés commencer notre "entraînement" demain.

Cette nuit, je peine encore à trouver le sommeil, je n'arrête pas de réfléchir à ce fameux apprentissage du Sakuri. Plus j'y pense plus ça m'angoisse. Et ça m'angoisse parce que j'ai vraiment peur de ne pas être à la hauteur, après tout Totsue n'a-t-il pas dit qu'Irniaëlle a des prédispositions au don et rien sur moi ? C'est vrai, selon lui, la jeune brune a indéniablement du talent, mais il n'a fait absolument aucun commentaire sur moi. Du coup j'en viens à penser que je ne servirai pas à grand chose. Mais tout de même, s'il m'a choisi c'est que j'ai du potentiel aussi, non ?

Je soupire et me tourne sur le dos, fixant le plafond d'un regard vide. Ah tiens j'avais oublié une chose également, normalement à partir de demain je logerai au sanctuaire chez le japonais. Je ne sais vraiment pas ce que j'ai à partager avec lui, et je doute que vivre en sa compagnie soit agréable. Finalement, la seule chose qui me donne du courage est le fait de savoir que je verrai Irniaëlle tous les jours.

Les heures défilent et mes yeux refusent obstinément de se fermer. Puis, aux alentours de 2h je sursaute violemment lorsque la porte de ma chambre commence à coulisser lentement. Lorsque l'ouverture le lui permet, le corps frêle d'Irniaëlle se faufile à l'intérieur, avant de refermer derrière elle. Elle s'appuie sur le mur en face de moi et me fixe d'un air triste et épuisé. Un long moment se passe avant qu'elle ne prenne la parole :

- Je suppose que toi non plus tu n'arrives pas à dormir, je t'avoue que je l'espérais un peu, chuchote-t-elle en baissant honteusement les yeux.

Les miens s'emplissent de tendresse et je lui réponds dans un murmure :

- Comment veux-tu que je dorme avec ce qui nous attend demain ? Je n'arrive pas à me détendre.

Elle se tortille nerveusement, s'approche un peu de mon lit et me demande d'une voix tremblante sous l'hésitation :

- Est-ce que je pourrais rester un peu avec toi et voir si je parviens à m'endormir ?

Sans un mot, je lui souris et lui fais signe d'approcher. Je lui ouvre la couette dans laquelle elle se glisse avec empressement avant de se blottir contre moi, sa tête sur mon torse. Machinalement, je me mets à caresser ses longs cheveux soyeux. J'enfouis mon nez dedans et respire la douce odeur fleurie qui s'en dégage. Je lui dépose un bref baiser sur le sommet du crâne tandis qu'elle me caresse délicatement le bras. À ma grande surprise, ce contact me fait frissonner. Oulah, qu'est-ce qui m'arrive tout d'un coup ? Depuis quand ai-je ce genre de réaction lorsqu'elle est près de moi ? Gêné, je me dégage pour lui faire comprendre que je veux qu'elle arrête. Le jeune fille lève ses yeux vers les miens et fronce les sourcils :

- Si je t'ennuie, ce n'est pas un problème je peux retourner dans ma chambre.

Je soupire mentalement, je m'y prends vraiment mal décidément. Je tente de faire bonne figure en lui passant une main sur la joue :

- N'importe quoi, aurais-tu déjà oublié les raisons de mon retour ?

Malgré la pénombre régnant dans la pièce, la faible lueur de la lune suffit à me montrer que mes paroles l'ont fait rougir. Mon argument a fait mouche et elle baisse à nouveau la tête, laissant à présent sa main immobile sur mon bras. Le problème, c'est que j'ai adoré ses caresses, mais je refuse de réellement l'admettre, car cela reviendrait à avouer que j'ai un faible pour la jeune fille. Inconsciemment, le stress était remonté et j'avais raffermi la prise que j'avais à présent sur son épaule. Si il arrive même à me gagner quand je suis avec elle, ça devient grave... D'ailleurs, la jolie brune le remarque, et, ignorant mon attitude réticente de tout à l'heure, recommence à faire courir ses doigts le long de mon épaule, puis de mon bras.

L'effet sur moi est instantané, l'angoisse s'évanouit aussitôt et je suis une nouvelle fois parcouru de frissons. Lorsqu'elle sent mon corps totalement relâché, elle cesse son geste. Cependant cette fois-ci je regrette qu'elle ait arrêté. Sans m'en rendre compte, la fatigue commence à me gagner mais je lutte pour ne pas m'endormir tout de suite. J'attends qu'Irniaëlle s'assoupisse en premier. Au bout d'un petit moment, sa respiration devient régulière, m'indiquant que c'est chose faite. Alors, silencieusement et aussi précautionneusement que si je portais un objet d'une extrême fragilité, je passe un bras sous ses genoux et son dos et la soulève. Comme elle est très légère, je ne peine absolument pas à la porter jusqu'à son lit de l'autre côté du mur. Je la borde soigneusement, remonte les couvertures sur elle, lui pose un tendre baiser sur la tempe avant de lui chuchoter d'une voix troublée par l'affection débordante que j'ai pour elle :

- Fais de beaux rêves, ma belle Irniaëlle.

Une Part d'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant