Chapitre 12

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24 décembre 2017

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24 décembre 2017

         Le brouhaha ambiant emplit mes oreilles alors que je me laisse aller contre mon siège. Un vieux siège pliable en plastique, qui doit sûrement prendre la poussière dans le garage de mes grands-parents depuis un an - date à laquelle j'ai eu l'honneur de m'asseoir dessus pour la dernière fois. Elle doit être pliée dans un coin depuis tellement longtemps que la couleur noire commence à laisser place à un gris fade.

         Génial. L'état de ma robe à la fin de la soirée est la dernière chose à laquelle j'ai envie de penser. Si elle ne craque pas avant d'ailleurs. J'ai tellement mangé que j'ai l'impression que je suis sur le point d'exploser. Et, pour ne pas me rassurer, l'idée que le plat principal n'a même pas encore fait son apparition se loge dans ma tête.

         Comme chaque minute depuis le début du repas, je sonde la tablée du regard. À l'autre bout, mon paternel entretient une discussion animée avec mon grand-père, alors que ma grand-mère semble prise d'un fou rire avec ses deux filles. Ma sœur discute tranquillement avec l'une de nos cousines, tandis que l'autre essaye tant bien que mal de suivre la conversation des deux grandes, n'oubliant pas de pianoter frénétiquement sur son téléphone. Tout ça me donne soudain l'impression que ma famille est un cliché ambulant. Les cris des deux garçons qui jouent sur le tapis - ces enfants sont insupportables - me confortent encore plus dans cette idée. Je soupire et essaye à mon tour de rejoindre la conversation de Sarah et Clémence.

        Peu à peu, je saisis le sens. Les études, encore. Je soupire. À six mois, de l'échéance, je n'ai toujours aucune idée de ce que je vais bien pouvoir faire après le Bac - si au moins je l'ai. Remarquant que je les écoute, Sarah enchaîne sur mon cas, me posant l'inévitable question : "tu sais toujours pas ce que tu veux faire ?". Désespérée, je secoue la tête en signe de négation. Elle soupire à son tour et secoue sa tignasse en souriant.

         Àma droite, ma tante semble s'être remise de son fou rire, aussitôt elle enchaîne : " Dessine, ou plonge. C'est ce que t'aimes le plus faire non ?". Je sens ma mâchoire se contracter malgré moi.À croire que dessiner et plonger sont les seules choses que je sais faire.

         Pas convaincue, je marmonne un "ouais" avant de me lever pour aller me poster à côté des jumeaux. Les deux garçons sont occupés à essayer de déterrer un T-rex. Un éclair d'incompréhension traverse mon crâne. Pourquoi criaient-ils ? Puis je comprends. Une côte du dinosaure vient de faire son apparition, occasionnant de nouveaux cris. La sœur de ma mère - qui m'impressionnera toujours par ses réflexes incroyablement rapides - se retourne et dit aux deux enfants de se taire, un doigt posé contre ses lèvres.

         Aussitôt, je m'assois à leurs côtés sur le carrelage et leur propose de les aider. Ils acceptent avec de grands sourires qui font ressortir leurs taches de rousseur. Je m'empare d'un de leurs pinceaux d'archéologues, et commence à déblayer la côte de l'animal. Ils rient, et moi aussi.


         La cage thoracique du dinosaure est entièrement déblayée quand j'aperçois mon téléphone qui s'allume et vibrant de tout son soûl. Je tourne les yeux vers la grosse pendule en bois qui orne le mur du salon : il est presque dix heures et quart. Abandonnant les jumeaux dans leur tâche ô combien compliquée, je me lève et me dirige rapidement vers l'engin qui continue de s'agiter sur la commode. Quand j'arrive à sa hauteur, je distingue la photo de Charlotte - prise à son insu alors qu'elle se concentrait sur ses exercices de maths, les sourcils froncés et une moue adorable sur les lèvres.

         Mon doigt se dirige de lui-même sur le petit téléphone vert en bas de l'écran.

- Allô ?

          Je me dirige vers la porte et m'éclipse doucement hors de la salle à manger.

- Ju' ? Je te dérange pas ? Je m'ennuyais donc je me suis dit que toi peut-être aussi ?

            Je rigole doucement.

- J'étais en train de découvrir un dinosaure, bien sûr que si tu me déranges ! J'allais devenir une archéologue réputée, tu sais ?

          À son tour, elle rigole franchement.

- Oh, dommage pour toi ! Je vais quand même te garder un peu maintenant que tu es toute à moi !

- T'as raison, ça serait dommage de gâcher une chance pareille !

- Et sinon, aurais-je l'honneur de savoir avec qui tu découvrais un dinosaure ?

- Oh ! Juste mes petits cousins, c'était marrant.."

         Un silence se fait à l'autre bout.

- Charlotte ? Ça va ?

- Ouais, ouais, ça va..

          Un silence, encore. Cette fois, il est oppressant, clairement pas le bienvenu. Mon cœur se sert, en même temps que j'ai l'impression qu'il va dépasser de ma poitrine tellement il cogne fort. Une boule s'est formée dans ma gorge. J'attends la suite. Parce que je sais qu'il y aura une suite. Et je la redoute.

- C'est juste que ma famille est un peu, genre distante, tu vois ? Ils parlent pas beaucoup ou alors c'est pour savoir comment va l'entreprise de mon père. Mon frère et ma sœur y compris. Et j'ai pas de cousins avec qui déterrer un dinosaure. Donc je m'ennuie !

         Elle conclut sa tirade joyeusement, comme si tout ça n'était pas grand chose, et que s'ennuyer était une activité tout à fait passionnante. Quoi que. S'ennuyer pourrait être passionnant ; de quoi alimenter mon bac de philo. Mes pensées reviennent vers Charlotte quand je me rends compte à quel point sa situation familiale diffère de la mienne. Quand ma grand-mère éclate une énième fois de rire face aux jumeaux, une remarque de Sarah, une tête de ma mère ou une blague de mon grand-père, la sienne est probablement en train de parler du capital de la boîte dont son père est le patron.

- Ju' ? T'es là ?

- Ouais, euh, ouais, j'suis là. J'étais en train de me rendre compte à quel point nos familles sont différentes. Du côté de ma mère, en tout cas.

- Ouais.. C'est dingue.

        Encore une fois, un silence flotte, plus agréable cependant. Puis la porte du bureau s'ouvre et la tête de Sarah apparaît dans l'embrasure.

- On ouvre les cadeaux ! Tu viens ?

           D'un signe de tête, je lui réponds que j'arrive.

- Je dois y aller aussi, de toute façon. On se rappelle bientôt ?

           Je ne peux pas m'empêcher de sourire en répondant un "oui' à Charlotte. Quant à elle, elle me souhaite un bon Noël avec un sourire évident dans la voix et raccroche.

          Quand les bips réguliers retentissent, je lève les yeux vers Sarah. Elle a un petit sourire en coin et je me surprends à, encore une fois, redouter la suite de la conversation. Son expression n'augure rien de bon - pour moi en tout cas.

- Dis donc, t'a l'air de très bien t'entendre avec Charlotte.

- Ouais, c'est une amie quoi. 

- Oui, je vais faire semblant de te croire, marmonne-t-elle avant de me suivre dans le couloir sombre. 

           C'est seulement quand elle rejoint Clémence que son regard quitte ma silhouette. 

correction et mise en page 18.08

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant