VI : Happy Birthday.

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SPENCER

Son marteau claque et c'est comme le bruit du gong de la dernière heure du condamné à mort.

J'inspire et j'expire si doucement que mon reflet ne semble pas capter le léger mouvement de ma poitrine. Dans le miroir, j'ai l'air stoïque presque morte comme incapable de respirer ou d'avoir le moindre signe de vie. Ma peau laiteuse et les veines bleues bien trop visibles qui parcourt mes poignets n'aident pas. Mes doigts fins, longs et fragiles ont l'air décharnés, je suis même capable d'entrevoir mes os sur le haut de mes mains. C'est dire à quel poing ma peau doit être fine. Pendant cette analyse peu flatteuse, je continue de nouer l'un après l'autre les boutons de mon chemisier beige. Honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit ma couleur. Je relève les yeux vers mon visage et me fixe droit dans le miroir. Mon regard bleu ressemble à un ciel orageux – prémisses sûrement d'une longue bataille à venir ou de l'hiver qui s'installe -. Lui aussi est fixe, tout comme ma bouche est pincée. Mes lèvres manquent cruellement de couleur, même le fait de les mordiller n'arrive pas à leur donner une jolie couleur rouge. Je ferme le dernier bouton de mon chemisier, jusqu'au col et décide de montrer le collier que m'a offert ma sœur, il y a bien longtemps. C'est une chaîne en or où un petit pendentif rond décrit à l'intérieur de lui le signe du Sagittaire – mon signe astrologique– il comporte une minuscule pierre de couleur ambre juste au bout de la flèche du centaure. Je regarde le reste de ma tenue. Une jupe droite noire et des talons beiges. L'ensemble paraît convenable bien que mes cheveux bruns et mon regard bleu ne semblent pas faire bonne mesure avec cette tenue. Je jette un coup d'œil à mon réveil, je n'ai plus le temps de me changer si je veux arriver à l'heure. Tant pis, ce n'est pas comme si j'allais passer un moment agréable de toute manière. J'attrape mon manteau long marron en laine au dernier instant et sort par le voile hivernal de cette fin de mois de novembre.

Le ciel est assez dégagé pour laisser apparaître un bleu tendre, mais les nuages environnants cachent la moindre lueur de soleil et l'air est froid. Pas glacial. Pour un temps neigeux, la température doit avoisiner zéro hors les récentes chutes de neiges nous permettent un joli décor sur une touche frisquet.

Mes pas sont étouffés par la neige de sorte à ce que je sois aussi silencieuse qu'un chat et pourtant lorsque je me retourne un instant, je ne peux pas prétendre être invisible avec toutes les empreintes de pas que je laisse derrière moi. Silencieuse mais dérangeante – je réfléchis quelques instants – oui, ça me ressemble assez. J'inspire profondément lorsqu'en tournant sur ma droite, j'aperçois loin devant moi le palais de justice où l'on m'emploie – ou l'ont m'employait. J'inspire profondément. Cette fois, je suis sûr que ma poitrine se soulève assez pour qu'on s'en aperçoive, même à travers mon manteau. Des tas de gens sont déjà devant et dedans le bâtiment. Certains en robe de magistrats, d'autres en uniforme de police et d'autres, encore, en costume pour homme et tailleur pour femme. Cela font partie de ma catégorie, enfin ancienne catégorie. Pour atteindre ne serait-ce que la devanture du bâtiment en pierre et en granite, il faut gravir les trente sept marches du palais. Durant toute cette traversée, je garde la tête baissée et compte mentalement chaque marche sur laquelle je monte. Ça m'évite de voir le jugement sur le visage de tous ces gens et d'entendre leur chuchotement par la même occasion. Par ici, je suis en quelque sorte une célébrité – malheureusement pas dans le meilleur des sens.

_Ah, la voilà enfin !

Je relève la tête à cette voix familière et passe les trois dernières marches qui me séparent de Connor Johnson, mon ami, associé et plus récemment mon avocat. Connor est un requin dans son milieu, le parrain de son domaine. Âgé d'une cinquantaine d'années, tout le monde donnerait à cet homme le bon Dieu sans confession. Particulièrement parce qu'il est petit, aux cheveux grisonnant et ridé. Malgré cela, il a la marque des avocats et surtout celle des grands hommes. Ses épaules larges, ses cheveux poivre et sel et ses yeux bleus n'enlèvent rien au charme de sa jeunesse et son costume –taillé sur mesure, j'en suis sûr – ne fait que démontrer qu'il porte sur ses épaules plus de centaines d'affaires gagnées. Connor me serre la main, à côté de lui, mon amie Andréa me prend dans ses bras. Je ne suis pas très tactile, mais aujourd'hui je ne peux pas me permettre de faire la difficile.

Again and More [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant