29 janvier 2018
Le retour au lycée est maussade, triste. Le soleil est au rendez-vous, mais ce serait mentir que de prétendre qu'il illumine ma journée. Tout parait fade. Les chewing-gums collés dans le bus sont tout d'un coup beaucoup plus voyants, la route beaucoup plus longue et bétonnée, les gens plus fermés, les costumes et tailleurs plus sévères, la mer bien moins présente à l'horizon. Et si ça ne faisait pas déjà presque deux semaines que le monde était devenu si terne, je ne m'inquiéterais pas. J'essaye de voir le rose, le blanc éclatant, le bleu de la mer, ou même celui de la nuit. Mais ils ne m'apparaissent pas. C'est comme si on avait cliqué sur le filtre Noir&Blanc de ma rétine. Ou appuyé sur l'interrupteur des couleurs de la planète. Recouvert d'un voile gris le monde. C'est comme si cette joie colorée, vivante, n'existait plus. Comme s'il n'en restait rien.
J'ai beau dire ce que je veux, je ne peux pas me mentir à moi-même. Je ne peux pas prétendre que toute cette histoire avec Charlotte, toutes ces découvertes, bien qu'implicites, ne me font rien. Je ne peux pas me convaincre moi-même d'une telle connerie. Et si je n'arrive pas à me tromper toute seule, Alex n'est pas dupe non plus. Il le voit bien, que ça ne va pas. Alors, il essaye de me remonter le moral. Il me convainc d'aller manger en ville, de faire une soirée film d'horreur agrémentée de pop-corn. Et le pire, c'est qu'il arrive à me changer les idées, l'espace du temps passé à deux. Mais ça ne dure pas. Aussitôt le panini avalé, le film terminé, tout revient au galop, et même les calculs de masse impossibles et les papotages dans le noir n'y changent rien.
Et je réalise que j'attendais bien plus d'elle. J'attendais bien plus que des regards incessants, bien plus que des câlins au petit matin, bien plus que des danses main dans la main. J'attendais des mots. Des mots que ni elle, ni moi n'avons su mettre. Sur notre relation. Sur ce lien si fort, inédit. Des phrases qui n'ont pas été prononcées, des actes manqués. À la place, les non-dits se sont installés. Et ça fait mal. Parce qu'on ne s'est pas confiées, non, on a préféré laisser couler, rester sur nos impressions. Sur ce qu'on croyait être. Est-ce que nos vérités se sont croisées ? Je ne sais pas. Et je ne le saurai sans doute jamais.
Mais ça ne m'empêche pas de prendre ce bus gris ce matin. D'accueillir Dorian à côté de moi. De le laisser reprendre ses "princesses". De le laisser faire comme si ce baiser n'était pas arrivé. Il essaye de recoller les pots cassés. Il a oublié de prendre en compte que même la glu ne colle pas tout sur tout. Que tous les pots ne peuvent pas être réparés. Et surtout que ce n'est pas notre relation que je veux voir à nouveau apparaître. Pas celle-là. Pas Dorian.
Lassée avant même les avoir écoutés des flots de paroles qui sortent de sa bouche, je re-concentre mon regard vers la mer. Elle n'a pas gagné de couleurs, ni le ciel, ni la ville, ils restent gris, sous le poids de l'hiver méditerranéen. Pas le pire pourtant. Mais le pire depuis longtemps. Je ferme les yeux et laisse ma nuque s'échouer contre l'appuie-tête.
J'essaye de tout faire partir, et quelques secondes plus tard, une vague énorme déferle dans mes pensées, causant un raz-de-marée délivrant.
— Juliette ? Tu m'écoutes ?
La voix de Dorian me ramène une énième fois à la réalité, réduisant à néant tous les efforts que j'avais pu faire pour ne plus penser à rien.
— Non, réponds-je de but en blanc.
Sa tête se tourne si vite vers moi qu'il me donne le tournis. Ses yeux sont froncés, pas certain d'avoir bien entendu.
— Tu m'écoutais pas ?
Sa voix est inhabituelle, il semble blessé, et je me prends à regretter d'avoir été si sèche avec lui.
— Désolée.
Il hoche la tête et tourne à son tour son visage vers la fenêtre, évitant mon regard. Je reste là, mon sac de cours posé sur mes genoux, à regarder les falaises défiler. Je ne dis plus rien, ne bouge plus, consciente d'avoir touché l'ego de Dorian, et je m'en veux. Parce qu'il est peut-être comme moi, au fond. Blessé. Triste. Peut-être qu'il le cache, comme j'essaie de le cacher. Qu'il y arrive mieux que moi. Bien mieux que moi.
Doucement, en essayant de faire le moins de bruit possible, de ne pas bouger, de ne pas déranger, je sors mes écouteurs et mon téléphone de mon sac. Je m'enferme dans ma bulle de musique, laisse mes pensées s'enfuir encore une fois. Et je finis par laisser mon bras frôler le sien, en espérant qu'il aille bien. Vraiment bien. Il tourne la tête, me regarde à nouveau. Et le léger sourire qui se dessine sur ses lèvres, comme un remerciement, me fait chaud au cœur. Il me rassure, me dit que tout ne va peut-être pas si mal que ça. Pour lui, en tout cas.
Je me détourne une nouvelle fois, comme soulagée. Le soleil commence à percer les nuages, la mer à s'éclaircir. Les gens commencent à sourire, à parler. La perspective de la journée me parait plus supportable.
Le bus arrive presque à destination, quand je sens mon téléphone vibrer dans ma main. C'est probablement Alex pour me dire qu'il a raté le bus. Je reste encore un peu, assise sans regarder, mais un pressentiment — que je ne saurais décrire comme bon ou mauvais — me force à regarder. Contre toute attente, ce n'est pas un message d'Alex, Sarah, ou de ma mère qui apparaît sur l'écran, mais de Charlotte. "Je suis désolée".
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publié le 07.10
On dirait bien que la note d'auteur s'impose, aujourd'hui ! J'aimerais d'abord m'excuser pour ce (gros) retard de publication, et vous en apporter la raison : une nouvelle histoire s'apprête à voir le jour ! Si vous aimez Harry Potter, vous serez servis : c'est une fanfiction, issue du Plot Shop de LadyIscia que je ne pouvais tout simplement pas laisser passer. Pour d'autres détails, il faudra attendre la publication de l'histoire !
J'essaierai de garder un rythme de publication à peu près régulier, mais je ne peux rien promettre, pour le moment en tout cas. C'est tout pour la NDA ! Merci de suivre cette histoire, toujours plus nombreux chaque jour, vos commentaires et votes me font plaisir plus que tout ❤
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Avant que le Soleil ne se Couche
RomanceD'abord des regards. Des sourires ensuite. Certains diront sans doute qu'elles jouent avec le feu. Elles, se demanderont quel feu. Car celui de l'amour pourrait bien être plus près qu'elles le pensent. TW • mort, deuil {La cover a été faite par la...