jour 22 : chasser n'est pas jouer

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- tu as une tête épouvantable, ma pauvre! Est ce que tout va bien?

Ma tante me lance un regard soucieux pendant que son mari prépare un repas aux senteurs bariolées.

- ça va, je suis juste fatiguée.
- tu as mal dormi?
- oui, je suis...contrariée en ce moment, avoué je à demi mot.
- qu'est ce qui te contrarie, ma chérie?

Christa pose ses coudes sur le plan de travail et pose sa tête sur ses mains jointes. Elle est belle, sirène aux cheveux doux. Je voudrais tant lui dire ce qui me ronge.
Mais je ne peux pas. Je ne veux pas. Alors je reste seule avec ma douleur, mon inépuisable frustration, ce vide sidéral dans mon ventre depuis que Cash a disparu de la surface de la terre. Depuis qu'il a quitté ma chambre avec l'autre moitié de mon âme.
Je le hais, je le déteste autant qu'il me manque. Autant que la puissance des sensations que je ressens dès que je repense à nos ébats.
Je me hais, moi, plus que tout. De n'avoir pas réussi à rester dans l'ombre pour éviter les pièges pleins de honte que deux garçons m'ont tendus en un même week-end.

- Laena ? Raconte moi, ajoute t-elle en voyant mon regard s'effondrer
- je ne peux pas, Tata, je suis désolée mais...c'est trop dur.

Je descends de mon tabouret et fonce dans ma chambre sans me soucier du froid polaire que j'ai jeté dans la cuisine. Je ne veux pas qu'ils voient mes larmes, ma souffrance stupide.
Je m'enferme dans mon repaire et plonge sur mon lit comme une pierre suicidaire. J'ai mal.
J'ai mal partout.
J'ai mal dedans et dehors.
J'ai l'impression que je ne pourrai pas guérir cette blessure.
Personne ne peut m'aider. Je suis seule avec cette douleur et rien ne peut me l'enlever à part moi. Et je n'y arrive pas.
J'ai beau me raisonner.
J'ai beau essayer.
Rien n'y fait.
L'empreinte de Cash sur ma peau et dans mes veines est si forte qu'elle s'impose à moi de toutes ses forces.

On frappe à la porte. Bien sûr ! Je me doutais que ma tante ne serait pas résignée.

- laisse moi, Christa, je ne veux voir personne.
- Laena, ouvre, c'est moi. Je dois te parler.

Juan frappe un peu plus fort.
De surprise je me lève et ouvre la porte d'un petit centimètre avant de m'assoir sur mon lit.

- qu'est ce qui se passe? Demandé-je simplement lorsqu'il s'assoit près de moi.
- ta tante s'inquiète pour toi, Bella. Elle a peur que tu sois malheureuse ici. Elle a peur de ne pas savoir te donner ce dont tu as besoin. Je lui ai dit que tu étais forte, que tu avais bien plus de ressources que quiconque ici mais..depuis quelques jours...tu n'es pas toi même. Tu es blanche comme de la poudre, tu as maigri Bella. Tu es...une ombre. Et j'en viens à m'inquiéter pour toi moi aussi. Si c'est un garçon qui te rend si malheureuse alors botte lui le cul qu'on en parle plus mais ne le laisse pas te ronger. Tu ne dois pas être une ombre, Laena, tu n'es pas une ombre et tu le sais.

Ses mots me touchent en plein coeur. Prise au dépourvue.

- j'ai cru que je vivais quelque chose de grand et ce n'était que poussière. J'ai sali mon nom, Juan. J'ai fait n'importe quoi.
- parfois la lumière éblouie et parfois elle éclaire. Il faut juste changer de position pour s'adapter à son éclat. Quoi que tu aies fait Bella, tu n'as rien sali du tout. Tu es une Panthère et autant j'ai détesté ce mot pendant des années pour la pression qu'il mettait sur nos vies autant désormais je le protégerai envers et contre tout parce que je sais ce qu'il représente. Il représente la force, l'intelligence, la fratrie, il est ton nom. Et il ne peut être sali. Tu vas tout rattraper. Mais il faut que tu manges parce que sinon tu auras bientôt le pouvoir de traverser les murs tellement tu es maigre.
- n'exagère pas, je suis pas maigre.
- pas encore.

Nous rions doucement tous les deux. Allégée d'un petit poids. Tout petit.
Juan a raison, je le sais. Je dois me ressaisir. Je dois laisser la lumière me montrer le chemin.

La panthère perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant