Kivari #1

61- Humain et animal

Je luttais mentalement pour empêcher l'esprit du chat de prendre le dessus. Ma main tremblait sous l'effort des deux volontés contradictoires qu'elle subissait.

«Tue-le !
— Non.
— C'est un prédateur qui te chasse ! Ne sois pas la proie : tue-le !
— Non ! Je ne suis pas un assassin.»

— Tu es... une aberration... de la nature ! haleta Ethan White en s'essuyant la bouche.

Percevait-il mon conflit interne ? Du sang coulait des marques de griffures qu'il avait au visage. En observant plus attentivement, je distinguai un lambeau de chair qui se décollait de sa joue, tout près du menton. Le vertige me prit et je réprimai un haut-le-cœur. C'était moi ? J'étais celle qui avait fait ça ?

— Tu ne mérites pas de vivre ! hurla soudainement le professeur en s'élançant sur moi.

Un éclair azuré illumina soudainement la salle, puis un bruit de fracas retentit, et Ethan White s'écrasa parmi les débris de chaises et de tables. Kila ! Un soupir de soulagement s'échappa de mes poumons. La kanash se tenait devant moi, la respiration hachée et l'air furieux. Un grondement sourd et continu émanait de sa gorge. Sa kahr brillait comme des filets d'argent à la lueur de la lune sur son épaule pâle : je n'avais jamais été aussi heureuse de la voir qu'en cet instant.

— Tu vas bien ? me glissa-t-elle sans le quitter des yeux.
— Ça va, j'ai juste...

J'appuyai davantage ma main contre ma plaie à l'abdomen pour contenir l'écoulement de sang. Ce fut seulement à cet instant que je le remarquai : je ne saignais plus. Ma blessure s'était totalement résorbée ! Lorsque je regardai mon autre main, je constatai que les griffes luminescentes avaient elles aussi disparu. L'effroi me saisit : qu'étais-je donc devenue ?

— Toi... siffla froidement Kila à l'encontre du professeur qui se redressait déjà.

Ce type était increvable. Il respirait bruyamment, ses lèvres tremblaient de rage. Ethan White s'empara de son couteau. Lorsqu'il posa les yeux sur Kila, je perçus toute la haine qui s'inscrivait sur son visage ensanglanté.

— Ne m'adresse pas la parole, sourace ! beugla-t-il avec violence.

Kila releva le menton. Je sus qu'elle avait l'intention de le tuer avant même qu'elle ne se précipite vers lui. Elle poussa un grondement sauvage avant de bondir sur le professeur.

— Deux pour le prix d'une, c'est parfait ! cria Ethan White. Viens trouver la mort, sourace !
— Tu seras la seule personne à mourir ce soir ! rugit Kila.

Non. Plus de meurtres. Plus de vies perdues. Il y avait eu assez de mort et de sang. Je m'élançai à la suite de la kanash qui se battait déjà. Son adversaire tenta de lui asséner plusieurs coups de couteaux qu'elle évita sans effort.

— C'est de ta faute ! aboya la kanash avec une rage que je ne lui connaissais pas. Tout est de ta faute !

Elle était déchaînée. Ses coups pleuvaient et s'abattaient comme une vague de justice dévastatrice sur celui qui avait osé défier les lois de la nature. Déjà affaibli, Ethan White parvenait de moins en moins à parer l'animosité de Kila. L'homme à la chemise déchirée reçut un coup de poing particulièrement violent au visage qui le fit chanceler. Kila lui sauta à la gorge, le professeur se défendit en jouant de son couteau, la lame effleura la kanash sans l'atteindre : il était à bout de forces et tenait à peine sur ses deux jambes. D'un revers sec de la main, la kanash envoya valser le couteau d'Ethan White. Je compris que tout était fini lorsque Kila le plaqua brutalement contre le tableau.