CHAPITRE 17 : Sur la route

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L'entité s’agitait, elle avait de plus en plus conscience de son environnement depuis que le Calice l’avait éveillée par sa proximité.  Mais l'Élue voulait s'éloigner. L’entité allait devoir placer à l’intérieur du Calice une petite parcelle d’elle-même. C'était un risque à courir : fractionner son être l’affaiblirait alors qu’elle était déjà tellement amoindrie. Peut-être même ne pourrait-elle plus agir sur son entourage immédiat. Cependant elle n’avait pas le choix si elle voulait conserver le lien qu’elle avait déjà établi avec sa proie.

***

“ Ne pas se retourner, ne pas se retourner. Ne surtout pas regarder derrière. Droit devant, toujours droit devant”.

- Ne fais pas cette tête, s'exclama joyeusement Ruby, tu vas la retrouver très vite ta dulcinée.

- Ruby, rugit la princesse !

- Bin quoi, vous sentez la frustration sexuelle à plein nez toutes les deux. On peut savoir ce que vous avez foutu hier soir?


Emma la regarda écoeurée. À peine passé le pont levis, la métamorphe s'était transformée en jeune chiot un peu fou. Elle se tortillait sur sa selle, babillait des absurdités. Dix minutes et déjà Emma n’en pouvait plus. Et cette manie d’appuyer là où ça faisait mal. Bien sûr qu’elle était frustrée, la jeune femme avait eu des projets pour sa nuit qui n’avaient pu se concrétiser. Elle se replongea dans le souvenir de la dispute tumultueuse qu’elle avait eu avec la brune. Leur première.

- Mais enfin, avait tenté Emma, on a plus douze ans on va pas se contenter de se bécoter entre deux portes.

- On est pas entre deux portes miss Swan, avait répondu l’autre impassible. Nous sommes dans votre salon et non, je ne passerai pas la porte de votre chambre.

- Mais j’ai envie de vous moi, pleurnicha la cadette.

- Là n’est pas le problème Miss Swan.


Emma avait dû insister lourdement pour apprendre finalement que la brune se trouvait trop vieille, qu’elle craignait que les gens pensent qu'elle ait ensorcelé la fille Charming pour se venger de sa mère. Sans parler de la réaction de la mère susmentionnée. Ce qu’elle ne dit pas mais qu’Emma compris parfaitement, c'était sa peur des sentiments, sa crainte de prendre le risque, une nouvelle fois, de voir son cœur piétiné. Ce qu’Emma ne perçut pas, c’est l’impression qu’avait  l’ancienne reine de ne plus savoir qui elle était. Elle réalisait à peine à quel point son passage en enfer l’avait marquée. Regina ne savait pas si elle était encore l'Evil Queen ou non. Elle avait besoin de se connaître avant de s’engager dans quelque chose qui les dépassait toutes deux.

Alors, elles n’avaient pas fait l’amour, ni baiser, ni quoique ce soit. Elles avaient parlé toute la nuit et Régina avait chastement dormi à ses côtés pour, avait-elle soutenu, protéger les rêves de la blonde. Le matin, elles s'étaient préparées en silence ne sachant comment s’aborder. Finalement Ruby était venue la chercher, lui apprenant, à l'occasion, qu’elle l’accompagnait avec une douzaine de soldats.

- Allez ma choupinette, déride-toi un peu. Vois le bon côté des choses : on part en vacances. Et promis, je te ferai des papouilles pour compenser ceux de ta brune.

- Rubyyyyy pitié.


Brutalement ramenée au présent, Emma se dit qu’après tout la louve n’avait pas complètement tort. Autant voir le verre à moitié plein et tout le monde savait que l'absence attisait le désir. “ En espérant ne pas imploser en route à cause du mien” pensa-t-elle.

***

Emma ne regrettait plus du tout sa décision, depuis une semaine qu’ils étaient sur la route, elle découvrait une autre vie bien loin de tout ce qu’elle avait pu expérimenter. Elle avait toujours voyagé avec un bagage important, le confort la suivant où qu’elle aille. Elle avait ses domestiques pour s’occuper de tous ses besoins. En petit groupe, elle s'était vite aperçue que ne pas participer c'était s’isoler. Et qu’une fois que vos hommes vous avaient vu ramasser du bois pour le feu, ou pire encore, creuser des latrines, leurs regards changeaient. Ce qui lui apprit une précieuse leçon : ses parents avaient tort. Ils lui avait répété qu’une trop grande familiarité amoindrissait  votre autorité. C'était peut-être le cas pour la noblesse d'ailleurs, mais pas pour le peuple de toute évidence. Les gardes, d’abord surpris, en parurent presque fiers : leur chef partageait avec eux le fardeau du quotidien. Bien qu’elle leur soit supérieure par un hasard de naissance, elle ne se pensait pas meilleure. Leur respect en fut renforcé. En public cependant, ils gardaient toujours un formalisme extrême comme pour donner l'exemple aux autres.

Le Cygne du Royaume NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant