Chapitre 24

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29 janvier 2018

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29 janvier 2018

           Une tasse fumante qui me brûle les doigts coincée entre les mains; un pull trop grand dans lequel j'essaie de me réchauffer ; le regard de Charlotte fixé sur la table : rien ne va. Un soupir sort de sa bouche et je lève de nouveaux la tête vers elle, la regardant droit dans les yeux. 

          Je suis désolée. Trois mots, rien de plus, c'est tout ce qui se trouvait dans le message que j'ai reçu ce matin. Désolée pour quoi ? La question tourne et retourne dans ma tête depuis que le texto s'est affiché sur l'écran de mon téléphone. Je lui ai posé, bien sûr. Je l'ai posée à Alex, aussi. La seule réponse que j'ai obtenue est une date, une heure, un lieu. Aujourd'hui, maintenant, ici. 

         Et toute la journée, je n'ai fait que gigoter sur ma chaise, que tourner mon stylo entre mes doigts en regardant le plafond, devenu soudainement passionnant. Je n'ai fait que dessiner des dragons et des vagues dans les marges. Que laisser mon esprit vagabonder, essayer de s'imaginer ce soir. À quelle table on serait assises ? Est-ce qu'on serait en face, à côté ? Est-ce que ça se passerait bien, mal ? Qu'est-ce qu'elle me dirait ? Qu'est-ce que je lui répondrais ? Est-ce que je rentrais chez moi ce soir le sourire aux lèvres, ou les larmes aux yeux ? Est-ce qu'elle serait là, au moins ? 

          Et quand je suis arrivée au Café, Charlotte m'attendait déjà, assise à une table dans un coin. La serveuse est arrivée et lui a servi son café, puis a déposé un latte pour la chaise vide qui trônait en face d'elle. Ça m'a fait plaisir, de voir qu'elle savait quelle boisson j'allais commander, et c'est avec le sourire que je me suis avancée vers elle. Un putain de sourire qui me mangeait le visage. Elle m'a regardé, m'a poliment saluée avant de me dire d'une toute petite voix : 

  —  Je t'ai commandé un latte à la vanille. 

          Je l'ai remercié, me suis assise, et depuis, j'attends. Elle n'a pas prononcé un mot de plus, pas levé les yeux, jusque maintenant. Et j'ai peur. Peur de ce qu'elle pourrait me dire. Alors, j'attends, et je ne dis rien, me contentant de me brûler les doigts sur la tasse. 

  —  Je suis désolée. 

          Je relève la tête, surprise. Par sa prise de parole soudaine, autant que par ses mots. Surprise, parce que je ne pensais pas qu'elle rentrerait dans le vif du sujet aussi vite. 

  — Désolée pour quoi ? 

          Elle baisse les yeux sur la tasse de café vide posée devant elle. 

  — Pour tout. 

          Je ne comprends pas. Je sens mes sourcils se froncer, et elle agrippe le gobelet de ses deux mains, si fort que j'aperçois ses jointures blanchir. Elle prend une inspiration, mais ne relève pas les yeux. 

  — Je veux pas te perdre, Juliette. Je tiens à toi, genre, beaucoup. Et, voilà, je m'en suis rendu compte, avec... la distance. Tu me manques. 

           Enfin, elle redresse son regard, cherchant le mien, mais il se fait fuyant. Elle n'est pas désolée, non. Elle voudrait juste me récupérer. Parce que je lui manque, comme elle le dit ? Ou par défi, par satisfaction personnelle ? Pour m'exhiber, comme un trophée ? Parce que, comme une conne, je lui aurais pardonné. Mais pardonné quoi ? Elle même ne le sait pas. Elle s'excuse juste, elle fait comme si elle savait, mais je ne suis pas dupe. Elle ne sait pas. Elle ne se rend certainement pas compte de ce qui blesse, de ce qui peut faire mal. Je l'entends prendre une autre inspiration, une grande inspiration, comme si elle se donnait du courage. 

    — Tu sais, j'ai l'impression qu'entre nous, c'est pas comme les autres. J'ai l'impression que tu me comprends plus que personne ne m'a jamais comprise, et j'ai le sentiment que c'est réciproque. J'espère que ça l'est. Alors, même si ça risque d'être compliqué, je veux bien essayer de mettre mes... préjugés, et mes...opinions de côté.

         Elle ferme les yeux et appuie ses mains sur ses tempes. 

  —   C'est difficile, tu sais, j'ai été élevée comme ça, en allant à la messe tous les dimanches, en remerciant Dieu pour chaque jour qui passe. Alors aller contre la Bible, c'est pas une évidence, pour moi. Mais si t'en as besoin, si tu supportes pas d'avoir une amie qui juge tout ce qui passe, alors je peux faire un effort. 

          Je n'ai pas prononcé un mot depuis le début de son monologue. Je n'ai pas levé la tête, ne l'ai pas regardée. Mes mains sont serrées sur ma tasse, en parfait écho à elle, il y a quelques minutes seulement. Progressivement, je détends ma prise. Je me suis trompée, lourdement. Elle sait. Elle sait ce qui ne va pas, pourquoi ça ne va pas. Et elle est prête à faire des efforts. Pour moi. Elle veut essayer d'arranger ça, de changer, en bien. En mieux. 

  — Je... je sais pas quoi te dire. 

         Les mots me manquent. 

  —  Moi aussi, je suis désolée. J'aurais pas dû réagir de cette façon. 

        Un blanc. 

  — Désolée. 

       À mon tour, je lève les yeux, et les plonge dans son regard. Elle sourit, tout doucement, puis hoche imperceptiblement la tête. 

   —  Merci. 

Son sourire est triste lorsqu'elle prononce ces mots, mais plein d'un soulagement nouveau. Je souris en retour, l'impression solide d'avoir la même expression marquée sur le visage. 

    — Merci pour quoi ?   

Mon ton se fait taquin. Autant profiter de ces retrouvailles. Autant raviver la flamme de cette amitié que j'avais crue perdue à jamais. 

    —  Pour me laisser une deuxième chance. 

publié le 22.10.18




Avant que le Soleil ne se CoucheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant