Le Cygne du Royaume Noir

CHAPITRE 30 : Le Royaume Noir

Quand le soleil pointa à l’horizon, Emma n’avait toujours pas trouvé un semblant de paix. Pire encore, Rumpel avait passé la nuit à faire les cents pas dans son sillage. Il conspuait sa faiblesse, avait-on jamais vu un Ténébreux qui rechignait à répandre le Mal, à corrompre les âmes ? Bien sûr que non, et ce n’était pas sans raison.

“ Tu peux lutter tant que tu veux, petite princesse, mais à la fin, la Source gagne toujours. Elle trouve toujours le chemin jusqu'à notre cœur. Mais plus tu la combats moins il restera de toi à la fin.”

Emma ne savait pas si elle devait le croire, elle avait envie de le croire. Elle pourrait faire ce qu’elle voulait sans craindre les conséquences ou la désapprobation de ses proches. Amener qui elle désirait dans son lit. Elle fonderait un empire éclipsant tous les autres. Elle était invincible, toute puissante... Oui mais pour faire quoi ? Réalisa-t-elle. Le seul pouvoir qu’elle avait convoité était celui d’être elle-même. Et les femmes… elle ne voulait pas seulement désirer, elle voulait aimer. Quant aux autres… elle leur souhaitait la même chose, qu’ils veuillent une femme où un homme, la gloire ou l’anonymat, la chaleur d’un foyer ou l'aventure du voyage. Qu’ils vivent donc leur vie comme ils l’entendaient dans le respect de chacun.

Peut-être devrait-elle s’accrocher à cela en plus de Régina. Se remémorer que si la Source, comme l’appelait Rumpelstiltskin, pouvait influencer ses émotions elle n’avait rien à lui offrir.

- La liberté, lui souffla une voix.

- Pour cela je n’ai pas besoin de toi. J’ai fait un premier pas vers elle en venant ici, j’en ferai un autre quand je t'aurais vaincue.

Le rire la poursuivit longtemps. Elle l'entendait encore lorsque Régina fit son apparition dans les pas de sa nouvelle chambrière, une vieille dame dont la reine n’avait pas pris la peine d’apprendre le nom.

Emma sonda longuement sa conseillère. Cette dernière avait le teint pâle, et la couche de maquillage qu’elle s'était appliquée n’y changeait rien. Son regard charbonneux ne devait rien à l’artifice par contre, mais tout aux cernes de fatigue elles aussi persistantes. “Tant mieux, se dit la blonde, que je ne soit pas la seule à ne pas avoir trouver le sommeil.” C'était mesquin elle le savait bien, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Après tout, c'était la faute de la brune si elles n’avaient pas passé la nuit à autre chose que se tourmenter.

Elle partagèrent le déjeuner sans se regarder, sans se parler. Bien que sa présence apaise déjà son cœur tumultueux, Emma était trop prise par la rancune. Régina, elle était sur la défensive, prête à recevoir d’âpres reproches. Mais comme rien ne venait, elle finit par se concentrer sur l’immense tâche qu'était la protection de la Reine. La femme prenait son serment très au sérieux et elle concevait la sécurité d’Emma au sens large. Que ce soit son corps, son âme ou son autorité. Certaines décisions devraient être prises dans l'urgence, et ce n'était jamais bon. Mais Régina connaissait bien cette petite peste de Snow. Pas une fois elle n’avait reconnu une défaite et elle n'hésitait pas non plus à laisser des innocents mourir en son nom. Voir à les y encourager.

Emma allait devoir se battre sur trois fronts: politique en asseyant sa couronne de l'intérieur, milliaire et enfin spirituel. Une bagatelle ! Au moins aussi facile que les douze travaux d’Hercule.

Le repas à peine achevé, la ronde des entretiens commença. Markus se présenta le premier, des rouleaux de parchemins plein les bras. Il les déposa avec la précaution d’un jeune père avant de se lancer dans un monologue nerveux.

- Tout d’abord, je me suis permis d’engager une quinzaine de courriers. De braves garçons mais un peu désœuvrés d’après la Première Conseillère. D’ailleurs, ce sera désormais notre interlocutrice privilégiée avec la ville cela fluidifiera notre communication. Bref les garçons sont partis avec une annonce de notre Indépendance. Ils en distribueront une copie à chaque bourgmestre et en feront lecture dans les communautés plus isolées.