La panthère perdue

jour 15 : qui je suis

La lumière inonde la chambre et des particules de poussières voltigent nonchalamment dans l'air ambiant. Le voile blanc de ma fenêtre s'élève avec lenteur à chaque bourrasque de vent et rafraichis un peu plus l'atmosphère cotonneuse et feutrée de la pièce.
Quelques senteurs agréables viennent se mêler à l'odeur du bois ancien des meubles, à l'odeur de mon corps encore engourdi par le sommeil.

Je repense à toutes ces sensations nouvelles qui m'ont assaillie hier quand nos corps se sont rencontrés, quand j'ai franchi les frontières de ce qui ne m'appartenait plus et que j'ai envahi un nouveau territoire.
Un voyage des sens au sens propre!
Incroyablement saisissant.

Je plonge mon nez dans mon oreiller moelleux à la recherche de douceur, j'enfouis mon visage au plus profond du coussin. Je pourrais rester comme ça des heures si l'oxygène ne venait pas à me manquer.
Je pourrais laisser mon esprit vagabonder encore jusqu'à lui, jusqu'à être en lui. Comme hier!
Pure folie que de croire que c'est réel.
J'ai presque changé de corps tout en ayant conscience du mien!!!
Je ne comprends rien à ce phénomène mais il était si délicieux qu'il ne peut pas être maléfique.
Je dois juste essayer de le comprendre pour mieux le contrôler parce qu'il paralyse totalement mon système nerveux.

La lumière du jour finis de me faire émerger et je tends mes bras vers le dessus de ma tête jusqu'à toucher le mur derrière mon lit.
J'ai comme une douleur dans la poitrine et une excitation dans chacun de mes muscles.
Je suis en manque!
Ce qui nous est arrivé hier m'a emporté, j'ai besoin de le revivre. Mais j'ai peur aussi de la réaction de Cash, de celle de mes amis, Adrian?
Cette nuit à été surprenante sur bien des plans et la tromperie honteuse de mon ex petit ami est encore en travers de ma gorge, entre la fierté et le dégoût, juste en dessous de la glotte. Mais je dois bien reconnaître que tout ça n'a pas la moindre importance parce que mon expérience avec Cash balaye tout d'un simple souffle, comme celui sur les pistils de la fleur de pissenlit. Tout s'envole au gré du vent. Ne reste que l'essentiel.

En le quittant hier j'ai ressenti cette sensation de vide sidéral, parce qu'il était en moi et que j'étais en lui. Comme si nous étions connectés.
Je dois absolument essayer de comprendre ce phénomène.

J'ai envoyé un message à Hayden en me mettant au lit, hier. Pour qu'il cherche pour moi. D'ici, je ne peux rien faire, je ne peux pas enquêter.
Qui peux m'aider?
Ma mère aurait probablement eu un début de réponse, mon père aussi mais je n'ose pas l'appeler.
Qu'arrivera t-il s'il apprend que je fricote avec un fils de chef de gang? Que je mets en péril ma couverture et sa propre soeur ?
Que je réduis à néant tout ce pourquoi je suis ici?
Je pourrais en parler à Christa, j'ai essayé en rentrant hier alors que je l'ai trouvée affalée sur le plan de travail de la cuisine à manger un morceau de tarte aux pommes, mais elle pourrait prendre peur et en parler à mon père.
Elle pourrait me renvoyer là bas...

Ai-je envie de rentrer chez moi? Après ce que j'ai vécu avec Cash, je n'en suis plus sûre du tout!
Ai-je envie de rester ici? Je sais, je suis certaine, que je ne suis pas à ma place dans cette ville, comme perdue sur une autre planète. Ma ville me manque, le brouhaha fatigué de la foule, l'odeur des épices, la vapeur des métros.
L'OtherSide est toute ma vie, il a définit ma naissance et m'a construite toute entière. Je suis liée à cette endroit étrange, caché, immense et dangereux. L'autre Atalone, une ville sous une ville. Une antichambre. Un repaire mais surtout un territoire bien plus vaste que n'importe quel autre endroit sur cette planète.
Je ne suis pas d'ici et tout mon être réclame son pays.

Voilà !
A peine 10min que je suis réveillée que j'ai déjà mal à la tête à force de réfléchir. Par réflexe, je regarde mon portable.
2 messages d'Eli et 1 d'Adrian.

Eli :
"j'ai mal à la tête"
" je ne comprends rien à ce qui s'est passé hier! On s'appelle?"

Adrian :
"Il faut que je te parle. Je suis un gros connard, je sais, j'ai vraiment tout foiré"