FENRIR TOME I

CHAPITRE 6

          — Wow ! J'y crois pas... disent Chris et Irene en même temps.

          Bon. Bah on dirait bien que mon intuition était bonne. Chris n'arrête pas de faire les cent pas, et Irene marmonne je ne sais quoi dans sa barbe. Je ne sais pas trop quoi faire, ni quoi dire. Je baisse la tête et balance mes jambes, l'une après l'autre. Mes pattes, je veux dire.

          — Désolé Fenrir. On ne pensait pas que cette histoire... tournerait comme ça. m'avoue t-il.

          — Oui c'est vrai, excuse nous. On va te laisser te reposer. Tu dois reprendre des forces.

          Je hoche la tête et les regarde se diriger vers la porte.

          — Et pour ma sœur ? Je peux la prévenir ? demande ai-je.

          — Non désolé, ça ne va pas être possible. Personne ne doit connaître l'existence de cet endroit. me dit Irene.

          — Alors... Pourquoi m'avoir emmené ici, dans ce cas ? demande ai-je curieuse.

          Chris et Irene se regardent avec un air triste. Et me regarde à nouveau.

          — C'est... il se frotte la nuque, et détourne le regard. Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais on avait fait une promesse. Il y a longtemps. dit-il. On voulait à tout prix la tenir, malgré qu'on se soit séparés.

          Ils ferment la porte en sortant. Je m'en veux tellement de me souvenir seulement de leurs noms. Je me retrouve seule cette fois. J'inspire un grand coup puis expire. Je m'allonge et tente de dormir.

***

          Je cours encore et encore ! Sans me retourner. Je cours en ligne droite. Astrid est derrière moi ! Elle me crie : « Ne te retourne surtout pas, continue ! Ne t'arrête pas ! » Je suis essoufflée, et mes larmes n'arrêtent pas de couler. Ils ont tués Papa et Maman. Et où sont Christian et Irene ? J'espère qu'ils vont bien, et qu'ils ont eu le temps de s'enfuir eux aussi.
Je me retourne, puis Astrid me rattrape par ma veste. Une énorme pente est en face de nous. Elle m'a rattrapé juste à temps. Mais, en me retournant, je reçois un énorme coup en plein ventre et suis projeté en arrière. Astrid tente de me rattraper, mais n'y parviens pas. Nos mains s'effleurent. Je l'entends hurler mon nom.

          Je tombe. Je dévale cette énorme pente. Je me cogne sur les rochers, m'égratigne les mains, les bras, les jambes. J'arrive très vite au bout. Je suis étendue sur le sol. Je ne peux ni bouger ni parler. Je n'ai pas vraiment mal, bizarrement. Astrid me rejoint. Je ne peux rien lui dire, mais je l'écoute : « Fenrir ! Oh mon Dieu... Ce n'est pas vrai, ta tête... tu saignes ! Est-ce que tu m'entends ? Si tu m'entends... surtout ne bouge pas. Je crois que tu as plusieurs factures. Et tu as reçu un énorme choc à la tête. Je vais chercher de l'aide. Ne t'inquiètes surtout pas, tout va bien se passer. Je... »

***

          Je me réveille. En larme. Je m'essuie le visage, et attends plusieurs minutes assise avant de me lever. Je réfléchis un peu. C'était un souvenir. Les revoir l'a sans doute fait émerger. C'est sûrement ce choc qui m'a fait perdre la mémoire. Je ne me souvenais pas du tout de cet incident. Beaucoup de choses me reviennent depuis que je suis ici.

          Je me lève et marche sur mes deux pattes arrière. Je quitte enfin cette chambre. Je suis sur le pas de la porte et regarde autour de moi. Cet endroit est gigantesque, et il y a énormément de monde. Je vois Chris et Irene au loin, ils parlent avec d'autres personnes. Je décide donc de me diriger dans la direction opposée à eux. Je ne suis pas quelqu'un de sociable. Je ne serai pas du tout à l'aise. Je marche sans vraiment regarder où je vais et me cogne contre quelque chose, avant de perdre l'équilibre.

          — Tu as retrouvée tes forces on dirait.

          Je lève la tête, et vois que la chose contre laquelle je me suis cogné, est Gin. Il me tend la main et m'aide à me relever.

          — Excusez-moi, je ne regardais pas où j'allais.

          — T'en fais pas pour ça. Et tu peux me tutoyer.

          — Merci. J'ai une question. Plusieurs en fait, à propos de l'histoire dont vous... dont tu m'as parler. lui dis-je sans le regarder dans les yeux.

          — Viens avec moi. Allons discuter ailleurs.

          Je le suis. On descend de l'étage, et on sort par une porte qui se trouve à l'arrière du bâtiment. On traverse la forêt. On marche pendant plusieurs minutes avant d'arriver dans une magnifique clairière. Gin s'arrête, mais pas moi. Je suis émerveillée. Je regarde autour de moi puis ferme les yeux un instant. Je sens le vent qui vient caresser mon visage. J'entends le crissement des feuilles, le clapotis de l'eau. Il y a sûrement un courant pas loin. Je me mets ensuite à renifler. Une petite odeur de pluie vient s'ajouter à cette douce brise. Je souris, et rouvre les yeux. Le ciel est d'une sublime couleur bleu azur, malgré les nuages gris qui menacent de verser quelques larmes. Il y a aussi des oiseaux qui volent très haut dans le ciel. Je les vois comme s'ils étaient en face de moi. C'est incroyable. Mon ouïe, mon odorat et même ma vue. Je ressens et voit les choses mille fois mieux qu'avant.

         — Alors... quelles sont les questions que tu voulais me poser ? me dit Gin tout en s'asseyant sur l'herbe.

          Je me retourne et vois qu'il a l'air impatient d'entendre mes questions. Je m'assois en face de lui.

          — Et bien... Pour commencer, j'aimerai savoir un peu plus de choses à propos de la Race dont tu fais partis. C'est la toute première tu disais.

          — Oui c'est exact. soupire t-il. Nous sommes les premiers. Nos seules capacités sont la force et une intelligence plus élevée comparée à la norme. Et aussi comme tu l'as deviné, d'où ta question tout à l'heure, la première génération de « personnes surnaturels » a pris naissance il y a plusieurs décennies déjà. me dit-il. Si j'ai toujours l'air aussi jeune, c'est parce que nous ne vieillissons pas. Question suivante. me dit-il en souriant.

          Il ne vieillit donc pas ? C'est incroyable et fascinant. Il fait tellement jeune. S'il ne me l'avait jamais dit, je n'aurais sans doute jamais deviné.

          — Quelle différence il y a entre les Fenrir de l'ancienne et de la nouvelle génération au juste ? demande ai-je. Qu'est-ce qui nous différencie ?

          — Et bien, la différence est que vous naissez en tant qu'Être Humain, et que vous vous transformer bien plus tard. dit-il en se grattant la tête. Mais l'âge où vous vous transformer peut varier. Et vous êtes aussi plus fort. Beaucoup plus fort.

          Une question, me traverse l'esprit, mais j'hésite à la poser...

          — Hum... Tu as aussi dit que mes parents ont été tués car le Kujo-Sha avait découvert le point faible des Fenrir. Je pourrais savoir ce que c'est ?

          Il est surpris par ma question, et hésite à me répondre.

          — Euh... et bien. Le point faible des Fenrir...

          Je me retourne brusquement. Mes oreilles sont à l'affût. J'entends des bruits étranges au loin. Les oreilles sur ma tête se lèvent, j'écoute plus attentivement. Je ne sais pas pourquoi mais mon comportement change. Je me mets sur mes quatre pattes, et me met à grogner. Ça m'a légèrement surprise d'ailleurs. Je n'arrive pas à savoir ce qu'il se passe, mais il se passe sans aucun doute quelque chose.

          — Fenrir ? Qu'est-ce qu'il y a ? dit-il en se relevant et en regardant dans la même direction que moi.

          — C'est... par là que nous sommes arrivés, non ? demande ai-je inquiète.

          Son air s'assombrit. Il a l'air effrayer, et se met sans plus attendre à courir en direction du bâtiment.