Chapitre 32

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  03 mars 2018

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  03 mars 2018

           Les portes du bus se referment derrière moi et je pousse un soupir de soulagement. Faire le trajet depuis chez moi jusque chez Charlotte relève du parcours du combattant. Décidant de ne pas perdre une minute — je n'ai pas fait le trajet pour rien — je fais volte-face et commence à gravir avec détermination les quelques mètres qui me séparent du vieux portail en fer. Les yeux vissés sur mes pieds, c'est seulement quand j'entends mon prénom que je remarque la présence de Charlotte qui descends vers moi. Son pas est léger et je m'arrête, attendant qu'elle arrive à ma hauteur.


          En quelques pas, elle est devant moi. Elle me sourit, attrape ma main et se hisse sur la pointe des pieds pour m'embrasser. Son baiser est appuyé, et je réponds avec tout autant de force. Je souris contre ses lèvres et elle se sépare de moi quelques secondes plus tard, les joues rouges et les yeux brillants. Puis je réalise. Elle m'a embrassé, en pleine rue. Elle n'a pas effleuré ma bouche avec la sienne ou serré dans ses bras. Non, elle m'a embrassé, presque passionnément, là, au beau milieu de la route où tout le monde pourrait passer. Où des gens qui la connaissent pourraient passer. Cette constatation fait naître en moi une boule de chaleur et je glisse mon bras autour de sa taille, alors qu'elle m'entraîne vers l'allée bordée de cyprès.

          Le trajet n'est pas long — est-il seulement quelque chose qui semble long, quand on est aux côtés de Charlotte ? — et nous arrivons vite devant la porte d'entrée. Un arbre déjà en fleurs part de sa droite pour monter en arche au-dessus de nos têtes. Charlotte précise en me voyant froncer les sourcils devant les bourgeons éclos :

— Un amandier.

         Sa remarque me fait plisser les yeux de plus belle :

— Tu t'y connais en jardinage ?

          Elle hausse les épaules.

— Ma nourrice a fleuri tout ce jardin avec mon frère, ma sœur et moi. Depuis, on continue de s'en occuper.

          Cette femme a mille cordes à son arc. Je hoche la tête et la suis à dans la bâtisse. L'intérieur est comme dans mes souvenirs. Des moulures ornent les murs et les plafonds, et les meubles semblent sortis d'un livre du XVIIe siècle. Charlotte m'entraîne vers un escalier aux marches aussi cirées que le plancher, et une dizaine de secondes plus tard, nous sommes dans sa chambre.

          Paresseusement, je m'allonge sur son lit et elle vient se nicher contre moi. Au bout de quelques instants, elle pouffe avant de se retourner pour me faire face et d'attraper ma main pour la placer sur juste au-dessus de ses seins.

— Tu sens comme il bat ?

          Je hoche la tête. Le mien aussi tape dans ma poitrine à une vitesse effrénée. Il va trop vite même, me faisant frôler la tachycardie. Mais ce n'est pas grave. Parce que c'est Charlotte. Parce que c'est pour elle.

          Près de deux heures plus tard, je me fraie un chemin entre les deux lourds rideaux de velours pourpres qui encadrent la fenêtre et m'accoude à la balustrade. Un sourire orne mes lèvres. Malgré la température avoisinant les dix degrés, Charlotte a tenu a laissé la fenêtre ouverte, pendant quelques minutes au moins. Pour moi. Parce qu'elle sait que j'aime bien ça.

          Elle prend soin de moi à sa manière. Et le constater me remplit d'une joie immense. Depuis deux jours, mon cœur semble monté sur ressorts dans ma poitrine et mes joues étirées en un sourire éternel. Je vis sur un nuage. Rien ne peut entacher ma bonne humeur.

          Le bruit de pas derrière moi me fait me retourner et Charlotte apparaît dans mon champ de vision. Comme à chaque fois que je la vois, mon cerveau se déconnecte de la réalité. Elle est belle. Incroyablement belle. Elle est formidable.

— Tout va bien ?

          Un sourire timide ourle ses lèvres, comme si elle avait peur de faire une gaffe. Je hausse la tête avec enthousiasme et avance de quelques pas pour m'asseoir sur son lit. Elle prend place à côté de moi et noue ses doigts aux miens.

— J'ai ramené un chocolat chaud.

          Elle accompagne son annonce d'un mouvement de tête en direction d'un verre gigantesque laissé à l'entrée de la chambre. Je souris en remarquant les deux pailles qui y sont laissées négligemment.

— On partage les boissons maintenant ? Fais attention, on devient un couple de vieux.

          Elle rigole et me donne une petite tape sur la cuisse. Puis, son air redevient plus sérieux et elle se penche pour murmurer à mon oreille :

— Si ça implique de vieillir à tes côtés, alors je suis partante.

          Mon cœur manque un battement, et je crois bien que mes yeux s'écarquillent sous le coup de la surprise. Tremblante, je me penche à mon tour vers elle et pose légèrement mes lèvres sur les siennes. C'est un baiser au goût de promesses imprononcées, imprononçables, peut-être. Ce sont des mots, des phrases entières qui s'échangent sans dire un son.

          Quand finalement je me sépare, son front vient se coller contre le mien et ses mèches dorées viennent caresser mon visage. Je l'observe comme je peux, alors qu'elle a les yeux fermés. Quand elle les ouvrent à nouveau, elle se recule et s'allonge pour poser sa tête sur mes genoux. Et elle reste là, sans briser le silence.

          Quand je la quitte, quelques minutes plus tard, mon cœur est léger de sa présence. Sa main est douce sur la mienne, et son baiser avant que je ne monte dans le bus se dépose comme un papillon sur mes lèvres.    

publié le 03.02.19

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant