44- Première lune

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À quel genre de marché m'étais-je enchaînée lorsque j'avais accepté le pacte du svarai ? L'eirsha me laissait encore plus de questions qu'auparavant.

— Le svarai, commençai-je en fronçant les sourcils. Il a dit que j'étais...
— Tu ne dis pas ! coupa brutalement Eo'da Seti, une main levée.

Il me fit sursauter, et je laissai tomber par terre la brochette que j'étais en train de savourer. Mécontente, je tâchai de débarrasser la viande des saletés qui la recouvraient. Même ainsi, sale et maculée de terre, elle me paraissait plus appétissante que jamais. Combien de jours avais-je bien pu passer à l'intérieur du noy'sat pour être affamée à ce point ?

— Ce que le svarai a dit, reprit le shadan. C'est pour toi. Et pour toi seulement.

Je gardai le silence. Comment le shadan était-il supposé m'aider s'il ne me permettait même pas de lui poser la moindre question ? À cet instant, des bruits de pas me parvinrent. Je me tournai vers l'obscurité que le feu ne pouvait éclairer, mais il n'y avait personne. Ce ne fut que quelques instants plus tard que Kila apparut, les bras chargés de fruits à la forme et aux couleurs étranges. Eo'da Seti me sourit de toutes ses dents tandis que la kanash s'asseyait à côté de moi.

— Le chat entend de loin. Petit mais malin ! déclara-t-il d'un air malicieux. Tu seras un kivari agile.
— Le chat ? s'étonna Kila qui disposait ses fruits par terre. Mais je croyais que...

La kanash s'interrompit juste à temps. Venait-elle de se rappeler qu'elle m'avait fait promettre de ne pas mentionner l'amulette de Meori en présence de Eo'da Seti ? Je me demandais si cela incluait également la panthère lorsque Kila ajouta tout bas :

— Je suis contente que tu sois réveillée... Ça veut dire que tu as passé l'eirsha ?
— Oui, plus ou moins.
— Plus ou moins ?

L'expression de Kila passa instantanément du soulagement à l'inquiétude. Kila pouvait être d'une sincérité désarmante. Je me détournai de la kanash pour mieux dissimuler mon trouble.

— Je n'ai pas... commençai-je avec un regard en coin pour le shadan.

Je ne souhaitais pas m'exprimer devant lui. En outre, il m'avait expressément demandé de garder pour moi les paroles du svarai. Eo'da Seti m'adressa un autre de ses sourires agaçants.

— Méfiance comme le petit chat ! s'écria-t-il avec un plaisir évident. Si tu le suis bien, tu vas vivre longtemps, esh-kirith.
— Je ne pense pas que...
— Et bientôt la saison des chaleurs ! continua le shadan. Si ton bassin te brûle, c'est qu'il faut t'accoupler sans tarder.

Mes joues devaient paraître encore plus cramoisies à la lueur rougeoyante du feu.

— Qu'est-ce que c'est ? répliquai-je précipitamment en espérant détourner la conversation au plus vite.

Du doigt, je pointais l'un des nombreux fruits que Kila avait ramené. Plus volumineux que les autres, il ressortait davantage du lot. Jaune et oval, il était aussi gros que mes deux poings réunis. De petites pointes s'hérissaient sur la peau qui, à l'œil nu, paraissait déjà ferme et épaisse. Le fruit ressemblait à un oursin d'or.

— Un grain-de-soleil, répondit Kila en me l'offrant.
— Bon pour toi, expliqua Eo'da Seti. L'eirsha fatigue l'esprit, le grain-de-soleil peut le nourrir. Mange.

Kivari #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant