La panthère perdue

jour 37: Atalone la magnifique

Quand nous entrons enfin dans le coeur névralgique de la grande Atalone, je retiens mon souffle.
Je suis toujours impressionnée par la hauteur de ces tours de verre qui côtoient les nuages, toujours captivée par le bal des voitures qui roulent sans bruits dans tous les sens, par les écrans géants qui jonchent chaque mètres des trottoirs.
Ici, la vie se trouve en hauteur.
Il faut lever la tête pour apprécier le spectacle, pour ne pas voir la triste réalité d'une ville farouchement solitaire qui marche sans regarder autour d'elle. Les bruits raisonnent de partout, du haut parleur annonçant la température de la journée à la sonnette d'une bicyclette tournant quelque part.
Un timide rayon de soleil s'immisce entre deux immeubles et vient caresser le bitume déjà chaud devant moi.
Je me sens toute petite dans cette vaste maison pullulante.

Cash a les yeux écarquillés d'un enfant de 5ans devant un dessin animé. Il observe les grattes ciel, le nez pointé vers le haut, ses yeux ne peuvent s'arrêter de tourner dans tous les sens pour ne rien laisser passer, avide de voir, envie de s'enivrer de toute cette nouveauté. Soudain un drône passe au dessus de nos têtes, suivi bientôt par un autre, plus petit, un modèle plus ancien. Cash sursaute et me jette un regard presque implorant.

- c'est un drône, Dis-je en lui attrapant la main, c'est comme une sorte d'espion mécanique qui..
- je sais ce qu'est un drône, Laena, juste, j'en avait jamais vu avant. Autant...
- ce sont les nouvelles armes de la police, ils n'ont plus besoin de quitter leur bureau, ils observent tout, tout le temps. Ces trucs sont de vraies plaies. Certaines milices les détruisent mais il y en a toujours plus. Le gouvernement en produit encore et encore
- pourquoi?
- pour l'ordre, la sécurité et le contrôle. Atalone ne permet pas la rébellion ni l'anarchie. Les éléments perturbateurs ont l'OtherSide pour ça.
- comme une banlieue underground ?
- oui, c'est ça, une ville sous la ville où les plus truands des bandits sont de petits joueurs de belote. Atalone se pare de son manteau de lumière pour cacher ses sombres secrets, il est difficile de distinguer les bons des mauvais avec tout ce monde.
- c'est dingue, chuchote Cash en levant le menton au passage d'un métro aérien nouvelle génération, sans pilote et sans bruit.
- c'est sûr que c'est pas comme ça à Trinity, dis-je en souriant doucement.
- non c'est clair.

Son regard s'assombrit soudain.
Tristesse.

- Cash? Je suis désolée.
- pourquoi? Tu crois que je regrette d'être parti avec toi?
- non je crois que Trinity te paraît soudain très loin d'ici.
- c'est vrai, Amour, à des années lumières même, mais je ne regrette qu'une chose.
- laquelle ?
- de n'être pas venu avant.

Je m'apprête à répondre quand un homme me bouscule en courant. Il me lance un rapide "désolé" et continu son footing.

- viens, lancé je en attrapant la main de Cash, on va manger des beignets, je connais un endroit où ils en font des trop bons. J'ai faim et j'ai envie de reprendre vite la route.

...

Nous trainons dans les dédales des rues déjà chaudes et pourtant grises, rassasiés par notre repas. Au loin, de la musique originale nous berce timidement alors que nous regagnions la voiture de Cash, laissée dans un recoin à l'abri des regards.
Étrangement je me sens en sécurité malgré le fait que la totalité du clan des Raks doit nous chercher activement. Je suis sûre qu'ils savent que je suis partie de Trinity.
Ils savent que je suis forte, bien plus que je ne l'ai jamais été, et que je ne suis pas seule. Je me suis dédoublée avec un super héro. Je souris à cette idée, imaginant Cash avec une cape et des collants!

Isolés dans cette fourmilière grouillante de monde, avec une cible au milieu de notre front, nous avançons paisiblement vers notre maison roulante. Rien ne me perturbe au delà des odeurs qui me chatouillent les narines, mes oreilles à l'affût du moindre frémissement .
Ma main dans la sienne, nous sommes sereins sous le béton chaud et lourd des murs infinis de la ville.