17- Questions

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Enroulée sous ma couette d'hiver, je repensai à notre affrontement dans le sous-bois. Kila... Qui était-elle réellement ? Les choses qu'elle pouvait faire... Je songeai à mes propres sensations, à la conscience aiguë que je n'avais jamais eu avant ma nuit dans la forêt. Puis, lentement, mon esprit m'amena au moment trouble où j'avais eu la sensation de perdre le contrôle de moi-même, lorsque Kila avait essayé de me tuer. Je tâchai en vain de m'en souvenir dans les moindres détails, mais seules des parcelles d'éléments me revenaient à l'esprit : une colère extrême, un profond désir de tuer et de protéger mon territoire. Je levai une main incertaine pour observer mes doigts. Ce n'était pas normal du tout. Rien n'était normal depuis que j'avais reçu cette putain d'amulette ! Je me mordis la lèvre, puis songeai de nouveau à ma rencontre avec Meori. Une vie ennuyeuse, hein ? Je ne pus retenir la larme qui s'échappa discrètement pour mouiller l'oreiller sur lequel ma tête reposait. Lorsqu'il fut humide au point de gêner ma vision, je séchai mes larmes du mieux possible, puis le retournai afin de dormir au sec. Mais je n'éteignis pas la lumière. À la place, je serrai les pans de mon oreiller pour m'astreindre au calme. Et comme une petite fille, je m'endormis peu à peu tout en espérant le retour rapide de ma mère.

~✶~

[Bip-bip-bip]

Je m'éveillai la tête pleine d'images floues. J'avais fait un rêve étrange dans lequel ma mère, chargée d'enquêter sur l'affaire du pyromane de la rivière, m'annonçait que Liam avait été tué derrière le gymnase du lycée. On l'avait retrouvé sous un tapis de feuilles orangées. Je m'étais brusquement retrouvée près de son cadavre qui s'était quant à lui subitement recouvert de brume. Et puis la brume s'était mise à tourbillonner. Meori s'était ensuite extirpée du tapis de feuilles, et m'avait prévenue que je devais arriver à l'heure sans tarder, car les esprits ne m'accepteraient plus si j'osais de nouveau refuser leur appel. Un loup avait hurlé, et son cri était monté jusqu'aux étoiles dont le ciel de midi s'était paré sans explications. Et Kila était apparue, répétant à l'infini une suite de mots dont je n'arrivais jamais à me rappeler.

Je m'étirai longuement, la bouche pâteuse. J'avais mal dormi. Le sommeil n'était venu à moi que tardivement et n'avait cessé d'aller et venir tout au long de ma courte nuit. Je tendis la main pour réduire au silence l'alarme qui sonnait toujours pour m'avertir du début de ma journée. Je relevai légèrement la tête, le temps de constater l'absence de nouveau message de la part de Liam, puis la laissa mollement retomber sur l'oreiller. Pensive, je restai un instant à contempler les murs de ma chambre. Qu'allais-je bien pouvoir faire ? Les questions se multipliaient et, plus le temps passait, plus l'espoir de comprendre ce qui m'arrivait s'amincissait. Lorsque la voix de ma mère retentit depuis le rez-de-chaussée, je cessai de m'interroger et quittai le refuge temporaire que constituait mon lit : je ne trouverais aucune réponse en restant allongée sans rien faire. Je filai tout de suite vers la salle de bain. Mon premier réflexe fut de vérifier l'état de mon visage : ma joue avait totalement désenflé et ne m'élançait plus.

Quant à ma bosse, il n'en restait qu'un léger souvenir. Je m'étais remise bien plus rapidement que je ne l'aurais imaginé. Je constatai également que la brûlure dans mon dos s'était estompée. Un espoir fugace me traversa l'esprit. Je me précipitai dans ma chambre pour m'en assurer, et mon enthousiasme fut vite douché : si la douleur avait disparu, la marque restait bien présente sous ma peau. Elle semblait même avoir gagné en rougeur au cours de la nuit. Les veinules qui se mouvaient d'elles-mêmes sous ma peau réveillèrent mon angoisse. Je détournai immédiatement le regard. J'avalai ma salive, rabattant mon t-shirt sur mon corps. Du calme... je vais m'en occuper pour de bon aujourd'hui... m'imposai-je intérieurement pour me rassurer. Je me lavai, m'habillai à toute vitesse, puis descendis les escaliers. La voix du présentateur de la matinale me parvint depuis la cuisine. Lorsque j'y entrai, j'eus le plaisir de voir que le petit déjeuner était déjà disposé sur la table : deux assiettes d'œufs brouillés et de bacon crépitant ainsi que deux verres remplis de jus de fruit m'attendaient.

Kivari #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant