Chapitre 16

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31 décembre 2017

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31 décembre 2017

         Je hoche poliment la tête en direction d'Ana, puis de Benjamin. Celui-ci ressemble beaucoup à la première, ils sont probablement frère et sœur. Jumeaux, même.

         Charlotte tire une chaise à côté d'Ana, et je m'empresse d'aller me mettre à sa gauche. Elle me sourit doucement. D'un sourire sincère, je crois. J'attends qu'Alex vienne s'asseoir près de moi, mais à ma plus grande surprise, c'est Dorian qui tire à son tour la chaise. Lui aussi me sourit.

- Ça va, tu t'adaptes bien ? me demande-t-il. 

        Encore une fois, je hoche la tête poliment. Je suis ici depuis quatre mois, déjà. Je n'ai pas vraiment le choix, de m'adapter. Je reste un moment, assise à cette table, à parler avec Dorian. Que je le veuille ou non, ce gars a de la conversation. Il ne laisse pas de blanc s'installer, il plaisante, me taquine. Et parler avec lui devient bientôt une partie de plaisir. Il est en train de se moquer une énième fois de moi quand sa main se pose sur la mienne, avec douceur. Elle est chaude. Un peu calleuse, aussi. Différente de celle de Charlotte. Je tourne ma tête vers celle-ci. Toujours en conversation avec son amie d'enfance, elle ne me remarque pas. J'ai le loisir d'observer son profil si fin. De longs cils, un petit nez, très légèrement en trompette. Pour la première fois, je remarque la minuscule cicatrice juste en dessous de sa bouche si fine. À peine voyante, elle se fond presque dans le contour de sa lèvre inférieure.

        Et je me surprends à vouloir savoir pourquoi cette cicatrice est là. Que s'est-il passé ? Je me surprend à vouloir connaître l'histoire de Charlotte, et ça me terrifie. Parce que ce n'est pas normal. C'est pas normal, d'être aussi fasciné par une personne. D'être obnubilé par ses lèvres, de vouloir connaître chaque détail de sa vie, et même avant. De vouloir être proche, tout proche, pour toute la vie. Je ferme les yeux et les cache dans mes bras. Une main vient faire pression sur mon épaule, et quelques secondes plus tard, la voix de Dorian me tire de mes pensées.

- Hey, Ju' ? Ça va ?

        Je relève la tête, et lui fais signe que oui. Je suis convaincante, cette fois. Peut-être que je vais pouvoir faire carrière dans le cinéma, finalement. Il me sourit une nouvelle fois et me propose d'aller danser. Je tourne les yeux vers la piste, la musique qui passe est de la pop, c'est parfait, pas besoin de danser un slow, où je lui écraserais les pieds à coup sûr. J'acquiesce, alors sa main attrape la mienne, il repousse sa chaise, puis me tire la mienne. Il m'emmène déjà vers la piste quand je vois du coin de l'œil Charlotte tourner un visage curieux vers nous. Son sourire tombe, mais je ne l'aperçois si furtivement que je ne sais pas si je l'ai rêvé ou pas. Bientôt la foule me submerge, et la musique m'enveloppe.

         Dorian se met à danser, ne lâchant pas ma main. Je ne lâche pas la sienne non plus. J'aurais bien trop peur de me perdre. Ou peut-être que j'ai simplement envie de sentir ses doigts courir sur les miens. Après tout, pourquoi pas ?

         Je me laisse aller. Je ne pense à rien, je ne pense plus. Je danse, juste ça. Et je m'amuse. Je crois qu'un sourire s'est redessiné sur mes lèvres. Est-il seulement parti ? Je ne sais pas. Je laisse mon corps se balancer. Automatiquement. Fluide. Je danse, je danse encore et encore. Ma main toujours jointe à celle de Dorian. La musique me transperce, encore et toujours. Je suis bien. Foutrement bien. Et puis la musique s'arrête. Ma main gauche, qui s'était élevée dans les airs, retombe lourdement contre ma hanche. Alors, j'entends les premières notes de Hotel California résonner. Un vieux tube de rock, comme ma mère les aime. Une vague de tendresse envahit mon cœur, et je me tourne vers Dorian.

         Ma main est toujours nichée dans la sienne, et de l'autre, il se gratte la nuque. Il a l'air gêné, et s'il faisait un peu moins noir, j'aurais pu jurer voir ses joues rougir. Dorian serait donc timide ? Cette hypothèse me semble inconcevable. Il se gratte la gorge, attirant mon attention.

- Donc.. tu veux toujours danser ?

        Il se mord la lèvre, signe manifeste d'inquiétude. Je crois. D'appréhension, peut-être ? Mon cerveau tourne à toute vitesse. Cette chanson est un slow. C'est probablement la vague de tendresse toujours présente dans mon organisme qui me pousse à accepter.

        Aussitôt, ses mains coulent jusqu'à ma taille et il me rapproche de lui. Nos torses se soudent l'un à l'autre quand ses bras entourent mon buste, et les miens se nouent derrière sa nuque. Puis il esquisse un pas, et un autre. Bientôt, nous tournons, au milieu de la piste, nos corps emboîtés comme des Legos. Mes cheveux voltigent dans mon dos, ses doigts sont aériens sur mon dos, presque impossibles à distinguer. Je plonge dans cette étreinte. Elle est chaleureuse, réparatrice. Elle est tout ce dont j'ai besoin.

        Ma tête se pose doucement sur l'épaule de Dorian et il me rapproche encore un peu de lui. Ses bras m'entourent avec force, malgré la douceur inchangée de ses mains sur ma chute de reins. L'étau qu'il m'offre est une véritable antithèse, un oxymore. Et je m'y perds. J'y mets tout mon soûl, tout ce que j'ai. La musique m'envahit, mon visage se niche dans son cou, et je tourne. Il tourne. Nous tournons. Nous tournons jusqu'à n'en plus pouvoir, et je suis bien.

          Peut-être que les battements de mon cœur se sont accélérés, peut-être que je respire de plus en plus vite, peut-être que mes joues chauffent. Peut-être. Je ne sais pas, je ne veux pas savoir. Je laisse tout déferler en moi, pour être sûre de ne jamais oublier ce moment. L'air caresse ma nuque dégagée par mes cheveux au vent. La musique m'étreint doucement. L'odeur de Dorian s'engouffre jusqu'au plus profond de mon être. Son toucher me survole, mais me retourne le ventre avec une force insoupçonnée.

          Alors, quand les dernières notes de guitare s'estompent, je relève la tête vers lui, transportée. Ses mains ne se détachent pas de mon dos ; ses yeux me fixent, ils sont étincelants. Ses joues semblent chauffer, puis il se penche vers moi et pose ses lèvres sur les miennes. 

publié le 10 août 

correction et mise en page 18.08

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant