La panthère perdue

jour 48 : le jugement dernier

- où est Hayden?

Mon père tourne son visage vers moi.
Peur et crispation.

- Je l'ai envoyé en mission ce matin.

D'accord.
Mon estomac se noue de trac, c'est vrai je lui ai même demandé de me ramener un nouveau vernis à ongle, rien que pour l'emmerder.
Ma mâchoire se tend.
Une nouvelle détonation retentie au loin derrière la maison. Les pièges explosifs qui entourent notre demeure nous avertissent que quelqu'un ou quelque chose approche et qu'il n'est pas de la famille.
Mon père fronce les sourcils, me scrute de haut en bas et me lâche de sa voix grave :

- Laena?
- quoi?
- va mettre un pantalon, s'il te plait. Et prend mon arme dans mon bureau.

Clouée sur place de honte, je me rends seulement compte que je ne me suis pas totalement rhabillée en entendant la sirène. Je fais demi-tour en fonçant le plus vite possible, évitant le regard de Ramon, désolé, derrière nous.
C'est pas grave Ramon, je m'en fous, tout ce qui m'importe c'est cette putain de sirène lancinante et implacable qui raisonne au dessus de nos têtes.
Cette fois mon coeur a repris sa course et elle est effrénée.

J'enfile mon pantalon fétiche, celui qui moule mon cul quand je me bats. Celui qui dit "Je suis une tueuse et je vais t'atomiser sans aucun scrupule mais avec style".
Ce pantalon me donne confiance et je sais que je vais en avoir besoin très très bientôt.
Je fixe un poignard à ma cheville, le petit poignard de ma mère. A peine une arme mais si minuscule et tranchant qu'il m'a déjà sauvé plus d'une fois par le passé.
En caressant le manche en corne de cerf orné de petites pierres précieuses multicolores, je revois le visage de ma mère quand elle me l'a donné.
Je refoule cette image au fond de mon cerveau avec le flots d'émotions qui va avec aussi vite qu'un souffle pour éteindre une bougie.
J'ai besoin de me concentrer, de réunir mes forces pour être la plus efficace possible dans le combat qui nous guette.
Je jette néanmoins un oeil à la chambre de mes parents dans laquelle mon père ne dort plus depuis la mort de sa bien aimée, véritable sanctuaire, ici, tout lui ressemble, les meubles, les couleurs des murs, l'odeur du linge sur le lit.
Par la fenêtre de la chambre, endormie pour l'éternité, qui donne sur l'arrière de la maison, je vois alors le spectacle le plus effrayant qui soit : au loin, au delà du deuxième rempart fortifié, de la fumée s'élève, des flammes dansent lascivement en attendant de brûler.
Nous sommes totalement encerclés.

Je regarde ces flammes et quelque chose se ravive dans mon âme.
L'instinct de survie.
L'envie de me battre.
Le besoin de défendre ce qui compte.
Et l'énergie galvanisante que je n'avais plus ressentie depuis mon dernier combat, à Trinity, et que je croyais oubliée pour longtemps, se répend rapidement dans mes veines, elle passe dans chaque vaisseau, inonde toutes mes artères une à une, s'infiltre dans mon corps tout entier pour finir par ne faire plus qu'un avec moi.
Je serre les poings avec force, inspire un grand coup, j'essaye de calmer l'excitation qui fait trembler ma poitrine.
Je souris.
Je vais boire du sang de Rak.

Je ferme doucement la porte de la chambre et m'élance dans le bureau de mon père avant de le rejoindre. Le portail au bout de l'allée est encore fermé mais, à la poussière qui s'élève, je sais que quelque chose arrive.
Quelque chose de fort et de rutilant.
Un animal furieux.

- papa, nous sommes encerclés.
- d'accord.
- et ce qui arrive est un cheval, blessé et terrorisé.

Mon père me regarde et me sourit.

- d'accord.
- tient, dis-je en lui tendant son arme.
- garde la, Laena, je te la laisse.
- mais c'est la tienne!
- j'en ai une autre, elle est à toi maintenant.
- papa? Tu me fais peur!
- n'aies pas peur, ma fille, le destin, c'est la seule vérité. Notre histoire ne finit pas ainsi.