Chapitre 30

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02 mars 2018

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02 mars 2018

         Le claquement des portes, et d'un coup l'atmosphère étouffante du parking disparaît, remplacée par la chaleur étouffante du centre commercial. Des cris d'enfants, de leurs parents au bout du rouleau, des rires d'autres, des alarmes antivols. Les sons me submergent et je me raccroche au bras de Sarah. La foule est dense, bien plus dense qu'elle ne devrait l'être. Des odeurs montent des stands de nourriture, des lumières clignotent ici et là. Les vacances apportent de la vie. Je porte mon attention sur Alex, qui se faufile à travers la foule à la manière de Moïse. Ce n'est pas pour lui qu'on est là, et il est déjà plus motivé que moi. Je le suis, tentant de garder son rythme, me raccrochant toujours au bras de ma sœur qui joue des coudes pour éloigner la marée humaine d'elle. Plus rapidement que je ne l'aurais cru, il nous embarque dans un premier magasin. À peine a-t-il posé un pied à l'intérieur de la boutique qu'il se retourne pour me faire face, les poings sur les hanches.

— Je m'y connais pas donc je vais vous laisser gérer. Par contre, c'est moi qui valide.

         J'aperçois une légère grimace se dessiner sur le visage de Sarah, qu'elle efface bien vite, trop occupée à m'ébaucher une tenue parfaite.

— Quel macho ! Alors, une robe de préférence. Du blanc, ça pourrait être bien. Celle-là, par exemple !

         Elle porte à bout de bras une longue robe blanche au décolleté plongeant. Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle s'est déjà éloignée en direction d'un autre rayon, me laissant seule et avec un Alex complètement perdu.

— Rappelle-moi, pourquoi je suis là ?

         Je hausse les épaules en signe d'ignorance. Il détourne les yeux et son regard se pose derrière moi.

— Va rejoindre ta sœur, je vous attends aux cabines.

         Son visage affiche une expression plus que bienveillante, et il presse gentiment mon bras avant de tourner les talons. Suivant son conseil, je me dirige vers ma sœur, qui fouille avec frénésie les rayons de vêtements. En m'entendant approcher, elle lève la tête et ses lèvres s'étirent en un sourire.

— Alors, comment tu te sens ?

         Je me laisse tomber lourdement sur un tabouret qui traînait par là et soupire bruyamment. Une boule s'est logée dans mon ventre et depuis ce matin, rien ne la fait partir.

— Nerveuse.

         Elle hoche la tête sans se départir de son sourire.

— C'est normal. T'es amoureuse.

         Mon cœur s'arrête l'espace d'une seconde et je secoue la tête en signe de négation. Non. Je ne suis pas amoureuse. Sarah s'arrête de chercher et se tourne complètement vers moi, les sourcils froncés.

— Comment ça ?

         Je secoue la tête avant de reprendre la parole.

— Tu sais, j'ai pas mal réfléchi. Pour savoir ce qui se passe avec Charlotte. Et je sais toujours pas. Mais je suis pas amoureuse. J'ai pas l'impression que je la suivrais au bout du monde. J'ai pas l'impression qu'on était faites l'une pour l'autre, ou que j'existe seulement pour être avec elle. Et tout ça, je le ressentais, avant.

         Elle s'approche de moi et pose sa main sur ma cuisse.

— Tu sais, c'est pas parce que ce n'est pas le même amour que tu ne l'aimes pas. Tu peux aimer plusieurs personnes différemment. C'est toujours le même sentiment. Il s'exprime juste pas dans la même façon.

— Tu comprends pas. Je l'aime, Charlotte. Je souris juste en pensant à elle, mon cœur explose quand je la vois, je pourrais passer des heures et des heures dans ses bras, elle me manque chaque seconde quand elle est pas là, son parfum est la meilleure odeur du monde, je voudrais qu'elle soit heureuse, qu'elle sourie tout le temps même si ce n'est pas à moi. Je l'aime, mais il manque un truc que je peux pas remplacer. Que je peux pas inventer non plus.

         Elle hoche la tête.

— Alors ne la fait pas tomber amoureuse de toi.

         À mon tour, j'acquiesce, une boule coincée dans la gorge m'empêche de dire un mot de plus.

         Le visage un peu plus fermé que quelques minutes avant, Sarah reprend ses fouilles dans les vêtements. Une pile de tissus clairs se forme peu à peu sur son bras, et une vingtaine de minutes plus tard, elle m'annonce enfin qu'elle a fini.

         L'essayage est long. Très long. Je fais des allers-retours entre la cabine et le couloir une vingtaine de fois, tourne sur moi-même tout autant, hésite, entends les « parfait ! » de Sarah et les « dégueu » d'Alex, assiste à leurs disputes enfantines, désespère.

         J'enfile une énième tenue et sort de la cabine, prête à repartir me changer.

— Je commençais à croire que le blanc n'irait jamais, ou que ta sœur a très mauvais goût, mais là, je valide complètement.

         J'aperçois Sarah qui fronce les sourcils et donne une petite tape sur le bras d'Alex, comme une menace muette. Ils s'entendent bien, et m'en rendre compte étire mes lèvres en un sourire incontrôlé. Eux deux sourient aussi, et Alex me fait signe de tourner sur moi-même. Je m'exécute, et quand mon regard retombe sur lui, il hoche la tête d'un air approbateur.

— Ouais. Une combi', c'était ce qu'il te fallait.

         Je me tourne vers le miroir et scrute mon reflet. J'ai des allures de femme d'affaires. Pas sûr que ce soit une bonne idée.

— Allez. Arrête d'hésiter, tu vas quand même pas mettre une robe ? C'est tellement pas ton genre.

         Sarah ouvre de grands yeux choqués derrière Alex et je m'esclaffe face à sa réaction.

— Ouais, c'est parfait, je marmonne.

         Mieux vaut éviter de blesser Sarah, Alex a raison, je n'aurais pas mis de robe. Celui-ci m'adresse un clin d'œil avant de me lancer :

— On t'attend à la caisse !

         En refermant le rideau, j'entends vaguement Sarah protester.

— Mais il reste des robes !

         Puis plus rien. Quand je ressors de la cabine quelques minutes plus tard, ils ne sont plus là, et c'est une Sarah boudeuse et un Alex satisfait que je retrouve aux caisses. La fin de notre virée shopping passe rapidement. Oui, j'ai des chaussures pour mettre avec. Non, je n'ai pas besoin de veste. Non, je n'aurais pas froid. Non, surtout pas de bijoux. Oui, je suis sûre. Oui, on peut rentrer.

         18h45. Non, je ne suis pas prête.   

publié le 04.01 (bonne année !)

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant