Le Cygne du Royaume Noir

CHAPITRE 8 : La prisonnière

Dans les jours qui suivirent chacun s'attela aux consignes de la Duchesse avec une effervescence appliquée. Durant le trajet, des liens s'étaient créés et aujourd'hui, à leur yeux, Emma n'était plus la princesse mais leur Duchesse. Ils avaient à cœur de lui faire honneur et de donner tout ce qu’ils avaient dans l’accomplissement de leur tâches. Tant et si bien que dès le troisième jour de son installation, elle se sentit prête pour convoquer les membres du conseil qui dirigeait la ville. Elle les reçut en milieu de matinée dans sa salle du trône. Cette dernière avait été parfaitement étudiée pour lui offrir tous les avantages. Déjà, de par sa taille, la pièce avait de quoi impressionner les plus blasés, y était affiché un luxe ostentatoire absent du reste du château. Du marbre marqueté de fils d'or aux gigantesques lustres de cristal qui semblaient défier la gravité, tout était fait pour en mettre plein la vue. Un chemin de dalles plus sombres que les autres menait directement le quémandeur au pied d’une estrade. Sur celle-ci un trône unique, intimidant. Les pieds et les accoudoirs ressemblaient à un enchevêtrement de racines qui se rejoignaient à la base du dossier. Celui-ci, immense commençait par la gravure d’un tronc d'arbre qui s’évasait plus haut pour suggérer un feuillage. Un pommier, emblème de la famille Mills qu’elle avait décidé de s’approprier comme le reste.

C’est sûr qu’Emma faisait son petit effet perchée dessus, forçant même les plus grands à lever la tête pour la regarder. Un entretien qui durait devait provoquer de sacrées douleurs cervicales. Tant mieux, songea la jeune femme, personne ne voulait perdre plus de temps que nécessaire. Elle fixa longuement les trois hommes et les deux femmes qui s'étaient présentés à elle. Aucun n’avait moins de cinquante ans et ils portaient tous des habits de bonne facture témoins d’un statut social élevé. Elle attendit jusqu'à ce qu’elle les voie se dandiner, légèrement mal à l’aise. Il faut dire qu’ils ne savaient vraiment pas à quoi s’attendre avec cette jeune jouvencelle que personne ne connaissait. Ne sachant pas ce qu’on attendait d'eux ils s’étaient préparés de leur mieux sans point de référence. En effet Henri Mills, le précédent Duc, les laissait gérer la ville à leur guise et avec sa fille...et bien le conseil n'existait tout simplement pas sous l’égide de la méchante reine.

- Mes Dames, Mes Sires, j’ai la triste tâche de vous apprendre qu’en tant que nation vous avez perdu toute ambition, attaqua-t-elle directement. Et vous, en tant que responsables de cette ville, vous avez oublié qu’elle en était la capitale, l'axe central qui permet à la roue de tourner. Mais l’essieu est grippé mes amis.

Emma ne les laissa pas l’interrompre, elle voulait les secouer et avait préparé toute son intervention avec soin.

- Oh ne vous méprenez pas Sombreval est bien entretenue, elle ne pullule pas de mendiants et de gamins des rues comme d’autres cités de même importance. De ce que l’on m’a rapporté, personne n’y meurt vraiment de faim. Les taxes y sont collectées avec régularité et sans violence. Bref aucun de vos administrés ne s’est plaint de vous, ce qui en soit est un petit miracle à mettre à votre actif.

Les représentants reprenaient des couleurs bien qu’ils ne sachent toujours pas si leur souveraine était contente ou non.

- Vous ne voyez pas le problème n’est ce pas ? Ils ne se plaignent pas mais ils ne sont pas heureux et un peuple heureux est un peuple qui crée, qui innove, qui grandit. Vous ne grandissez plus vous stagnez ! Notre Duché peut n’avoir de noir que le nom pour peu que nous nous en donnions les moyens. Il faut multiplier les échanges commerciaux, il faut offrir des divertissements de qualité, je veux plus d'échoppes de produits qui dépassent la simple survie,je veux des artistes de toutes sortes, je veux une baisse des loyers immédiate et généralisée. Je veux que cette ville revive. J’ai conscience que dans un premier temps cela va grever le budget de la ville aussi vais-je y participer. Mais ces nouvelles activités permettront bien vite aux caisses de se renflouer, les vôtres comme les miennes.