22 novembre 2017
- J'y arrive pas, ça m'saoule !
Dorian repousse violemment son classeur avant de souffler et de s'allonger dans le sable.
- J'aurais jamais du prendre ES putain !
Je jette un coup d'œil à son cours de SES. Tout ça est du chinois pour moi. Charlotte rigole, et s'approche de lui.
- Montre-moi ça.
Pendant qu'elle prend le contrôle de la situation, je me tourne vers Alex. Lui est penché sur son cahier, un air concentré placardé sur le visage. Il n'a pas l'air le moins du monde dérangé par les grognements incessants du brun à ma droite, ou des chantonnements d'Adélaïde. Parfois, je l'admire vraiment. Une énième fois, je baisse les yeux vers les schémas qui parcourent mon cours et essaye de les mémoriser pour de bon. Je sens une ombre passer sur moi, et les pieds manucurés de Charlotte rentrent dans mon champ de vision. Une énième fois, je relève la tête de mon cahier.
Elle me fixe en souriant, et attrape ses affaires à quelques mètres de là pour les rapprocher. Elle s'allonge à mes côtés, prenant bien soin de laisser sa cuisse traîner sur la mienne.
Mon regard se pose sur elle, lui demandant silencieusement qui lui a donné l'autorisation de se poser comme ça. Elle m'ignore royalement, feignant d'être concentrée sur ses exercices de mathématiques. Quand je retourne la tête, c'est Alex qui me fixe, un sourire en coin. Je sais ce qu'il pense. Il s'est rentré dans le crâne que Charlotte et moi, on est un vrai petit couple. Ce n'est pas le cas. Surement pas.
Un raclement de gorge me fait à nouveau tourner la tête. C'est au tour de Dorian de regarder Charlotte avec ses yeux grands ouverts. Cette fois, elle ne l'ignore pas, mais fronce les sourcils en le dévisageant. Elle ne comprend pas, et moi non plus.
- Qu'est-ce que t'as ?
Sa voix est pleine de curiosité, elle ne joue pas.
- Je vous dérange pas trop ?
Dorian pose un instant ses yeux sur moi avant de retourner vers Charlotte, bientôt, ils ne font que des allers-retours entre nous deux. Les sourcils de Charlotte se froncent encore un peu plus, alors que je comprends soudainement.
- Y'a un problème ?
Elle, ne comprend pas, par contre. Elle ne comprend pas qu'aux yeux de Dorian, je suis sa princesse, que je suis sa future femme et tout le tralala.
D'un ton léger, j'assure que non, il n'y a absolument aucun problème, avant d'empoigner mon stylo et de dessiner un grand trait sur le visage et le cou de Charlotte, l'air de rien.
Elle tourne la tête vers moi, un air exagérément offusqué plaqué sur la figure avant d'à son tour prendre un de ses fluos et me décorer la joue d'une traînée rose. Son rire éclate dans la douceur de l'après-midi. Hypnotisée, je fixe ses yeux. Ce sont eux qui sourient. Pas sa bouche, ou ses lèvres. Pas ses joues, non, mais bien ses yeux, indécemment remplis de malice. Ses yeux sont heureux.
- T'es sûre de toi, là ?
Mes sourcils se lèvent d'eux-mêmes alors que je lui pose cette question. Aussi indécemment que son regard, mon cœur danse le samba. Parce que si elle répond non, ça ne serait pas juste un non, comme ça. Parce qu'un non, dans ce cas là, arrêterait tout. Et parce qu'un oui nous donnerait le droit de continuer sur cette lancée, encore et toujours. Jusqu'à la fin des temps, peut-être, ou peut-être pas. Peut-être seulement pour quelques temps, quelques jours, quelques semaines, quelques mois. Parce que quelques mois, à l'échelle d'une vie, c'est pas si petit que ça. Alors, bien réfléchi, même si ce n'est que quelques temps, un oui serait un cadeau merveilleux. Peut-être pas le plus beau du monde, sûrement pas même, mais ça s'en rapprocherait.
Un rictus s'affiche sur son visage alors que sa bouche articule "bien sûr". Visiblement, la réponse tait évidente pour elle. Pas pour moi. Mon cœur soupire de soulagement, avant que ma main ne récupère mon stylo emprunté par Alex entre temps et s'élance vers le front de Charlotte, traçant un long trait bleu sur celui ci. Aussitôt mes jambes s'articulent et bientôt, je cours sur la plage. Un rire incontrôlable fleurit sur mes lèvres. Charlotte est lancée à ma poursuite, son fluo rose pointé vers mon dos, mes pieds s'enfoncent dans le sable, ralentissant considérablement ma course, le vent marin fouette mon visage avec une douceur insoupçonnée, et je ris. Je ris et je cours à en perdre haleine. Les passants se retournent sur mon passage, sur ma course effrénée, mais je m'en fous. Derrière moi, Charlotte ne faiblit pas, pas question de m'arrêter.
Quand finalement je m'arrête, je me rends compte que je me suis bien éloignée du groupe, bien qu'ils soient toujours à portée de vue. Charlotte arrive derrière moi, tout essoufflée. Tellement essoufflée qu'elle ne trouve la force que de me faire un minuscule point rose sur le menton.
- T'es une folle. Rappelle-moi de jamais faire de sport avec toi.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire à ses propos.
- J'y manquerais pas.
Ses yeux se ferment lourdement alors qu'elle prend appui sur ses genoux, essayant de retrouver un semblant de souffle.
- Je tiens plus debout, t'abuses, vraiment.
Cette fois, je ris franchement, puis passe un bras autour de sa taille et commence à marcher vers le groupe. Elle s'appuie lourdement contre moi - trop lourdement pour que ce ne soit pas fait exprès, en réalité - et de plus en plus, elle est trop lourde pour moi. Alors, je m'écroule dans le sable, elle sur moi, un éclat de rire sortant de ma bouche, un autre de la sienne. Pour elle, c'est un prétexte de plus pour me taquiner :
- T'as vu ? Je te l'avais dit, t'abuses !
Un autre sourire fleurit sur ses lèvres, alors que je secoue la tête en souriant. Elle n'en manque pas une.
- J'vais marcher, ça va.
Ses lèvres se retroussent en un semblant de sourire, alors que je me relève, époussette mes jambes - sans oublier de l'asperger de sable - et reprend ma marche vers le groupe.
Quand on arrive, je me rends compte que trois paires d'yeux nous épient depuis un bon moment. L'une est amusée, l'autre furieuse, et la dernière arbore une expression indéchiffrable. Alex, Dorian, et Adélaïde, qui a même pris le temps de retirer ses écouteurs. Mon sourire fane un peu, alors que je reprends ma place aux cotés d'Alex. Lui, me lance un sourire en coin, auquel je réponds, puis replonge dans ses cours en me murmurant un "tiens, tu protestes plus ?". Je l'ignore et redirige les yeux vers mes schémas, toujours aussi mémorisables. Avant de me replonger pour de bon dans mes devoirs, j'ai néanmoins le temps de sentir la jambe de Charlotte qui revient se coller à la mienne.
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publié le 23.05.2018
correction et mise en page 17.08
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Avant que le Soleil ne se Couche
RomanceD'abord des regards. Des sourires ensuite. Certains diront sans doute qu'elles jouent avec le feu. Elles, se demanderont quel feu. Car celui de l'amour pourrait bien être plus près qu'elles le pensent. TW • mort, deuil {La cover a été faite par la...