Kivari #1

24- Esprit animal

Un garçon efflanqué se tenait à l'encadrure de la porte. Derrière les lunettes rondes qu'il portait, je surpris le regard suspicieux qu'il nous jetait. Gênée, je rabattis promptement mon t-shirt sur mes hanches.

— Salut, Derek ! lança Liam comme si de rien n'était.
— Hé Perkins, répondit l'intéressé sans me quitter des yeux.

Il entra péniblement. Il avait sous le bras un carton qui laissa échapper une volée de poussière lorsqu'il le déposa sur la table. Je toussotai malgré moi. Du coin de l'œil, je vis Liam presser son inhalateur pour avaler de grandes quantités de vapeur.

— Les dernières archives, déclara Derek avec un enthousiasme proche du néant. T'es pas obligé de les garder, t'en fais ce que tu veux.
— Merci !

Derek fouilla les poches de son jean, à la recherche de quelque chose qu'il ne parvenait pas à trouver. Je profitai de ce moment pour l'observer : il était très mince, au point où son jean pourtant serré flottait un peu au niveau de sa taille. Il portait une chemise blanche à rayures qu'il avait désespérément tenté de faire entrer sous son jean et qui débordait par endroits. Ses chaussures, cirées jusqu'au possible, étaient en cuir noir et à bouts pointus. Il réajusta ses lunettes sur son nez droit, l'air pensif.

— Où est-ce que je l'ai fourrée...

Il se gratta le crâne, dérangeant les cheveux châtains frisés qui couraient sur sa petite tête ovale, puis il eut un mouvement d'exclamation, comme s'il venait de se rappeler d'un élément important. Il fouilla la poche arrière de son jean et en sortit une paire de clés :

— Tiens. Et t'oublies pas de bien fermer quand tu pars, okay Perkins ?

Liam prit les clés et les rangea soigneusement dans sa propre poche.

— Pas de problème, Derek.

Le dénommé Derek m'adressa un regard curieux, revint à Liam puis décida finalement de s'en aller. À la porte du local, il se retourna soudainement :

— Ah ! Au fait, le pré-requis est repassé à trois.
— Quoi ? Mais... pourquoi ? se lamenta Liam d'un air dépité.
— Pas ma décision, répondit Derek en haussant ses maigres épaules. Si t'es pas content, va voir Burton et demande-lui de changer d'avis. Bon courage.
— Putain... Avec Alison qui s'est cassée à Saint-James, on est trois pile poil maintenant ! pesta Liam en lançant un coup de pied dans le vide.
— Pas vraiment. Andrew arrête aussi, avec ses cours particuliers il n'a plus le temps.. ajouta Derek d'un ton égal.
— Génial, juste génial !Tu as d'autres bonnes nouvelles ou ça ira pour aujourd'hui ?», commenta amèrement Liam d'un air désabusé.

Derek le regarda un instant, un sourire moqueur aux lèvres. Puis il posa de nouveau le regard sur moi :

— Je vois pas le problème, vous êtes encore trois non ?
— Elle ne fait pas partie du journal, répondit Liam d'un air consterné.
— Ah. D'accord. Au fait, où est Presley ? s'enquit aussitôt Derek comme si je ne l'intéressais déjà plus. J'aimerais bien qu'il me rende ma clé usb.
— Il est absent, répondit Liam sur un ton qui l'était tout autant. Et merde, si Burton continue à être sur notre dos comme ça, le Sundry va fermer avant les vacances.
— Bah sauve-le alors ? conclut Derek d'un air totalement désinteressé. Pour ma part, c'est bon : j'ai donné. Bon, à plus Perkins !

Il quitta le local sans un mot pour moi. Quelques secondes passèrent et la porte s'ouvrit de nouveau, laissant apparaître la petite tête ovale de Derek : «Au fait, tu fais ce que tu veux mais si tu comptes faire des trucs cochons, fais pas ça dans le local. Si possible. Je dis ça pour toi !
— C'est pas ce que tu... », commença Liam.