Le vent souffle doucement. L'air est doux, un peu frais mais doux tout autour. C'est agréable. Les mains dans les poches, je continue de marcher. Il fait presque nuit, la chouette qui hulule à quelques mètres se charge de me le rappeler par intervalles réguliers à chaque fois que je n'y pense pas. Quant à la silhouette qui marche derrière moi, elle ne dit rien. Je crois qu'elle est aussi silencieuse que moi dans la pénombre.
Hormis les animaux nocturnes qui s'éveillent, il n'y a pas un bruit parmi les arbres qui nous entourent. Nous marchons ainsi durant de longues minutes. À plusieurs reprises, je pense avoir le courage de briser le silence qui règne entre nous. Au prochain buisson, après ce sentier... quand la lune nous éclairera complètement... mais je n'en fais rien. Lorsque nous parvenons enfin à la falaise, ma gorge est totalement sèche. Je sais qu'elle ressent la même chose. Et avant même que sa main ne m'effleure le dos, je sais déjà ce qu'elle va me dire.
— Tu as peur, eshani ?
Ma gorge se noue un peu plus. Comment répondre alors que les réponses m'échappent encore ? Je serre les poings. L'injustice du monde dans lequel je vis — ses doigts entrelacent les miens et la tension se dissipe un peu dans mes muscles — dans lequel nous vivons réveille ma fureur. Je me redresse et avance d'un pas plus assuré. Sa main me lâche, mais je ne m'arrête pas. Au bord de la falaise, tout paraît plus immense et plus vaste que jamais.
L'obscurité m'empêche de discerner clairement ce qui m'entoure, mais je ne m'en soucie pas. Je ne m'en soucie plus. Juste en contrebas, l'appel du vide se fait plus pressant encore. Mon corps ne le ressent que trop bien. J'inspire profondément. À une, deux, trois reprises. Puis je me retourne soudainement. Elle me regarde. Dans ses yeux, je lis toute la peur qui l'oppresse de part en part. Elle ne dit rien de celle qu'elle devine dans les miens, et je lui en suis reconnaissante.
Nous n'avons plus besoin de verbaliser nos émotions, à présent.
C'est le moment que choisit la lune pour se dévoiler. Je lui en veux un peu à cet astre, de me révéler son visage à ce moment précis. Comme si ce n'était pas assez douloureux comme ça... Je lui souris. Je sais que j'ai l'air bête, mais elle ne le relève pas. Elle me le rend, et l'espace d'un instant, j'ai l'impression que le mauvais rêve n'a jamais commencé. Et puis mon sourire s'affaiblit...
— Si j'ai peur ? Je suis terrorisée ! Mais je sais aussi qu'on a toujours le choix. Et ce soir, toi et moi...
J'avale ma salive et je lui tends la main. Je n'ai pas le cœur de terminer ma phrase. Sans réfléchir, elle s'avance et sans aucune hésitation, ses doigts viennent à nouveau à la rencontre des miens. Je ne veux pas me retourner vers le vide. Je préfère me focaliser sur ce visage que je connais si bien, sur ce sourire qui me réchauffe. Parce que c'est le souvenir que j'ai choisi de conserver.Je ferme les yeux quand sa main serre de nouveau la mienne.
J'ai toujours eu peur du vide. Du noir, de l'inconnu, de toutes ces choses que mon esprit peut imaginer lorsque seuls le silence et l'obscurité m'entourent. Je n'ai jamais été très courageuse. Mais aujourd'hui, tout a changé. À commencer par moi. Lorsqu'elle me pousse dans le vide, je l'attire et l'entraîne avec moi dans les ténèbres de l'inconnu...
Parce que tout commence et tout finit maintenant.
VOUS LISEZ
Kivari #1
FantasyAprès s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple mystérieux. *** À seize ans, le quotidien d'Eden Atwood n'est rythmé que par les cours et ses escapades avec son ami Liam. Mais leur vie tr...