II : À chacun ses ennemis et ses monstres dans la nuit.

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SPENCER

Les ragots courent de bouche en bouche car il vaut mieux voir le tas de feuilles mortes s'entasser devant la porte des autres plutôt que de balayer celui qu'il y a devant la sienne.

Dean Hellis est un connard.

C'est la seule information que je retiens de toute cette soirée lorsqu'il me plante devant chez moi après avoir fait un boucan pas possible. Voilà que tous les voisins vont me tomber dessus demain matin.

Je rentre dans mon appartement en claquant la porte, au point où j'en suis, un bruit de plus ou de moins ne fera pas grande différence pour les voisins. Autant oublier la discrétion. Furieuse de son petit numéro, je claque également mes affaires dans l'entrée sans prendre la peine de les ramasser. Je me dirige pieds nu sur le plancher vers la chambre tout en ignorant mon répondeur qui clignote d'une lumière rouge indiquant plusieurs messages en attente. Je n'ai pas envie de leur parler, ni à lui ou à personne d'autre. Je m'arrête devant le miroir de ma coiffeuse où son posé mes antidépresseurs. Saveur amère, caresse douce sur ma langue et baiser réconfortant sur le cœur, c'est tout ce que j'en retiens.

Cette soirée est enfin terminée, heureusement. Ce n'est pas que je n'aime pas les repas de famille, mais en fait...si. Encore plus lorsqu'il s'agit là d'une célébration. La fête des grâces, ce devait être le comble de l'ironie pour ce cher Dean. Malgré tout, ça m'a fait plaisir de voir Peyton, ma sœur rayonne depuis qu'elle a trouvé sa place auprès de Peter, et celui-ci, même s'il n'est pas le parfait copain est tout ce qu'il faut à ma sœur. D'autant qu'il a été un bouclier pour elle et qu'il nous a toutes les deux aidés avec Nikolai et les pestes de Cindy et Danielle. Par contre, son frère Dean...c'est une autre affaire.

_Tout ce que j'ai fait c'est lui dire ce qu'il avait besoin d'entendre, mais en plus d'être un crétin fini, il est également susceptible au possible. Dis-je en considérant mon reflet dans le miroir.

Peyton m'a tout raconté sur sa vie du début à la fin alors que j'étais arrivée la première au dîner. Nous étions dans la cuisine, ma bouteille de vin déjà ouverte, apporté exprès pour m'aider à supporter cette soirée et ma sœur en train de faire rôtir la dinde.

_C'est vraiment un mec droit, a-t-elle commencé, mais sa copine le trompe sans cesse et il la pardonne toujours. Il dit à Peter que c'est compliqué. Il semble y avoir quelque chose là-dessous que nous ne saisissons pas, mais ça me fait de la peine pour lui. Malgré le contentieux qui existe entre son frère et lui, on sent que c'est un bon gars et je sais que Peter aimerait que son frère soit heureux.

_Qui est sa copine ? Avais-je demandé.

Après tout, ici, tout le monde se connaît.

_Camille, je crois. Camille...Preston.

J'avais fait les gros yeux, caché derrière le ballon de mon verre de vin. Ce type que je croyais ne pas connaître était en réalité au centre de nos conversations préférer avec Andréa au boulot. On était toujours en train de se moquer du pauvre type qui était cocu par la putain du quartier, on se demandait déjà comment elle s'était trouver un mec. Sur le moment, je m'étais senti mal pour lui, et pour cause : Camille Preston en plus d'être ce qu'elle était, se trouvait également être une manipulatrice hors pair. J'avais une dent contre cette fille depuis le lycée. À chacun ses ennemis et ses monstres dans la nuit...

Alors quand ce crétin de Dean est arrivé, bien différent de ce que j'avais imaginé du petit ami de Camille, je n'avais pu que le fixer comme une véritable énigme vivante.

Déjà, Dean se trouvait à l'opposé de son frère Peter. Tant physiquement que moralement, Dean est brun aux yeux bleus, mais son gabarit est bien inférieur à celui de son frère quoiqu'il soit plus grand. Également, j'avais cru comprendre bon nombre de fois que c'était un "bon gars" trop bon si on voulait mon avis et la définition même du "trop bon, trop con" lui coller à la peau. Encore plus quand j'avais appris son métier. Il était professeur des écoles, lui, le mec cocufié habillé d'une veste en cuir noir, de boots de rockeur et à l'air plus sombre que n'importe lequel des criminels. C'est sûr que les gosses n'avaient qu'à bien se tenir avec lui.

C'était donc pendant une heure, que j'avais entendu maintes histoires sur lui et ressassaient celles que je savais déjà et qui courais comme rumeur dans toute la ville. On pourrait presque en faire l'anecdote quotidienne sur le journal. Peyton devrait y penser, je lui suggérerais sûrement cette idée la prochaine fois que je la verrais. Dean était un mec bien, mais j'avais pu constater que son côté sombre n'était jamais très loin comme avec n'importe qui dans cette ville et il n'avait pas fallu longtemps pour le débusquer : il a contracté les poings à la première remarque. Et j'ai su lorsqu'il m'a attaqué directement, qu'il aimait profondément Camille. Car comme son frère, il avait un instinct protecteur surdéveloppé et la seule chose qui pouvait le pousser à m'insulter moi en tant que femme est que j'ai mis la position de la sienne en danger.

J'avoue avoir été surprise de son répondant et j'avais bien envie de pousser le bouchon plus loin surtout lorsqu'il a proposé de me ramener.

Dean Hellis est une limite entre le bien et le mal. Seulement, je veux savoir qu'elle est la plus grande part des deux chez lui. La part d'ombre...ou de lumière ? Après tout, c'est un mec bien sous tous rapports sauf que sa copine n'est pas très reluisante. Du moins, c'est ça la partie immergée de l'iceberg et moi j'ai envie de croire que Dean peut être pire que Camille, même si cela paraît difficile.

Sinon, pourquoi s'entêterait-il à la supporter ?

Je souffle longuement épuisée de cette soirée et me déshabille avant de me laisser glisser sous les draps. Allongée de côté, un bras sous ma nuque, je me demande encore comment ce mec peut-être un tel crétin et je m'épuise à ressasser son air narquois et son rire suffisant, mais bien plus encore son vrai rire. Un éclat sorti de nulle part, mais venant du fond de son cœur.

"Qu'est-ce que la vie t'a fait pour être une sacrée chieuse ?"

Je me retourne sur le dos, les mains posées sur mon ventre et le souffle régulier, contemplant le plafond et feignant d'ignorer les nombreux tubes qui s'entreposent sur ma coiffeuse.

Il ne le sait pas et j'aurais juré le contraire lorsqu'il a évoqué mon renvoi et ma rupture. Seulement, s'il ignore tout alors j'apprécierais assez que ça reste ainsi. Tout ça pour dire que les gens des petites villes et particulièrement ceux de cette ville aiment connaître leurs voisins. Les ragots courent de bouche en bouche car il vaut mieux voir le tas de feuilles mortes s'entasser devant la porte des autres plutôt que de balayer celui qu'il y a devant la sienne. Quand le chaos est semé comme une épidémie, chacun prévient à sa manière la contagion et le plus souvent ça passe par le rejet du contaminé. Pas de pitié pour les pécheurs même repentis, c'est ce qu'on nous enseigne ici.

Parce que mes travers sont pires que ceux de Camille Preston.

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Hey ! Un chapitre assez court. Beaucoup plus que d'habitude. Mais j'ai envie de prendre mon temps et de poser les bases. Vu que cette histoire sera plus complexe que la précédente, je vais devoir démêler les entrelacs de l'intrigue. Du coup, je vais bosser à fond sur la trame dans les prochains chapitres pour fournir quelque chose de convaincant. Enfin bref, je ferais de mon mieux. 🙃

Biz.MG

Again and More [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant