Chapitre 34

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9 mars 2018

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9 mars 2018

— Et... est-ce que tes parents savent ?

           Je hoche la tête.

— Ils ont toujours su.

— Et qu'est-ce qu'ils en pensent ?

— Rien. Et je trouve ça cool.

          Adélaïde hoche la tête. Elle sourit doucement. Son intérêt me fait plaisir. On ne s'est jamais vraiment entendues, toutes les deux, pourtant elle fait un effort maintenant. Peut-être qu'elle essaye de comprendre ce que sa meilleure amie a bien pu me trouver. Ou bien, elle veut lui faire plaisir. Ou alors, elle veut réellement essayer de me connaître. Mais quelles que soient ses raisons, elle est là, avec ses questions sur ma vie, et les miennes sur la sienne.

— Oui c'est vrai.

          Elle soupire.

— Ma mère, ça lui plairait pas. Elle tient à son image. Elle est chanteuse à l'opéra de Monaco. Dans la cour des Grands, comme elle dit. Enfin, bref, elle côtoie beaucoup de personnalités, et ça leur plairait pas, alors ça lui plaît pas à elle non plus.

           Je grimace.

— Mon père travaille à Monaco, aussi. En tant que businessman. Pour être honnête, lui aussi tient à sa réputation, mais c'est pas un milieu où la vie privée compte beaucoup. De toute façon, je suis pas sûre que mon image ternisse la sienne. Au contraire.

           Elle grimace à son tour, et hoche la tête.

— Alors tant mieux pour nous deux ! On dirait qu'on est nées dans les bonnes familles !

           Elle lève son gobelet dans ma direction, et je lève le mien en retour, et rigole doucement. La musique résonne dans la pièce, et j'aperçois Charlotte et Dorian, qui, depuis l'autre côté de la salle, nous fixent d'un regard curieux. Adélaïde tend son verre vers eux, et sans même savoir pourquoi, ils répondent à son invitation muette. Ils sourient, et je pense que le sourire de Charlotte illumine toute la pièce en cet instant. Ils échangent quelques mots, et enfin, se dirigent vers nous. Leu élan est coupé au bout de quelques secondes. Les lumières et la musique s'éteignent, le silence se fait.

           Je distingue vaguement Matt qui monte sur la chaise. Adélaïde se tend, et je sais que j'ai vu juste. Il s'éclaircit la gorge, avant de prendre la parole :

— Il y a 18 ans aujourd'hui, naissait un garçon formidable. Je le sais, vous le savez, et il le sait aussi. Mon pote, au cours des années, j'ai appris à te connaître, et je le regrette pas. T'es quelqu'un de super généreux. T'es loyal, intelligent. Ambitieux et fort, même. Mais surtout, t'es mon meilleur ami. Tu mérites le meilleur anniversaire du monde, alors trinquons à ta majorité ! Bon anniversaire Dorian.

           Les verres se lèvent, les voix s'élèvent. Matt descend de la table, et Adélaïde et moi nous en rapprochons. Bientôt, dix-huit bougies éclairent la pièce de lumières vacillantes. 

            On chante ; il souffle ; tout le monde sourit. Les yeux pétillants, Matt et Charlotte se positionnent derrière sa tête, et, en un ballet parfaitement orchestré, lui tirent les oreilles une à une, riant à gorge déployée.

— Et dix-huit ! T'es un homme maintenant !

          Elle lui tapote gentiment l'épaule, et il enroule son bras autour de sa taille. Une boule de jalousie jaillit au creux de mon estomac quand je le vois lui murmurer quelque chose à l'oreille. Elle éclate de rire et se dégage, tapotant encore une fois son bras. Ils échangent des regards complices, et elle s'éloigne.

          La main d'Adélaïde qui se pose sur mon bras me fait réaliser à quel point j'étais crispée, et instantanément, j'essaie de me détendre. Sa tête se tourne dans ma direction et elle me murmure :

— T'inquiète pas, elle n'a d'yeux que pour toi.

          Je lui souris doucement, mais la boule ne part pas. Elle reste là, quand je me sers une part de gâteau, puis un verre du mélange alcoolisé qui traîne sur un buffet, quand je parle quelques instants à Matt, à Alex, à Dorian, quand je regarde les autres s'amuser, un sourire collé aux lèvres.

           Et c'est quand, quelques heures plus tard, sa main se glisse dans la mienne que toute l'inquiétude et la jalousie s'envolent. Son petit corps se colle contre le mien, et mon cœur subit une accélération digne d'une voiture de course. Elle pose sa tête sur mon épaule, et je renifle son odeur. Pendant quelques instants, elle ne bouge pas, observant avec moi l'euphorie qui émane des lycéens agglutinés sur la piste. C'est une aura tout entière qui rayonne jusqu'à nos yeux.

          Puis je la sens tourner la tête, et ses yeux rencontrent les miens.

— Ça va ?

          Un demi-sourire orne sa bouche. J'acquiesce, et elle se redresse au bout de quelques secondes.

— On peut aller faire un tour dehors ?

          À nouveau, j'opine du chef. 


          L'air glacial des nuits de mars me frappe de plein fouet quand j'ouvre la porte. Charlotte a pris soin de s'enrouler dans un plaid trouvé je-ne-sais-où, et je regrette de ne pas en avoir fait de même. Gracieusement, elle s'assoit sur le perron, et ouvre grand les bras pour m'inviter sous le plaid. Elle se blottit contre moi, puis, abandonnant ses habituels longs silences, prends la parole rapidement :

— Tu sais, j'ai pas mal réfléchi, et j'aimerais le dire à ma mère. Pour nous deux.

           Instantanément, je me tends. Elle le sent et pose sa main sur ma joue pour la tourner dans sa direction.

— Détends-toi. J'ai vraiment envie de lui en parler. J'ai envie de t'exposer au monde entier. Montrer que tu m'appartiens. Que moi, j'ai réussi à t'avoir, même si je sais pas comment, pour être honnête. Tu sais, au début, j'ai eu du mal à... assumer. Tu l'as vu de toute façon. Mais c'est parti. Complètement parti. J'ai fait des efforts, au début, mais c'est fini. C'est devenu tellement naturel. Je suis fière de toi, de nous.

           À la fin de sa tirade, ses yeux sont brillants, et ma gorge se serre. Automatiquement, mes pouces viennent essuyer les larmes qui ont coulé sur ses joues, et mes mains attrapent son visage en coupe. Quelques secondes, je reste là, je la contemple. Et je me dis qu'elle n'aurait pas eu à bouger un pouce pour m'avoir. Je presse mes lèvres sur les siennes, et colle mon front au sien quand je me recule. Elle sourit. Après plusieurs minutes, elle se relève et se dirige vers la maison, gardant ma main dans la sienne. Elle pose la main sur la poignée, mais se ravise au dernier moment et se retourne :

— La semaine prochaine, c'est chez moi qu'on fait la fête.

            Je hoche, la tête, lui souriant, l'air confiante. Et je me demande laquelle de nous deux j'essaie de leurrer. 

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publié le 25.02

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant