Kivari #1

8- Havenly High

Le bâtiment grouillait de monde, un brouhaha grandissant s'élevait des différents groupes d'élèves qui arpentaient les couloirs. Le lycée de Havenly High ressemblait à une énorme ruche dont les abeilles, trop occupées à bourdonner pour se poser, voletaient dans tous les sens. Il y avait les habitués du lycée qui, excités de se retrouver les uns les autres, narraient leurs exploits estivaux tout en exhibant les souvenirs rapportés. Plus en retrait, les élèves studieux et consciencieux s'informaient déjà des cours à venir et comparaient leurs emplois du temps avec assiduité. Et puis, il y avait les autres, seuls ou accompagnés, silencieux ou expressifs. Et moi, j'étais perdue au milieu de tout ce monde.

Je parcourus des yeux les indications stipulées sur la brochure que j'avais reçue quelques semaines plus tôt. Elle indiquait précisément la salle devant laquelle je me tenais. Je me hasardai brièvement à l'intérieur,  juste le temps de constater qu'elle était emplie aux trois quarts. Les places en première rangée, bien entendu, étaient toutes vacantes. Je jetai un coup d'œil impatient à mon téléphone portable : mais que fabriquait Liam ? L'orientation allait commencer dans quelques minutes... En rangeant l'appareil dans ma poche, mes doigts entrèrent involontairement en contact avec l'amulette. Je n'eus pas le temps de me replonger dans mes réflexions au sujet de l'objet ; annonçant sa présence par la traditionnelle claque sur mon épaule, Liam venait d'arriver.

— Désolé, commença-t-il avant que je ne puisse lui faire le moindre reproche. Mon vélo a crevé sur la route et j'ai dû finir à pied.

Il n'attendit pas ma réponse et passa la tête à l'intérieur de la salle.

— Hé, c'est déjà blindé ! Mais qu'est-ce que tu fous, viens ? me lança-t-il en se ruant dans la salle comme si j'étais responsable de notre retard.

Je réprimai l'envie de lui balancer un coup de sac dans le dos et le suivis. Nous prîmes place aux premières tables libres ; je n'eus pas le temps de scruter la salle à la recherche de visages familiers, plusieurs enseignants étaient déjà installés sur une rangée qui faisait face à la nôtre. Certains avaient une mine sévère qui n'annonçait rien de bon. Je sortis de quoi noter tandis qu'un homme petit et légèrement enrobé émergeait de la rangée d'enseignants pour prendre la parole. Il dût s'y prendre à plusieurs reprises, car les élèves ne cessaient de parler entre eux, créant un bruit de fond permanent. Celui-ci s'estompa néanmoins lorsque l'enseignant éleva la voix:

— Bonjour à vous, je suis Henry  Thompson. Mais pour vous, ce sera monsieur Thompson. Laissez-moi d'abord vous souhaiter la bienvenue à Havenly High. Je vois que la plupart...

Il s'interrompit brusquement ; trois élèves venaient d'entrer dans la salle. Il arrangea la cravate rouge criard qu'il portait et qui jurait avec son costume marron pour leur laisser le temps de s'installer. Penauds, les trois retardataires se précipitèrent vers le fond de la classe pour prendre place.

— ... que la plupart ont su arriver à l'heure, reprit l'homme enrobé en tachant de couvrir les rires étouffés qui émanaient du fond de la salle. Vous allez débuter votre première année de lycée, et je sais que le processus peut être déroutant pour vous qui quittez à peine le collège.

Des sifflements incrédules fusèrent du fond de la classe. Le petit homme tenta de faire taire les responsables, sans succès. Assis derrière lui, un enseignant à la tête dégarnie jeta un regard courroucé en direction des fauteurs de trouble ; les rires diminuèrent mais ne s'estompèrent pas pour autant. À ses côtés, une petite femme au visage sévère se leva alors pour intimer le silence d'un geste de la main et, chose incroyable, celui-ci lui fut accordé dans la foulée sans qu'elle n'ait besoin de dire quoi que ce soit. Je mémorisai prudemment ses traits : si je devais l'avoir pour professeur, mieux valait éviter de se la mettre à dos. Le petit homme à la cravate rouge se racla la gorge.