Chapitre 17

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31 décembre 2017

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31 décembre 2017

          S'il y a une chose que toute la planète pourra affirmer, c'est les catastrophes, tant que les bonnes choses arrivent au moment où l'on s'y attend le moins. Pendant quelques secondes, je reste figée, surprise par les lèvres de Dorian, parties à l'assaut des miennes. Puis les neurones dans mon cerveau semblent se connecter et je pose mes mains sur son torse, le séparant de moi. Ma tête dodeline en signe de non, comme on dirait à un enfant de quatre ans de ne pas refaire une bêtise, et je me détourne, re-traversant la marée de danseurs de tout âge agglutinée sur la piste. Je joue des coudes, marche sur des pieds, déclenche des exclamations de protestation, mais je continue. J'ai besoin de sortir de ce piège. J'ai besoin d'air.

          Mes pas me mènent vers notre table, mais je n'y trouve personne. Loin de m'en formaliser, je bois d'une traite le reste de cocktail qui traînait dans mon verre, le repose d'un geste peut-être un peu trop brutal, et m'éloigne en direction des jardins. La lumière diminue un peu au fur et à mesure que je m'aventure de balcon en balcon. La musique est moins forte aussi. Je m'arrête quelques secondes face à une barrière, la vue sur la ville est vertigineuse, éclairée de milliers de petites lanternes qui s'arrêtent subitement, bien petites par rapport à l'immensité de la mer. J'entends des pas derrière moi et me retourne. Devant moi se tient Charlotte, ses cheveux d'or illuminés par le scintillement incessant autour de nous. Elle me sourit doucement.

- Salut.

- Salut.

          Un silence s'installe, et d'un coup, je me mets à prier pour qu'elle ne l'ait pas vu. Le baiser. Dorian.

- Je savais pas, pour Dorian et toi.

          Sitôt qu'elle a prononcé ces mots, mon cœur s'emballe. Et une furieuse envie de tout détruire me prend. À la place, je murmure.

- C'est pas ce que tu crois.

          Une demi seconde plus tard, je m'en mords les lèvres. Cette phrase est un piège, celle que tous les coupables prononcent avant la sentence.

- Et qu'est-ce que je crois ?

- Qu'on est ensemble. En couple.

           Je me retourne vers elle, m'assurant que ses yeux se plantent dans les miens, mais son regard est dirigé vers la ville en contrebas, elle a perdu son sourire.

- Charlotte, regarde-moi.

          Ma voix est suppliante, et encore une fois, je regrette mes paroles. Elle finit par se tourner vers moi, ses yeux cherchant les miens. Quand ils se trouvent, je découvre avec surprise qu'ils sont brillants, comme remplis de larmes. Ma main se porte sur sa joue et je souffle, si bas que je me demande si elle m'a entendue.

- Ça va ?

          Elle inspire avant d'acquiescer.

- C'est faux, tu sais. On n'est pas ensemble. Dorian, c'est juste.. c'est pas ça. On n'est pas ensemble.

          Elle hoche encore la tête, toute trace de larme disparue de ses yeux, et se dégage de ma main, se retournant vers la ville. Mon regard s'y dirige aussi. Un bateau a fait son apparition sur la mer, la lumière a gagné du territoire.

          Je ne sais pas combien de temps nous restons là, côte à côte, sans un mot, à regarder l'immensité de la mer devant nous. Je ne sais pas combien de fois je frissonne en sentant sa main, son bras, son épaule, sa peau effleurer la mienne, par accident, peut-être, ou peut-être pas.

          Je sais qu'au bout d'un moment, elle s'est levée, toujours sans rien prononcer, et est repartie. Et moi, je reste là, à fixer le bateau qui rechigne à rentrer au port. À penser, aussi. À penser à son regard, triste. Puis à son silence, calme. À notre façon de dire les choses, sans parler. À tout ce que j'ai voulu faire passer, dans chaque parole, dans chaque geste. Que je tiens à elle. Qu'elle compte. Peu importe ce qui se passe.

          Alors, je reprends ma marche. Ça fait un moment que je n'ai pas vu Alex et je me prends à m'en vouloir un peu de l'avoir comme laissé tombé ainsi. Le silence disparaît petit à petit quand je foule le chemin inverse que plus tôt. Les lumières reviennent plus nombreuses aussi. Je passe près de cactus apprêtés de guirlandes lumineuses, de buissons parsemés d'étoiles scintillantes.

          Plus j'approche des tables, plus je sens une boule se former au creux de mes côtes - encore. Je sais pourquoi. Je n'ai pas envie de voir Dorian. Je n'ai pas envie qu'il vienne me parler. Me dire qu'il est désolé, qu'il n'aurait pas dû faire ça. Parce que je sais très bien que c'est faux, qu'il ne regrette pas, qu'il n'est pas désolé. Qu'il réessaiera, sûrement, plus tard. Quand je serai bien cuite, prête à être croquée. Je sais que les jours à venir, il va revenir me voir, avec ses yeux doux, sa bouche en cœur, les mains tendues pour me précipiter dans une embuscade.

           Mais je n'y plongerai pas. Je n'irai pas m'accrocher à son cou comme des millions de demoiselles l'ont fait à des milliers de mecs. Dorian est un garçon à filles, il n'y a quasiment aucun doute là-dessus. Je l'ai repoussé une fois, le repousserai encore autant de fois qu'il faudra pour qu'il comprenne.

          Alors, je relève la tête et avance vers la la terrasse. C'est avec soulagement que je vois Alex assis à la table, en grande conversation avec Matt. Je m'avance vers eux, tire une chaise et me laisse tomber lourdement à côté de mon meilleur ami. Celui-ci ne manque d'ailleurs pas de le remarquer.

- Quelle délicatesse !

          Il a haussé les sourcils, et, voyant que je ne réponds rien, il rajoute :

- On dirait un éléphant, Juliette.

          Je hausse les épaules avant de tendre la main vers son verre. Il m'arrête bien vite en tapant sur mes doigts et attrapant le gobelet si convoité.

- C'est à moi, ça. On avait dit pas plus qu'un verre, tu te rappelles ? J'ai pas envie de te récupérer comme à Halloween.

          Matt s'esclaffe aux paroles du grand sage qui me sert d'ami avant de se lever pour aller rejoindre je-ne-sais-qui sur la piste.

- Qu'est-ce qu'il se passe, Ju' ? T'as pas l'air normale.

           Il fait une pause avant qu'un éclair d'intelligence traverse son regard.

- T'es pas bourrée ?

          Je rigole bêtement avant de lui assurer que non. Je suis juste déstabilisée. 

publié le 18.08

Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant