Chapitre 13

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26 décembre 2017

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26 décembre 2017


           Les graviers crissent sous mes pas, seul bruit dans un silence de mort. Mort. C'est le cas de le dire. Une boule se forme dans mon estomac. Ces derniers temps, j'ai l'impression que c'est la seule chose que mon corps sait faire. Des boules au creux de mon ventre.

           J'ai peur. Peur de me rendre compte que c'est bien réel. Que c'est vraiment fini pour lui. Pour nous.

           J'ai peur que ça recommence, comme les semaines passées après l'annonce. Une forme d'enfer, à coup sûr.

          J'ai peur de la force qui pourrait me quitter. Encore.

         Mais, malgré toutes ces peurs, j'avance. Je continue d'avancer. Parce que j'en ai besoin autant que j'en suis effrayée. Je le sais. Sans ça, jamais je n'aurais la force de continuer, de passer à autre chose.

          Il faut bien rendre ça réel. Et pour moi, être ici en est le seul moyen. Alors, je continue de marcher, de faire crisser le gravier sous mes pas. Je tourne, scrute les allées. À la recherche de ce nom. Son nom. Les dalles défilent sous mes yeux. Et son nom ne vient pas, m'empêchant de rendre ça réel, une bonne fois pour toute.

           Je m'arrête. Ce n'est pas son nom. Mais de ce nom-là, j'en ai tout autant besoin. Grany. Les moments passés avec elle me reviennent en mémoire. Nos longues après-midis dans son salon, à parler de son enfance, de sa jeunesse, de sa vie.

          Elle aussi, elle en a connu des peines de cœur. Elle me les a racontées. Alors, les yeux fixés sur son nom gravé dans la pierre tombale, je respire, je récupère toute la force dont j'ai besoin. Elle saura me la donner. Elle l'a toujours fait. Quand je baisse les yeux, mon regard rencontre le bouquet imposant que je tiens à la main. Des roses, d'un violet bleuté. Il les aurait aimées, j'en suis certaine. Fermant les yeux, je remercie silencieusement Grany. Parce qu'elle m'aide. Beaucoup. Elle le saura, qu'elle m'est essentielle. Je le sens, comme on sent un orage approcher.

           Un dernier coup d'œil, et mes pas me ré-entraînent dans les allées monotones. De nouveau, j'examine les pierres à la recherche de son nom. Thomas Lombard. Alors, sans que j'ai à réfléchir, mes pieds m'emmènent vers le fond d'un chemin, où je suis déjà passée. Et il est là. Souriant de toutes ses dents sur une photo encadrée.

           Indéniablement, mon cœur se serre. Retenu dans un étau qui l'empêcherait presque de battre. Une boule se forme dans ma gorge, tellement présente que déglutir me fait mal. Et des larmes me montent aux yeux. C'est réel. C'est terminé.

          L'inscription se révèle à travers mes larmes. Deux dates, une vie. Une vie de plus écourtée. Celle qui ne fallait pas m'enlever.

           Pour être à sa hauteur, peut-être, je m'accroupis. Mes yeux tombent encore une fois sur les fleurs que je tiens à la main. Je déglutis avec difficulté. Mon bras se dirige de lui-même sur le granit tacheté de blanc, comme des éclaboussures de paix, et y dépose le bouquet, éclaboussures de vie. Je reste là, à fixer les couleurs qui s'entremêlent, créant une jolie touche de couleur au milieu du gris du cimetière.

           Les larmes obstruent toujours mon regard, et je sais qu'elles ne se tariront probablement pas aujourd'hui. Alors, je me souviens.

          Comme tous les jours depuis ce jour, je me souviens. Je ne veux pas oublier, je ne le pourrai pas.

           Je m'assois, à côté de lui, et je ferme les yeux. Je laisse le soleil courir sur ma peau, et son rire retentit dans ma tête. Et puis un autre. Puis le mien, parce que je l'avais battu à la Wii. Sa mine boudeuse. Son air de défi, me suggérant une autre partie. Pour qu'il puisse gagner. Son rire, de nouveau, quand il s'est rendu compte que j'étais la meilleure, imbattable.

          Alors, son air blasé. Le sourire, qui avait pris une place phénoménale sur mes joues. Ce moment, où, pour me faire oublier ma victoire, il m'avait écrasée contre le canapé. Il m'avait enveloppée dans ses bras et serrée tellement fort que j'avais senti mes poumons sur le point d'exploser. Mais ce sourire, qui ne partait pas. Pourrait-il seulement partir un jour ? À ce moment, plus rien ne me semblait aller mal. J'étais invincible quand j'étais à ses côtés. Alors, aussi délicatement qu'un papillon, ses lèvres s'étaient déposées sur les miennes. Les autres papillons, ceux de mon ventre, s'étaient envolés par milliers. J'étais heureuse. Thomas, moi, et le bonheur. Le cocktail parfait.

           Cet après-midi là, on s'était endormis sur le canapé. C'est sa mère qui était venue nous réveiller, pour le dîner. On avait rigolé, encore et encore. On s'était fait charrier, aussi. Beaucoup. La situation amusait bien ses parents et son frère.

          Cette nuit-là, je m'étais endormie encore une fois dans ses bras.

          Mes yeux s'ouvrent, doucement, comme ce matin-là, ou il était encore avec moi, pour de vrai. Les larmes dévalent mes joues. Tout ça est bien fini. Quelque part, une église sonne. Je n'écoute pas. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. Peut-être une heure, peut-être 10 minutes. Quoiqu'il en soit, je sais que ma mère m'attendra, là-bas, dans sa voiture garée devant le portail en fer forgé - sûrementla pièce la plus glauque de ce cimetière. Elle est probablement en train d'écouter un vieux tube de rock des années 70. Who'll Stop the Rain, peut-être. Ce serait parfaitement assorti à mon humeur. Et c'est elle qui arrêtera ces larmes qui dévalent toujours mes joues.

           S'il le faut, elle m'attendra toute la nuit. Elle viendra sûrement, au bout d'un moment. Pour s'assurer que je suis toujours en vie, moi. Elle me prendra dans ses bras, elle me protégera du monde. Parce c'est elle qui me protège, à chaque fois, et qui me protégera toujours. Alors, essuyant mes larmes d'un revers de la main, je me relève, je m'éloigne. Et je sais, que, dans quelques instants, mes pleurs reviendront tremper son t-shirt.

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publié le 11.07

correction et mise en page le 18.08

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant