La panthère perdue

jour 25 : brief avant départ

- mes parents sont au bord du divorce,  Eli renifle avec force, mon père est de plus en plus souvent absent et ma mère se morfond dans le vin. Ça craint!
- les parents sont vraiment à côté de la plaque! Mais regarde le bon côté des choses, ils seront peut être moins enclins à te surveiller comme ils le font aujourd'hui.

Calvin essuie le plat de son pantalon avant de reposer la tête sur le tronc rugueux du vieil arbre qui nous accueille presque chaque jour sous ses feuilles.

- ouais, c'est sûr que j'ai l'impression de ne pas exister ces temps ci. Ma mère a même oublié de me préparer le petit dej ce matin et ça, ça n'était jamais arrivé!
- oh mon Dieu! S'écrit Davis en portant la main sur sa poitrine
- quoi? Demandé-je vivement
- comment a t-elle pu oser faire ça ?
- t'es vraiment trop con! Lui lance Calvin en souriant légèrement alors que je me retiens de pouffer de rire.

Eli esquisse un sourire et rejette la tête en arrière, ses longs cheveux bruns chatouillent presque l'herbe odorante.

- je sais que c'est nul mais je me sens tellement mise à l'écart de tout ça. Mon père est distant, froid et mystérieux. C'est à peine s'il cache sa double vie de coureur de jupons mais il ne dit rien. Jamais. Il n'était pas comme ça avant. Nos interminables parties de dames à se goinfrer de bonbons me manquent. Et ma mère, et bien, elle n'a jamais été aussi triste, aussi absente. Limite je crois que je préférais quand elle était chiante. Au moins elle existait. Je ne comprends pas ce qui arrive à notre famille.

Je lui caresse le crâne de ma main droite alors que sa tête repose sur mes jambes croisées. Je ne sais pas quoi dire pour la réconforter, le schéma de la famille classique n'est pas imprimé dans mon cerveau et j'ai connu peu de moment de doute dans le couple que formait mes parents. Mon père adorait ma mère et elle lui vouait un amour respectueux et inconditionnel. Seule la mort aurait pu les séparer.
Et le destin a mis la grande faucheuse sur notre route. Ce destin détestable qui m'a pourtant offert le cadeau inestimable de rencontrer l'autre morceau de moi même.

- il n'y a probablement rien à comprendre, Eli. Tout cela te dépasse, seuls tes parents peuvent gérer leurs problèmes, dis-je doucement.
- je sais mais parfois j'aimerais bien qu'on m'explique quand même, j'en ai marre que tout foute le camp si facilement, dit elle dans un chuchotement
- un jour, tu comprendras. On finit toujours par comprendre, il faut juste attendre d'être prêt pour ça, dis-je en regardant Davis simuler un vomissement devant nous.
- c'est de la merde, c'est tout. Nos parents sont merdiques, point barre, lance t'il en me toisant du regard.
- ils font comme ils peuvent, parfois, intervient Calvin sans convictions.
- ils sont nuls, à côté de la plaque et manipulateurs. Ils pensent jouer les protecteurs en nous tenant à l'écart de leur problèmes mais ils se comportent comme des égoïstes débiles. On n'est jamais à l'écart, on est en plein dedans et quand ça explose, on est un putain de dommage collatéral. S'ils nous mettaient dans leurs confidences...on seraient prêts, on seraient d'attaque pour surmonter tout ça. Mais Non! Hein! On est trop fragiles ou trop cons pour comprendre les problèmes des grands !!! Putain de merde!

Davis lance un brin d'herbe sur le côté et baisse la tête. Je lis la colère et l'amertume dans ses yeux. Et elle n'est pas uniquement dirigée contre sa famille. Ses yeux m'accusent. Je le sais.
J'aimerais savoir pourquoi. Je m'apprête à lui demander mais il ouvre à nouveau la bouche.

- vous saviez ce qu'on raconte? dit-il tout bas, on raconte que Gregory, vous savez celui qu'on a retrouvé à poils dans le park, et bien il s'agirait d'une vengeance. Apparemment il a fait des trucs louches à des filles et ça pourrait venir de là.
- qui t'a raconté ça? Je demande en le fixant d'un air entendu
- des bruits de couloir, il est connu en soirée on dirait....il était là le soir ou t'as pris un truc pas net, Eli.