XVIII : Qu'est-ce que tout ça est sensé vouloir signifier ?

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SPENCER

Alors je me demande soudain si mon bonheur ne dépend pas de tout à chacun ? Si je n'ai pas besoin de quelqu'un pour être heureuse ?

J'attrape trois cachets que j'avale et m'enfonce dans l'eau bouillante de mon bain, me glissant à l'intérieur pour me masquer à toute réalité. Je retiens ma respiration, fait fit des vapeurs qui s'élèvent à l'air libre et me laisse paisiblement reposer au fond, presque comme endormi, englouti sous l'eau. Je ferme les yeux et tente de laisser mon esprit vagabonder. Aussitôt fait, celui-ci se met à me montrer des images de ma vie – de toute ma vie-. Je me débats dans un premier temps, sans la moindre envie de revivre les plus douloureux moments de mon existence, j'agrippe les bords de la baignoire bien que je sois toujours immergé sous l'eau et manque de me noyer quand je me laisse finalement faire. C'est une image de mon père qui m'a piégé. Je le revois un soir d'été, juste après que ma sœur soit parti, assis dans son fauteuil devant la télé avec l'air déprimé. J'étais sorti de ma chambre pour ramasser les bouteilles de bière et venir le border, à ma grande surprise, il ne s'était pas déjà endormi, bien que je l'ait cru.

_Tu vas me quitter toi aussi ? Ma-t-il demandé.

_Non. Moi je reste. Ai-je répondu.

_Tu devrais partir, pourtant. Tôt ou tard, l'un de nous deux va quitter l'autre. Ce n'est qu'une question de temps.

C'est la seule chose qu'il m'est dit pour les années qui ont suivi. Refusant de parler jusqu'à sa mort. Les noms de ma mère et de ma sœur étaient devenus imprononçables sous peine d'une crise de colère abominable et rongé par une peine indélébile. Je ne l'ai pas écouté une seule fois, je suis resté regardant l'homme qui m'avait élevé, fait rire et appris, dépérir sous mes yeux. Mon père est mort d'une crise de foie, mais je crois que c'est la souffrance qui l'a tué. C'est ce qui a été, en tout cas, la cause avant la conséquence. Et c'est la même chose qui aujourd'hui, menace de se produire avec moi.

Je laisse mes mains retombées mollement dans l'eau et l'image change.

Je me vois lors d'une journée d'été avec Deley, en route pour la plage dans l'Etat voisin. Je me souviens que ça avait été parfait du moins pour un temps. Le soir même, je cassais de la vaisselle dans la cuisine alors que nous nous hurlions dessus. Je ne me souviens même plus du sujet de la dispute, il y en a eu tant. Puis je me rappelle aussi qu'il venait me retrouver dans la chambre, se blottissant contre moi et me murmurant à l'oreille que tout finirait par s'arranger, ce qui n'étais jamais le cas, mais je le laisser faire quand même. Il y avait d'autres soirs où l'on se contenter de lire chacun son livre, jusqu'à ce qu'un de nous deux éteigne la lampe du chevet et s'endorme. J'ai vécu de beaux moments avec lui, mon souvenir le plus vif reste notre première rencontre. Il était dans le même cours de musique que moi, il jouait du triangle. À vrai dire, il n'avait pas d'autres talents pour la musique, il toujours eut deux mains gauches pareil pour ses pieds alors que j'aime tant danser. Une vraie calamité, mais il s'était inscrit seulement dans le but de me voir plus souvent. Alors quand on s'est retrouvé seul tous les deux entre deux répét...ça s'est fait naturellement. Un mois plus tard, j'ai du arrêté. C'était les vacances d'été et Peyton a quitté la maison. Je n'ai pas repris à la rentrée, Camille me prenait déjà tout mon temps et mon énergie. Pourtant Deley a insisté pour rester auprès de moi. Il disait qu'il m'avait connu avant tous ça et qu'il n'allait pas disparaître maintenant que les choses se compliquaient. Il a tenu sa promesse, plus longtemps que je l'aurais cru, mais pour nous deux, j'ai dû lui rendre sa liberté. 

Puis il y a eu Dean. Arrivé comme un boulet de canon, pimpant et franchement agaçant. Mais une vraie bouffée d'air frais. Il n'a pas marché sur des œufs avec moi, ce que j'ai apprécié et puis sa nature...à toujours vouloir aider tout le monde, c'est aussi présomptueux qu'humble. Ce type m'agace, il m'énerve et parfois même il me sort par les yeux de la tête, mais a de rares moments je l'apprécie tout entier. Son seul défaut : Camille. Quand je pense qu'il m'a ou que je...enfin bref, qu'on s'est embrassé. Je n'avais pas encore vu cette facette-ci, moitié coquine et revêche, très différente de celle joueuse et moqueuse qu'il a dans la plupart de nos joutes verbales. Qu'est-ce que tout ça est censé vouloir signifier ?

Again and More [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant