Le moral dans les chaussettes, je parvins à ouvrir mon casier récalcitrant au bout de trois tentatives pour trier les livres dont je n'avais pas encore besoin et prendre celui dont la couverture bardée de chiffres multicolores me faisait déjà horreur. En compagnie de Liam, je me mis ensuite en quête de salle de classe. Le cours de mathémathiques était le premier de la journée. Il avait lieu au premier étage, dans l'aile réservée aux élèves de première année. Havenly High était divisé en deux ailes, la première était réservée aux élèves de première et deuxième année, la seconde aux élèves de troisième et quatrième année. Je commençais à peine à me familiariser avec la première aile, reconnaissant uniquement les salles que j'avais eu l'occasion de visiter la veille durant l'orientation. Et bien entendu, j'avais tout comme Liam oublié ma brochure.
Nous dûmes demander des indications à des élèves de deuxième année, et les premiers que nous croisâmes ne nous furent d'aucune utilité. Je commençais à stresser sévère en raison de l'heure qui avançait lorsqu'un troisième année qui passait par là nous proposa spontanément son aide. Il nous indiqua le chemin, mais en retard lui-même, il ne resta pas longtemps. Au bout de plusieurs détours, d'hésitations et de tentatives hasardeuses, nous trouvâmes enfin la bonne salle. Évidemment, tout le monde était déjà installé lorsque nous poussâmes la porte.
— En retard dès le premier jour... commenta une voix grinçante à quelques pas de nous.
Une petite femme à l'air revêche se tenait près du tableau. Je reconnus la femme autoritaire qui avait su calmer toute une classe dissipée d'un simple geste de la main. Bien entendu, il avait fallu que je tombe sur elle. Je déglutis en silence face à cette quinquagénaire maigrichonne dont le goût vestimentaire était parti faire un tour dans les années 30 et n'en était jamais revenu. La salle de classe et son odeur de renfermé n'arrangeait rien : les murs, qui avaient grand besoin d'être repeints, étaient parsemés d'affiches jaunies par le temps à la gloire des chiffres et dont les coins se décollaient pour certaines. Je m'étonnai presque de ne pas y trouver une boîte de craies. Le visage sévère de la maîtresse des lieux recentra vite mon attention. Je n'étais pas une spécialiste de la mode, loin s'en fallait, mais il y avait une différence entre une absence de goût et une absence de style tout court. D'un sévère mouvement du poignet, elle acheva d'inscrire au tableau une volée de symboles mathématiques auxquels je ne comprenais strictement rien. Je notai qu'elle ne nous invita pas à entrer et, prudente, je décidai d'attendre que ce fut le cas avant de dire quoi que ce soit. Liam, lui, n'interpréta visiblement pas les choses de la même façon.
— Désolé madame... commença-t-il avant de jeter un coup d'œil rapide à son emploi du temps.
La main dénuée de toute bijouterie superficielle s'arrêta brusquement. Instinctivement, je m'appuyai contre le mur. Cette femme me mettait mal à l'aise et je ne pouvais m'en expliquer la raison.
— Madame Dabson, ajouta précipitamment Liam après avoir vérifié le nom de notre nouveau professeur de mathématiques. On s'est perdus dans les couloirs en cherchant la salle. Vous savez comment c'est, les rentrées scolaires...
Intérieurement, je priais pour que Liam se taise. Mais fidèle à son caractère sociable et enjoué, il continuait son récit sur nos difficultés de repérage dans le bâtiment. Lorsqu'il cessa enfin de parler – probablement à court de prétextes et d'enjolivages – j'osai un regard timide en direction de celle qui, je le sentais déjà, allait probablement me terroriser durant toute l'année à venir. Je déglutis à l'avance, certaine qu'il ne s'agirait ni de la première, ni de la dernière fois. Elle arborait une coupe au carré qui n'arrangeait en rien l'air sévère qu'elle se coltinait déjà. Je songeai que l'effet était peut-être volontaire. Sans nous quitter des yeux, elle reposa son feutre de couleur verte sur son bureau, puis pencha la tête sur le côté. Avec sa robe à carreaux bleu et noir et son collet serré, son gilet mauve et ses petites bottes qui m'évoquaient des sabots d'un autre temps, Dabson m'apparaissait comme un cauchemar personnel spécialement prévu pour moi. Mon appréhension monta d'un cran lorsque ses yeux bruns se posèrent sur moi.
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Kivari #1
FantasíaAprès s'être aventurée dans une forêt interdite, une adolescente développe un étrange pouvoir lié à un peuple mystérieux. *** À seize ans, le quotidien d'Eden Atwood n'est rythmé que par les cours et ses escapades avec son ami Liam. Mais leur vie tr...