Chapitre 35

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PDV Armand :

Le soleil se couche lentement, d'une infinie lenteur à mon avis. Je me rends compte que je me suis perdu dans mes pensées quand le patron du bar me donne une grande claque sur le dos et me dit dans un anglais approximatif :

- Ben alors mon gaillard, faudrait se réveiller, c'est que le début de la soirée !

J'esquisse un petit sourire gêné en guise de réponse et reprends mon nettoyage des tables avec application. Ça m'arrive de plus en plus souvent de m'égarer ces temps-ci, sans arrêt en train de penser à comment m'améliorer, chercher de nouvelles variantes du Sakuri à explorer et acquérir. Aujourd'hui Totsue m'aide surtout à me perfectionner et m'épauler, il estime qu'il n'a plus rien d'important à m'apprendre et que je dois avant tout me débrouiller tout seul. Ce que j'approuve grandement et qui me motive d'autant plus.

La soirée passe malgré tout à une vitesse folle, du fait de la forte affluence. Je n'ai jamais vu autant de monde, et les commandes se sont enchaînées à un tel rythme que je n'ai pas vu les heures passer. Je tombe d'ailleurs des nues quand je vois l'heure qu'il est lorsque je pars enfin aux vestiaires pour me changer : 2h30. Je n'ai jamais fini aussi tard, d'habitude il est aux alentours d'une heure tout au plus. Une fois changé je rejoins la salle de réception. C'est mon jour de paye aujourd'hui et comme le bar se trouve dans une petite ville, tout se fait à l'ancienne. Je reçois donc mon salaire en liquide.

Je m'approche du comptoir et toque deux fois pour signaler ma présence. La tête de mon patron émerge de la porte des cuisines, l'air ahuri. Il comprend très vite ce que j'attends et disparaît à nouveau non sans m'avoir lancé un sourire éclatant. Je fronce légèrement les sourcils, je ne suis pas sûr d'avoir saisi à quoi ce sourire était dû. Je hausse les épaules par réflexe et commence à tapoter les doigts sur le comptoir en l'attendant.

Il revient au bout de quelques minutes, une liasse de billets à la main. Je le remercie et compte le tout. Une fois cela ça fait, mes yeux s'arrondissent et je les lève vers le japonais, incrédule. Il y a beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais. C'est vrai que j'ai beaucoup d'heures supplémentaires ce mois-ci, mais l'augmentation à laquelle j'ai droit là est vraiment conséquente. Comme s'il lisait dans mes pensées, il sourit à nouveau et me dit d'un ton rassurant :

- Tu fais du très bon travail, je n'ai jamais fait d'aussi bonnes recettes que depuis que tu es ici. Alors c'est largement mérité.

Touché par l'attention, je le remercie encore chaleureusement avant de lui souhaiter bonne nuit et m'enfoncer dans la nuit noire. Le dernier bus que je prends habituellement pour rentrer au village est passé depuis longtemps, mais heureusement, en venant, j'ai mis un short de sport et un t-shirt confortable. Je vais pouvoir revenir en courant. Mettant à profit mon Sakuri, j'ouvre tous mes sens. Ils me guideront dans la nuit noire, puisque je n'ai pas encore découvert comment ajuster mes yeux à l'obscurité. Peu importe je m'en sortirai très bien sans.

En effet, je n'ai aucun souci et rentre au sanctuaire au bout d'une 1h30 de course. Totsue semblait m'attendre depuis un bon moment, inquiet.

- Je savais que tu reviendrais mais j'ai quand même eu une petite crainte, me dit-il en guise d'accueil.

Il me détaille longuement, un peu dérouté.

- Pourquoi es-tu plein de sueur, tu as couru ? Et pourquoi rentres-tu aussi tard ?

Je prends quelques secondes pour reprendre mon souffle avant de lui répondre.

- Il y avait beaucoup de monde, le service s'est fini très tard. Et comme je n'avais aucun autre moyen pour rentrer, je suis revenu en courant.

Une Part d'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant