La panthère perdue

jour 13 : une virée en enfer

- Tu es sûre de ne pas vouloir que je t'emmène ?
-  excuse moi, Tata, je t'aime beaucoup mais à quel moment peux-tu décemment penser que ça serait une bonne idée? Tu veux ruiner ma vie sociale à tout jamais ou quoi?
- chérie, comment vas-tu aller là bas? c'est à l'autre bout de la ville! Juan a besoin de la voiture pour son entraînement. On ne peut pas te la prêter c'est trop bête!
- ne t'inquiète pas, Christa, je vais me débrouiller. Je ne voudrais pas prendre le risque de ruiner ses chances de gagner une course pour une fois, ricané-je gentillement.
- ne te moque pas, il peut y arriver. Il s'entraîne dur. Moi j'y crois.
- moi aussi j'y crois, autant qu'à l'hypothétique vie sur Mars. Tu vois il y a un espoir !
- oh tu es vilaine! S'esclaffe ma tante en faisant danser ses cheveux, l'important c'est que, lui, y croit. Le reste n'est pas important. En attendant tu vas traverser la ville dans cette tenue provocante et Dieu sait ce qui peut arriver. Je ne suis pas tranquille.
- t'inquiète pas, rien ne peut m'arriver ici je pense. Et puis je vais d'abord chez Calvin où Eli et Davis nous rejoignent. Je ne serai pas seule.
- quand même tu es sous ma responsabilité, s'il arrive quoi que ce soit...
- tata, je suis probablement la fille la plus forte de toute la ville et de tous les mecs d'ici aussi. Demande à ton cher mari, notre dernière séance d'entraînement a dû laisser quelques traces. Tu n'as pas à t'inquiéter.
- oh mais je m'inquiète, et pas que pour toi mais aussi, et surtout, pour ceux qui aurait la malchance de te sous-estimer. Pas de bêtises, hein? Déjà le coup de la cantine, c'est limite mais là...pas d'esclandre!
- je serai sage comme une image. Croix de bois.
- ta mère disait souvent ça, dit elle en me caressant les cheveux, tu lui ressembles même si elle dirait sûrement que tu es bien plus jolie.
- merci Tata.

Ma tante me regarde dans le miroir en posant sa joue sur le côté de ma tête. Elle s'inquiète pour ce soir, pour moi et pour les autres. Elle seule sait que je peux devenir aussi dangereuse qu'une bombe. Mais ce soir, rien ne peut gâcher mon plaisir. Je vais danser à en oublier mon prénom.
Je porte un magnifique bustier en dentelle noire, rehaussé d'un collier en perle de bois et d'un ras du cou gris. J'ai moulé mon cul dans un short taille haute en jean noir et mes collants en résille bleue galbent mes jambes à la perfection.
En regardant mon décolleté, j'ai la confiance au maximum. Je suis atomique ce soir, c'est évident.
Je regarde une dernière fois mon reflet et souris à ma câline de tante.

- j'y vais, je ne sais pas quand je rentre mais je rentre! Ça te va?
- garde ton téléphone, si tu sens trop d'énergie affluer en toi, sors, prends l'air, crie un coup dans un coussin, et ne bois pas trop, ne prends rien qui puisse....
- c'est bon, ça va aller, je sais tout ça.

Depuis que je lui ai parlé de ma réceptivité à certaines auras, sans mentionner de noms pour ne pas l'inquiéter davantage, Christa est anxieuse. Elle a peur. Je le sais. Elle a peur que je ne me contrôle pas, que mon naturel ne reprenne le dessus, que je tombe sur de mauvaises personnes. Elle ignore que je suis bien entourée. Mes amis et mon nouveau petit copain veillent sur moi. Que peut-il bien arriver ce soir?

....

Quand j'appelle Eli en partant de chez moi, je sens direct au son de sa voix que quelque chose cloche.

- mes parents sont en crise, je ne vais pas pouvoir venir.
- ça va pas la tête! Bien-sûr que tu viens!
- je ne peux pas laisser ma mère dans cet état. Après une dispute avec mon père, elle a tendance à faire n'importe quoi.

Elle chuchote pour ne pas être entendue, inconsciente d'être un dommage collatéral de sa cellule familiale détraquée.
Je bouillonne intérieurement, sérieusement agacée de laisser ma meilleure amie dans cette merde. Ma famille m'a envoyé à des milliers de kilomètres de chez moi pour de bonnes raisons mais je ne me suis pas sentie orpheline pour autant. J'ai toujours eu la chance d'avoir un ancrage. Je veux en être un pour elle.