CHAPITRE 2: L'anniversaire

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Debout devant une psychée plus grande qu'elle, Emma regardait sa camériste mettre au point les derniers détails de sa coiffure. La jeune princesse laissa apparaître un rictus dégoûté à la vue du chignon haut faussement négligé, parsemé de perles et de rubans. Heureusement, elle avait pu substituer les roses initialement prévus contre du gris et du bordeaux s'accordant à sa robe. Tout de même elle trouvait que l'ensemble lui donnait un air étrange, à la fois elle-même et une autre.

- Écoutes Ruby, je crois qu'on est bon là, supplia-t-elle une nouvelle fois.

- Pas tout à fait princesse il me faut juste attacher une ou deux épingles si on ne veut pas que tout se casse la figure au milieu de la soirée.

- Est-ce que ça serait si mal ?

La jeune brune à ses côtés leva un sourcil ironique. D'aspect bien plus jeune qu'elle ne l'était réellement, la femme était une présence familière qui avait toujours, lui semblait-il, été à ses côtés. Petite fille elle avait été présente pour jouer avec elle quand ses parents n'avaient pas le temps. Plus tard, quand Snow lui avait "suggéré" d'accepter le poste de camériste d'Emma, cette dernière en était venue à se confier à elle. Pendant que Ruby lui brossait les cheveux, qu'elle l'aidait à s'habiller, la jeune adolescente lui racontait ses peines et ses frustrations . Et au fur et à mesure que Ruby s'attachait à l'enfant, ses propres relations avec Blanche-Neige s'étaient distendues jusqu'à s'effilocher carrément. Aujourd'hui, elles ne s'adressaient que de brefs signes de tête, n'échangeant plus que peu de paroles.

Ruby comprenait parfaitement les tourments qui agitaient sa jeune princesse. En effet la femme était un loup-garou de naissance, un secret bien gardé, seulement connu de quelques personnes dont la famille royale. Sa nature l'avait elle aussi obligée à dissimuler une part importante de qui elle était. Elle connaissait les affres de celui qui devait constamment se maîtriser, se retenir. Elle souffrait pour sa jeune amie bien sûr, mais ne pouvait pas y faire grand-chose. Dans le Château Blanc personne ne s'opposait à Blanche-Neige. Alors, forte de sa connaissance des deux femmes, elle s'est efforcée d'atténuer les conflits entre elles. Comme convaincre la plus jeune d'arborer une choucroute, plus conforme aux idéaux de la Reine. Et tant pis si Emma devait bougonner.

La jeune princesse, de son côté, n'attendait pas de réponse. Bien qu'elle ait besoin d'extérioriser son humeur elle maîtrisait depuis longtemps les règles du jeu. C'était juste que parfois, comme ce soir-là, la négociation permanente qu'était sa vie la fatiguait. Elle en avait marre de combattre pour des choses à la fois si triviales mais pourtant essentielles. Elle était la future reine bon sang et sa mère voulait faire d'elle un animal de boudoir, un chien de manchon aussi décoratif qu'inutile. Emma ne comprenait pas comment Blanche-Neige en était arrivée à se dire que cette vie pourrait la rendre heureuse.

Et ce discours qu'elle lui avait fait parvenir l'après-midi même par son chambellan, s'attendait-elle vraiment à ce qu'elle débite ce torrent d'inepties ? Réellement ? Emma ne savait pas très bien encore ce qu'elle allait dire mais une chose était sûre ce ne serait pas ce qu'avait prévu Snow. Elle avait deux cadeaux d'anniversaires possibles en tête, ne sachant trop lequel privilégier, mais demander l'autorisation d'aller visiter tous les célibataires du coin n'en faisait définitivement pas partie. Au final tout dépendrait de l'attitude de sa royale génitrice se dit-elle en jetant un dernier regard dégoûté à son reflet. Autant dire qu'on pouvait s'attendre au pire !

***

Enfin Emma entendit les cors annonçant son entrée. La jeune femme fulminait contre cette tradition stupide qui voulait qu'en tant qu'invitée d'honneur elle arrive en dernier. Ce que la plupart des gens ignoraient, c'est qu'elle attendait depuis l'arrivée du premier convive dans un boudoir à l'exiguïté étouffante. Cela faisait deux heures qu'elle tournait en rond dans l'attente de ce moment. En elle, la tension était à son comble, elle allait devoir jouer une comédie complexe où chaque scène serait attentivement examinée. Mais il n'était plus temps de penser à cela, la porte s'ouvrant sur son chambellan qui lui faisait signe d'avancer.

Le Cygne du Royaume NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant