Mes pieds rencontrèrent une terre ferme et molle à la fois. Peu à peu, les racines se détachèrent de mon corps oppressé par le noy'sat et je parvins à me détendre légèrement. J'avais touché le fond. L'obscurité, profonde et épaisse, régnait toujours en maître autour de moi. Et elle semblait se mouvoir. Un profond malaise monta en moi ; je regrettais tellement mon accès de témérité... Palpant le vide, je cherchai une issue au cauchemar invisible que représentait le noy'sat.
Ne me résiste pas.
La voix ne résonnait pas normalement, elle se répercutait comme un écho qui vibrait de toutes ses forces dans mon esprit. La sensation était loin d'être agréable, comme un volume réglé au maximum sans distinction de fréquence. Mais elle ne me faisait plus autant souffrir. Faisais-je encore seulement partie du monde des vivants ? Avec précaution, je m'adressai à l'entité que je ne voyais pas.
— Je suis morte ?
Je chutai brutalement dans le vide, puis ma chute s'arrêta tandis que mon corps se fit compresser de toute part. La respiration brusquement coupée, je paniquai à l'idée de mourir étouffée : j'avais l'impression d'être coincée dans l'estomac d'une gigantesque créature. Où étais-je tombée ? Puis les parois invisibles se détendirent, et je pus respirer normalement à nouveau. Cette fois, je me tins immobile et n'ouvrit plus la bouche. Le noy'sat n'aimait pas les questions. Je tâchai de m'en souvenir et pris garde de ne pas outrepasser les limites visiblement posées et que je ne pouvais décemment pas connaître. Je tentai sans succès de me frayer un passage à travers la susbtance invisible. Le sol moelleux et ferme à la fois se souleva brusquement sous mes pieds, puis redescendit. Le noy'sat respirait, lui aussi.
L'amulette n'est pas à toi.
Je fermai les yeux. Je ressentais les spasmes de contraction qui animaient le noy'sat à chaque syllabe qu'il articulait. Le noy'sat me pressa si fort que j'eus l'impression d'imploser. Je retins l'envie de vomir, je devais lutter de toutes mes forces pour ne pas céder à la panique qui me dévorait les entrailles. Et il attendait une réponse de ma part. Mais laquelle ? Que m'arriverait-il si je ne lui fournissais pas celle qu'il attendait ? J'optai pour la vérité : si le noy'sat lisait dans mes pensées, je préférais autant qu'il ne vît aucune présomption de ma part dans les réponses que je lui fournissais.
— On me l'a donnée, reconnus-je en luttant contre ma peur. La kanash me l'a donnée. Je ne mens pas, laisse-moi partir !
Je retins un hoquet de terreur : un œil monstrueux venait brusquement de s'ouvrir juste au-dessus de ma tête ! L'iris, bleu comme un ciel d'azur et noir sur le pourtour, était cruciforme et injecté de sang. De petites veines rouges gonflaient et palpitaient tout autour, m'évoquant les filaments cramoisis de la kahr.
Ah, tu es née dans le sang... Intéressant.
Les mots m'avaient percutée de toutes parts, comme des ondes énergétiques trop puissantes pour être contenues. Mon être tout entier vibrait à chacune de ses paroles. Il me fallut un moment avant de pouvoir reprendre mes esprits.
— Je ne veux pas mourir ici ! Relâche-moi, je t'en supplie !
Je commençais à me sentir réellement mal. Ma vue se brouillait et l'air se faisait de plus en plus rare. La pression qu'exerçait le noy'sat sur moi devenait difficilement supportable. Je sus que j'atteignais mes limites lorsqu'une crampe sévère paralysa ma main gauche. Je n'allais pas pouvoir résister bien longtemps.
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Kivari #1
FantasyAprès s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple mystérieux. *** À seize ans, le quotidien d'Eden Atwood n'est rythmé que par les cours et ses escapades avec son ami Liam. Mais leur vie tr...