Kivari #1

9- Ennemie ?

Avec un soupir d'agacement, je laissai tomber mon sac à dos par terre et recommençai la manœuvre plusieurs fois. Je vérifiai la combinaison, la recomposai avec minutie, rentrant chaque chiffre un par un. Toujours rien. Je finis par me résigner à porter mes livres pour le reste de la journée. Je m'apprêtais à retourner à l'accueil pour signaler mon problème quand un garçon me bloqua le passage. Il cogna mon casier d'un revers de la main, celui-ci s'ouvrit immédiatement dans un bruit sec.

— Un pote à moi l'avait l'an dernier, il résiste un peu mais ça marche si tu insistes.

Je levai les yeux vers le garçon brun qui me souriait. Il était très grand, et sacrément bien foutu. Il portait le blouson bleu et jaune des Cheetahs, l'équipe de football de Havenly High. Avec sa carrure athlétique et son regard ténébreux, il devait en faire craquer plus d'une. Je voulus marmonner un remerciement, mais fut interrompue.

— Stuart, tu te dépêches ? Qu'est-ce que tu...

Je me figeai sur place. J'aurais reconnu cette voix perçante entre mille. La reine de la ruche était arrivée. Suivie de sa cour, Jenifer Park émergea derrière Stuart. Elle était en forme olympique, dressée sur ses bottes à talon qui remontaient jusqu'à ses cuisses cachées uniquement par sa mini-jupe en jean de couleur bleu ciel, son haut à manches longues moulant, transparent plus que blanc, qui ne dissimulait pas grand chose et qui ne devait son salut qu'à l'écharpe de marque en soie de même couleur que sa jupe. Ses longues boucles brunes, qui lui donnaient l'impression de sortir à peine de chez le coiffeur, ondulaient autour de son visage savamment maquillé : elle avait parfaitement appliqué son mascara autour de ses yeux en forme d'amande, dont le gris ne ressortait que plus vivement. Il en allait de même pour le fond de teint choisi spécifiquement pour s'accorder avec sa peau diaphane. D'origine coréenne, Jenifer ressemblait à une princesse asiatique qui n'avait de porcelaine que l'aspect : lorsqu'elle désirait quelque chose, elle l'obtenait aussitôt car personne n'osait jamais se mettre en travers de son chemin. Elle eut un petit rire que son assemblée quotidienne lui renvoya. Oui, Jenifer Park se comportait déjà comme la reine du lycée. Si elle l'avait voulu, elle aurait pu concourir pour n'importe quel prix de beauté. Et il m'en coûtait de le reconnaître, mais elle l'aurait certainement remporté. Haut la main.

— Tu commences déjà la charité ? lança-t-elle à son ami avec un dédain évident pour moi.
— Jen... réprimanda doucement Stuart, un sourire enjôleur accroché à ses lèvres.

Il n'eut pas le temps de terminer ce qui ne ressemblait absolument pas à un sermon de toutes façons: deux autres membres des Cheetahs étaient arrivés. Ils l'appelèrent, et le garçon voulut s'éloigner pour les rejoindre, mais Jenifer le retint par la manche de son blouson. Avec assurance, elle lui empoigna la nuque et l'embrassa langoureusement, faisant durer le baiser aussi longtemps que possible. Gênée, je détournai le regard et attendis qu'ils finissent: ils se trouvaient tous deux devant mon casier et je souhaitais me débarrasser de mes livres au plus vite. Enfin, Jenifer le libéra de son étreinte et le garçon s'éloigna avec un sourire de conquérant sous les commentaires graveleux de ses amis. Je crus naïvement qu'elle allait s'écarter, mais la diablesse s'adossa à mon casier.

— Alors écoute-moi bien, petite conne... commença-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

Stupéfaite, je restai sans voix tandis qu'elle s'approchait, me fixant de haut en bas comme une quantité négligeable. Parvenue à ma hauteur, elle s'arrêta juste devant mon visage.

— Essaie encore de draguer mon mec et je fais de ta vie un enfer. C'est clair ?
— Je n'ai pas... répondis-je maladroitement, prise au dépourvu.
— Ça va être simple, coupa-t-elle sur un ton de plus en plus menaçant. Tu vois ça, là-bas ?