Chapitre 14

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31 décembre 2017

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31 décembre 2017

          La télé joue des musiques aléatoires alors que je sens mes cheveux se tordre sous les mains - presque - expertes de Charlotte. Elle a insisté pour que je vienne à la soirée, que je pose mes pieds à Monaco, et qu'elle me prépare personnellement. On va bien s'amuser, il paraît. Je jette un coup d'œil dans le miroir. Après avoir défait ses chignons au moins cinq fois maintenant, elle s'essaye à une tresse, qu'elle me promet d'enrouler après, voulant me faire un chignon désespérément. Son engouement est tel qu'Adélaïde, allongée sur le lit de notre hôte, ne fait que se moquer d'elle depuis dix bonnes minutes.

         Après encore une demi-douzaine de tentatives, Charlotte abandonne, prétextant avoir mal aux mains, à force de me tourner les cheveux dans tous les sens. Un rire moqueur s'échappe de ma bouche, et je rassemble ma tignasse dans un chignon plus que douteux, sous l'œil indigné de la jeune fille qui me sert d'amie.

- On arrangera ça plus tard, je lui assure, amusée par son comportement digne d'un enfant de cinq ans.

         Elle finit par hausser les épaules, puis se détourne, marchant nonchalamment en direction de sa penderie. Les portes ne lui résistent pas bien longtemps. Elle se met à fouiller, et, petit à petit, les vêtements commencent à s'entasser sur le lit, causant des grognements mécontents de la part d'Adélaïde, qui voit son espace de relaxation se rétrécir inexorablement.

         Au bout d'encore une dizaine de minutes, la blonde relève la tête dans notre direction, tenant contre elle un pantalon noir à pinces, et un top blanc, nous interrogeant du regard. Adélaïde soupire.

- Je suppose qu'on a le droit de rien dire ?

         La tête de Charlotte dodeline et elle laisse échapper un petit rire qui semble signifier « que tu es naïve ! ».

- Non !

         Elle sourit et pose ses trouvailles sur une chaise à l'écart et entreprend de tout ranger. Puis elle s'arrête.

- J'en ai marre.

          Soufflant comme si elle venait de courir un marathon, elle se dirige les poings sur les hanches vers son lit, ou elle s'assoit, manquant d'écraser le bras d'Adélaïde. Cette dernière grogne, mais pas rancunière pour deux sous, se tourne bientôt vers sa meilleure amie, l'interrogeant du regard, comme de sa bouche débordante de chips. Une phrase incompréhensible sort de sa gorge, et Charlotte affiche des yeux écarquillés. La stupeur est telle sur son visage que j'éclate de rire, bientôt rejointe par Adélaïde. Une expression mi-furieuse, mi-amusée peinte sur le visage, elle empoigne un coussin et frappe Adélaïde avec, ayant pour effet immédiat de nous faire redoubler de rire.

         Toujours avec une moue exaspérée sur le visage, elle se lève, et attrape une bouteille d'Ice Tea qui traînait sur son bureau non loin. Ignorant sa meilleure amie qui rit tellement que ses yeux débordent de larmes, elle me fixe, et coince la paille entre ses lèvres, aspirant quelques gorgées, un air provocateur sur le visage. Mes yeux se posent sur ses lèvres, et je sens une bulle se refermer autour de nous deux, laissant Adélaïde seule avec son bol de chips. Une goutte perle au coin de la lèvre de Charlotte et je lutte de toutes mes forces pour résister à l'envie de me lever et d'aller l'essuyer. Elle finit par retirer la paille, passe sa langue sur ses lèvres et les roulant l'une contre l'autre dans un ballet improbable. Finalement, elles s'étirent en un sourire satisfait et disparaissent de ma vue, remplacées par une masse de cheveux dorés.

        Puis je me rends compte. Je l'ai fixée. J'ai fixé ses lèvres, avec une certaine envie qui plus est. Je sens mes joues chauffer, et enfouis ma tête dans un coussin du fauteuil dans lequel je suis assise. À ma gauche, j'entends Adélaïde continuer à enfourner ses chips. Puis, un bruit de tissu, qui atterrit sur le sol. Le zip d'une fermeture éclaire qu'on défait, et je comprends. Charlotte, à une dizaine de pas de moi, est en train de se changer. Mon visage reprend instantanément les couleurs qu'il avait perdues. Une deuxième fois en moins d'une demi-heure, je lutte contre moi-même, je ne dois pas lever les yeux. À quel risque ? Je ne sais pas. Sûrement celui de ne pas pouvoir détacher mes yeux du corps de Charlotte, probablement en train de se tortiller sous mon nez dans le but de faire descendre sa jupe le long de ses cuisses.

          Le rouge de mes joues redouble et je ferme les yeux le plus fort que je peux, comme quand j'étais petite et que je jouais à cache-cache avec Sarah. Sauf que là, ce n'est pas de ma sœur que je me cache. C'est de moi-même, de moi-même et de mes réactions disproportionnées. Incompréhensibles. Le bruit d'un vêtement qu'on enfile m'indique qu'elle met son pantalon. Encore une fois, elle est sûrement en train de se tortiller, penchée en avant, offrant tout le loisir à qui le veut de l'observer. Mais je garde mes yeux fermés. Je ne vois rien. Je ne dois pas voir. Le même bruit reconnaissable se fait entendre encore une fois, et les secondes me paraissent durer une éternité.

          C'est quand j'entends finalement le petit "et voilà !" légèrement soupiré que je m'autorise à ouvrir les yeux. Charlotte se tient devant moi, habillée, un sourire ornant ses lèvres.

- Tout va bien ?

          Son ton est bienveillant, rassurant. Je hoche la tête en guise de oui, et me lève.

- À mon tour ! je lance de façon bien sonore.

         Je fouille dans mon sac et en sort ma tenue pour la soirée. Je vois Adélaïde écarquiller les yeux. Mon choix n'est pas vraiment osé, ma combinaison noire n'expose qu'un léger décolleté.

- J'adore tellement ! dit-elle dans un souffle.

         Ne sachant pas comment réagir face à l'approbation de la Grande Dame de la Mode, je souris doucement, puis me tourne vers Charlottte.

- Je pourrais me changer où ?

         Sa bouche s'ouvre en une expression d'étonnement qui ne dure qu'une demi-seconde, puis elle me sourit :

- Suis-moi !

        Elle attrape ma main, déclenchant un picotement dans mon bras, et m'entraîne hors de sa chambre. Derrière nous, j'entends vaguement Adélaïde crier :

- Pas de bêtises, les filles !

         Je souris face à sa phrase, et me reconcentre sur la main qui me tire. Elle est douce et chaude, en parfait contraste avec la voix de mon amie. Elle m'entraîne au bout du couloir et ouvre la porte d'une salle de bain, m'indiquant de la rejoindre dans sa chambre avec Adélaïde quand j'ai fini.

        Quand je ressors, une quinzaine de minutes plus tard, les deux filles m'attendent, maquillées et coiffées, des sourires d'excitation scotchés sur leurs lèvres, et d'un coup, je sais que la soirée sera l'une des meilleures de l'année.

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publié le 19.07

correction et mise en page 18.08

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant