jour 38 : présentations

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Une fois de l'autre côté, tout est pareil et pourtant tout est différent.
Rien n'a vraiment changé, l'odeur poussiéreuse de l'air un peu plus chaud, les traces de pneu crissant sur le sol quand les jeunes fougueux se lancent pour la première fois dans le vide, l'incroyable netteté du ciel.
Rien n'a vraiment changé à part moi. Moi et cette stressante boule de bonheur dans ma gorge, moi et lui.
Quand j'ai quitté ce territoire, j'étais triste et seule, déprimée et résignée, presque honteuse de fuir.
Je reviens transformée par un amour transcendant tout, même ma détermination, transformée par ces longs mois passés à découvrir d'autres gens, à m'adapter à de nouvelles règles, transformée dans ma tête et dans mon énergie.
Cette ville est à moi, je la veux, je la désire autant qu'une glace en pleine été et je ferai tout pour éliminer tout ceux qui se mettront en travers de mon chemin.
Cash à mes côtés et tout me paraît possible.

Nous avons avalé les kilomètres sans broncher, perdus dans la contemplation de ces rues sombres, habitées par des âmes noires, et puis nous avons vu le désert interminable, froid et visqueux parsemés de bourgades farouches. Nous avons fait une halte au pied d'un rocher taillé par le vent au fil des siècles, nous excusant presque de troubler son repos.

Cash est impressionné par cet atmosphère étrange, silencieuse, qui impose le respect. Il n'ose pas rire ni même parler trop fort. Comme s'il avait peur de se faire remarquer alors que nous sommes seuls à des kilomètres à la ronde.
Nous nous sommes embrassés, encore et encore, adossés à notre vieille bagnole, comme pour nous promettre que nous avons réussi, nous avons presque atteint notre objectif. Du moins le mien. Rentrer au bercail.

Ses mains ont caressé mes cheveux et dévalé la courbe de mon dos, elles ont pétri mes fesses, fougeuses et impatientes, elles ont tenu mon visage entre deux souffles.
Il a ouvert la portière arrière et nous avons fait l'amour sur la banquette comme deux amants trop pressés et jamais rassasiés.

Nous avons repris la route au petit matin, encore groggy de notre nuit tumultueuse, et nous avons roulé et roulé et roulé sur les petites routes.
Nous n'avons rien croisé, personne, pas un Rak, pas une corneille.
Rien.
Je suis presque déçue que ce soit si facile. J'aurais aimé un peu de répondant, du suspense, quelque chose qui pique la bouche mais rien.
Que le bruit ronronnant de notre carcasse rouge sur le bitume.

Cash est très silencieux depuis que nous avons traversé le passage, il observe, attentif. Il s'imprégne de l'ambiance, l'atmosphère chargée d'un territoire caché, protégé.
Il n'est pas mal à l'aise, pas apeuré, il veut comprendre ce qui fait ce que je suis et pourquoi je suis venue à lui. Comme si mes secrets se trouvaient derrière ces vastes plaines désertiques et ses immenses cactus.
Il n'a pas l'air surpris de la grande facilité avec laquelle nous avons traversé la moitié du monde.
Il n'a pas peur de ce qui nous attend. Je suis impressionnée par son calme olympien alors que moi, je jubile intérieurement.
Consciente que je m'approche de mon repaire.
Enfin.

J'entends soudain un bruit, reconnaissable entre mille, un bruit sourd et éraillé provenant de derrière nous.
Pas besoin de tourner la tête vers l'arrière de la voiture pour savoir que l'homme aux lunettes sombres perché sur sa moto, s'approche de nous avec prudence. Cherchant à repérer la provenance de la plaque d'immatriculation qui a disparue dans une poubelle entre Trinity et Ozi, la deuxième plus petite ville du monde après Trinity.

Le biker nous dépasse et observe Cash qui tient son volant de la main droite. Son coude en appui sur la vitre ouverte. Lorsque son regard se pose sur moi, une tornade d'émotions me submerge enfin.
Il m'a reconnue.
Dans un élan euphorique, il s'élance par devant nous pour prévenir notre clan que la fille du chef et de retour.
Cash me regarde et sourit faiblement.

La panthère perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant