30 octobre 2017
Les battements de mon cœur s'accélèrent peu à peu alors que les numéros de trains défilent sur le tableau d'arrivées. Bientôt, celui que je cherche fera sa grande entrée. TER en provenance de Marseille, arrivée prévue à 18h42. Je jette un coup d'œil à mon téléphone. 18h33. Plus que neuf minutes à attendre. Au passage, je remarque que j'ai reçu un message. Charlotte.
L'ignorant pour le moment, je reporte mes yeux vers l'entrée du tunnel illuminé par des sortes de guirlandes au plafond. À croire que c'est Noël toute l'année, ici. À côté de moi, ma mère piétine. Je crois qu'elle est pressée. Comme moi, en fait. Derrière nous, mon père. Il a daigné venir. Je crois que maman ne lui a pas trop laissé le choix, je serais même prête à parier qu'elle a utilisé l'excuse qu'elle n'aime pas conduire à Monaco, à cause des tunnels. À moins qu'elle ne l'ai simplement convaincu de venir récupérer sa fille à la gare. Au fond de moi, j'espère vraiment que c'est ça. Pour Sarah. Mais j'ai du mal à y croire.
Encore une fois, je vérifie l'heure sur mon téléphone : il est 41. Je jette un coup d'œil au tableau d'affichage ; apparemment, le train n'est pas en retard. Encore une petite minute, et je devrais pouvoir entendre le bruit caractéristique d'un train en approche.
Et soudain, il est là. Presque à toute vitesse, le train entre en gare. Il se faufile, comme un serpent, dans sa fosse. Il fait reculer les voyageurs qui attendent un proche - comme moi.
Et soudain, elle est là. À la fenêtre de son wagon. Elle ne m'a pas vue. Pas encore. Et elle ne me voit pas. Elle se tourne, et je la perds de vue. Alors, automatiquement, mon regard se reporte sur la porte qui laisse passer un flot de voyageurs qui s'éparpillent, un à un, dans la gare. Une tête brune apparaît, lunettes de soleil en équilibre dans ses longues mèches bouclées, des yeux plus rieurs que jamais, et un sourire aux lèvres. C'est ma sœur. Enfin, elle est là. Sans comprendre comment, je me retrouve dans ses bras, à la serrer le plus fort possible. Parce qu'elle m'a manqué.
Assise les pieds dans l'eau, je joue distraitement avec les mains de Sara.
- Finalement, c'est pas si mal Monaco..
- Tu trouves ?
- Ouais, ça a l'air plutôt cool comme ville.
Je regarde autour de moi. Le port est éclairé par d'innombrables lumières, émises par les lampadaires des rues bien rangées, ou par les fenêtres des immeubles encore allumées.
- Mouais, possible.
Elle rit. Son rire m'avait manqué.
- Tu viens jamais ?
- Pas souvent, nan...
Après un blanc, je rajoute :
- Alex aime pas, et moi non plus donc on n'a pas de raisons de venir.
Son visage s'étire en un sourire.
- Faudra que tu me le présentes, ton Alex.
C'est à mon tour de rire. Elle ne perd jamais le nord.
- Sarah, Alex...
- Ouais, je sais, c'est un ami, elle me coupe. Elles disent toutes ça.
Sarah, l'experte en relations humaines et amoureuses, j'ironise.
- Bah oui. Tu me parlerais pas aussi souvent de lui sinon.
Je réfléchis à toute vitesse. Si je dis que c'est parce que je passe mon temps avec lui, elle me dira que c'est une preuve de plus. Je finis par lâcher un petit rire en secouant la tête. Elle a gagné, encore une fois, elle a eu le dernier mot.
- Et avec Charlotte, tu viens jamais ?
Sa question me surprend. Je ne lui ai pas beaucoup parlé de Charlotte - enfin, je crois. J'ai commencé à lui parler d'elle après la soirée. On a échangé nos numéros, et depuis, on parle par message. Elle me fait rire. Beaucoup rire.
- Tu sais, ça fait pas très longtemps qu'on se parle, alors on a pas eu l'occasion de sortir..
Mon cœur bat à cent à l'heure, attendant de voir qu'elle me croit. De toute façon, ce n'est pas un mensonge. Pourquoi elle ne me croirait pas ? Qu'est-ce qu'elle pourrait imaginer d'autre ?
Mes pensées s'emmêlent dans ma tête. Je risque un regard vers ma sœur, j'ai l'impression que l'éternité est en train de s'écouler. On pourrait presque voir une goutte de sueur froide apparaître sur mon front.
- Oh.. Faudra aussi que tu me la présentes !
Elle me sourit. C'était parti d'une bonne intention, pourtant, elle n'a fait qu'empirer mon état.
- Comme Alex.
Elle accompagne sa phrase d'un clin d'œil, et cette fois, je souris pour de vrai.
- Si tu veux.
J'arrive pas à comprendre. J'y arrive juste pas. Pourquoi Alex et pas Charlotte ? C'est plus fort que moi. Je fais un blocage sur cette fille. Elle ne quitte plus mes pensées, mais bizarrement, je déteste parler d'elle. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
- Trop bien ! s'exclame-t-elle en se relevant.
Elle tire sur ma main restée accrochée à la sienne comme un enfant à une bouée. C'est ça. Je suis en train de me noyer et Sarah et Alex sont mes bouées. Je lui souris faiblement avant de me redresser sur mes pieds.
- Tu sais, Ju', si ça va pas, je serai toujours là. Si t'as besoin de moi, on s'appelle, on passe une soirée Netflix par téléphone, et si ça va toujours pas mieux, je prends le premier avion ou train, et je viens. T'es ma petite sœur. C'est du boulot, mine de rien. La seule chose que je veux c'est que tu sois heureuse. Je serai toujours là si tu as besoin de passer une nuit blanche à parler, ou même à rien faire. Et même si je t'aime plus, ben je t'aimerai encore. Tu sais, j'ai envie qu'on reste les meilleures amies du monde pour toujours. Parce que t'es ma meilleure amie. Celle qui sera toujours là peu importe ce qui se passe. Et moi aussi, je serai toujours là pour toi.
Je ne m'attendais pas à ça. Mon cœur se serre et je me jette dans les bras de ma sœur, de ma meilleure amie. Je sens une larme couler sur mon épaule, et, doucement, je m'écarte d'elle. Je jette un coup d'œil à mes parents. Là-bas, au bord de l'eau, mon père a passé un bras autour de la taille de ma mère, et tous les deux ont le regard fixé sur nous.
Alors, là, pour la première fois depuis des jours, je me sens bien.
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correction + mise en page le 16.08
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Avant que le Soleil ne se Couche
RomanceD'abord des regards. Des sourires ensuite. Certains diront sans doute qu'elles jouent avec le feu. Elles, se demanderont quel feu. Car celui de l'amour pourrait bien être plus près qu'elles le pensent. TW • mort, deuil {La cover a été faite par la...