jour 23 : mise au point

67 6 0
                                    

- je devais seulement m'absenter 2 jours...mais ça n'a pas vraiment tourné comme c'était prévu et... j'ai été blessé.
- blessé? De quoi est ce que tu parles ?
- rien de grave, juste..... Mon père m'a demandé d'aller faire la caisse de nos fournisseurs pour...un deal un peu spécial avec un groupe de motards des Highlands. Ça devait être une formalité. J'y suis allé avec Simon seulement. 2 c'était suffisant pour une mission si simple. Mais...j'ai été mauvais, genre à coté de la plaque et...la négociation a mal tourné. De retour chez moi, j'ai pris un savon par mon père. Un gros savon parce que mon père est...enfin...il a une certaine fierté, tu vois. Il déteste l'échec. Et là, j'ai échoué donc... J'ai eu honte. Simon en a pris un coup aussi, il n'est pas trop habitué à se planter, et il n'a pas compris pourquoi j'étais si... différent. Comme si j'étais ailleurs. L'autre jour, tu as parasité mon esprit et habité mon corps, Laena, et j'ai eu un mal de chien à  m'en remettre. J'étais comme malade, j'avais mal partout. J'ai dis à Simon que c'était à cause d'une fille, que je pétais les plombs et il sait qu'il y a un truc spécial entre nous mais j'ai rien dis d'autre. Je suis resté chez moi, tétanisé, à essayer de comprendre ce qui se passait et.. Je pouvais même pas marcher tellement j'étais mal. Mon père a fait venir un médecin mais...je sais pas...
- moi je sais.
- ah ouais?
- tu étais en manque. Je l'ai ressenti aussi, comme une sorte de dépression psychotique, ça a duré toute la journée.
- ouais c'est à peu près ça sauf que moi je l'ai ressenti toute la semaine! J'aurais voulu te voir ou...mais Simon et Manel me l'ont interdit et mon père aussi. Ils pensaient qu'il valait mieux que je t'oublie.
- quoi?
- mon père n'est pas le genre d'homme à croire à ce qui se passe entre nous. Pour lui c'est inconcevable. L'amour et toute cette merde.
- l'amour ?

Il tourne son visage vers moi et me sourit.

- ouais, je sais que c'est dingue mais...
- Cash, j'ignore ce qu'il se passe quand on est ensemble, c'est peut être un phénomène chimique ou neuronal, j'en sais rien mais je ne pense pas qu'on puisse réduire ça à de l'amour. Il y a forcément autre chose. L'amour, à lui tout seul, n'éteint pas les lumières!
- je sais qu'il y a un truc pas net, Laena, je suis pas stupide. Mais...tu m'as tellement manqué! Tellement que j'ai presque eu envie de crever pour éviter tout ça.
- et qu'est-ce qui t'as fait revenir aujourd'hui?

Il soupire et attrape son volant à deux mains en serrant très fort. Je n'ose pas bouger, encore sous le choc de le retrouver si soudainement.

- j'ai eu Simon tout à l'heure. Il m'a dit que je ne devais pas m'accrocher à toi. Il t'a vu parler avec Adrian et accepter un rencard avec ce baltringue de Stephan. Il voulait me dégoûter de toi. Il a cru que ma colère m'isolerait, comme toujours.
- et? Demandé-je après plusieurs secondes de silence
- et j'ai paniqué, j'ai eu envie de vomir à la simple idée que tu puisses passer à autre chose. Ma colère est bien venue, oh oui ! J'ai eu envie de buter Simon et tous ces crétins qui tournent autour de toi et de brûler toutes les baraques de la ville. Une fureur sans nom. J'ai failli péter un câble alors j'ai attendu que mon père soit occupé, j'ai pris ma caisse et j'ai déboulé ici. Il fallait que je te vois. Que je sache.
- et maintenant ?
- maintenant je sais. Quand je t'ai vue tout est devenu si....
- évident, dis-je en attrapant sa main lentement.
- J'aurais jamais dû rester planqué si longtemps loin de toi. Jamais. Tu as dû me détester. J'en ai des frissons rien que d'imaginer tout ce que tu as pu penser à mon sujet. J'suis désolé Laena. Je suis désolé de pas avoir été là mais tu n'as pas le droit de balayer ce qu'on a partagé tout les deux. C'est trop...important.
- tu es stupide!

Il serre l'étreinte de ses doigts dans les miens et fronce les sourcils. Piqué au vif. Je dégglutis.

- pardon?
- quand je suis arrivée ici, j'étais seule et résignée à vivre une moitié de vie. Loin de ma famille, de mes habitudes. J'avais personne. Personne à qui parler, personne pour me comprendre, personne, tu vois? J'ai rencontré mes amis, bien sûr mais, ils ne savent rien de moi. Rien du tout. Juste que je suis anormalement forte! Ce qui revient à rien pour une fille comme moi. Je devais tout le temps me cacher des autres et même de moi même. C'était dur et laborieux comme tu l'as constaté. Et puis tu es arrivé. Et j'ai eu la sensation incroyable de ne plus être seule. C'était peut être désagréable et inapproprié au début mais...tu étais là, dans ma tête. Et quand les choses ont évolué entre nous je t'ai fais confiance. Aveuglément. Je t'ai raconté qui je suis sans aucune retenue. Je n'avais pas le droit de le faire mais je l'ai fais quand même parce qu'il est évident que ce qui nous lie va au delà d'un simple amour de lycée. C'est quelque chose qui me dépasse, qui te dépasse toi aussi. Mais moi, je suis prête. On s'est trouvé tout les deux, je t'ai confié mes secrets et rien que pour ça, tu dois avoir confiance en moi. Tu dois croire en moi Cash.

Nos yeux ne se sont pas quittés et la brûlure qui s'étend de plus en plus de nos phalanges à nos abdomens devient insupportable. Que faire de cette bouche magnifique? De cette peau parfaitement assoiffée? La buée sur les vitres de la voiture cachera t-elle nos ébats?
J'ignore quand ses lèvres ont trouvé les miennes, quand mes mains ont griffé son torse brûlant. J'ignore si je pourrai un jour me passer de lui, de nous, ensemble, en pleine fusion.
Il m'embrasse et il rêve à notre première fois, provoquant une onde d'excitation dans nos corps fébriles.
Il me veut autant que je le désire. Il me possède déjà. Il le sait même si ça lui fait peur, même si c'est dur à concevoir. Il me soulève jusqu'à lui, facilement, délicate brutalité.
Il ne pense plus, il agit. J'agis. Nous sommes, ensemble.

...

- que va t'il se passer maintenant? Je demande en lui caressant le visage
- j'en sais rien, répond-il en soufflant sa fumée de cigarette par la vitre à moitié baissée, j'imagine que je vais devoir m'expliquer avec mon père. Sûrement. Il ne va pas aimer ça. Pas du tout.
- Cash, tu ne dois rien dire à mon sujet, je veux dire...
- je sais, tu me prends pour qui! Je suis pas fou. Si mon père apprend qui tu es... Tu es morte et moi aussi.

Il frissonne en refermant sa vitre.

- ouais et je devrais partir très loin.
- ça, c'est hors de question.
- je sais...
- d'ailleurs, que se passera t-il quand tu auras le droit de rentrer chez toi?

Il se tourne vers moi complètement lorsque cette question débarque dans sa tête sans prévenir.
Peur, colère et doute.

- je devrai rentrer un jour ou l'autre Cash. Ma place n'est pas ici.

Je baisse la tête, résignée et triste. Je me sens tellement liée à lui qu'à la seule pensée de devoir le quitter, une vague de douleur sourde tourne en boucle dans ma poitrine.

- ta place? Ils t'ont envoyé au bout du monde, ils t'ont oubliée, ils t'ont...

Cash s'emporte. La colère qui gronde constamment en lui résonne dans l'habitacle tout entier. Un frisson d'effroi me parcours les épaules. Et sa colère se propage jusque dans ma tête.

- ils ne m'ont pas oubliée! Ne dis jamais ça! Je suis une panthère, on ne m'oublie pas, crié-je hors de moi, c'est un exil nécessaire et momentané...
- et nous alors? C'est momentané aussi?
- ce n'est pas ce que j'ai dis, Cash, c'est juste que je dois rentrer chez moi. Je ne suis pas chez moi ici.
- donc tu partiras. Comme ça? Sans te retourner?
- ce n'est pas à l'ordre du jour, pour l'instant. Je suis ici, avec toi, et je n'ai pas envie de penser à ça pour le moment.
- tu es tellement imbue de toi même, souffle t-il en se tournant vers sa vitre.
- pardon?
- tu ne penses qu'à toi, toujours. Tu es une Panthère, tu n'es pas chez toi, tu, tu et tu. Et moi dans tout ça?
- Cash...
- laisse tomber Laena, ma vie à moi est ici, dans cette ville que tu sembles détester, que tu dénigres à chaque fois que tu ouvres la bouche. Je suis d'ici, moi et j'aime cet endroit.
- je sais, voyons, et tu as tord. J'aime bien être ici moi aussi. J'aime bien cette ville. Pourquoi tu penses à ça alors qu'on est à peine ensemble?
- parce que je sais ce que c'est que d'être un membre de clan, ajoute t-il en fermant les yeux et en appuyant sa tête sur son appui tête, je sais et j'ai peur de ce que je ressens avec toi alors que tu ne seras jamais vraiment là.

Mon coeur son serre au moins autant que le sien. Je me sens soudain toute petite à ses côtés, prise dans un tourbillon d'émotions addictives que lui seul peut me donner. Dépendante.
Je le regarde et je le vois essayer de contrôler sa colère contre moi, contre autre chose aussi même si je ne sais pas ce que c'est. Cash est furieux, intérieurement en guerre et j'ignore pourquoi.

- on trouvera une solution, on la trouvera ensemble, je ne sais pas de quoi demain sera fait mais je sais que je ne pourrai jamais laisser ça derrière moi. Tu as raison, l'Amour ne se renie pas.

J'attrape sa main et mélange mes doigts aux siens provoquant une décharge puissante dans nos veines et une montée de sensations intenses. Quand je le touche je me sens ultra puissante, je me sens immortelle, je me sens vivante. Il pose son front contre le mien et plonge son regard dans mes yeux avides. En apnée.

- ok.
- ok.

La panthère perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant