CHAPITRE 27 : Le plus grand mal

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Blanche-Neige observait l’illustre assemblée prendre place autour de la grande table circulaire qui occupait la majorité de l’espace. La Reine Blanche avait choisi cette salle de réunion pour sa taille et son atmosphère plus intime. La table aussi était un élément important. C'était en fait un large anneau de bois d’acajou qui pouvait accueillir une trentaine de convives. Mais plus important, sa forme induisait un sentiment d'égalité, ou du moins qu’ils étaient tous dans le même bateau. Seul le siège un peu plus large que les autres distinguait la Reine Blanche.

La femme se concentrait sur ce qu’elle avait à dire, laissant les autres murmurer entre eux. Qu’ils s’interrogent ! Elle leur fournirait bientôt toutes les réponses. Celle que Blanche-Neige surveillait tout particulièrement était la fée bleue. Cette dernière s'était montrée froide et distante, ce que la Reine ne comprenait pas. Elle n’avait rien fait pour mériter ce regard suspicieux ou ce froncement de sourcil. Au contraire, elle allait révéler le sens de la prophétie et organiser la résistance contre les forces du Mal.

Blanche-Neige haussa les épaules en se disant que la vieille fée finirait bien par ravaler sa morgue. En attendant, elle résolu de l’ignorer et reprit son analyse des autres invités. Il y avait cinq souverains seulement dont Philippe et Richard Cœur de Lion, tous deux des alliés de longues dates. Parmis les quinze diplomates, par contre la présence de la demie-fée Morgane ne l’enchantait vraiment pas. Avalon avait eu son heure de gloire jadis. Son hégémonie avait traversé l’histoire jusqu'à s'étioler avec l'avènement d’une nouvelle ère plus civilisée. Les druides s'étaient retirés derrière leurs frontières, vexés de ne plus être les maîtres. Mais de temps à autre une Dame du Lac, plus ambitieuse que les autres cherchait à étendre son influence. Ce titre un peu énigmatique semblait désigner leur souveraine ou haute prêtresse et à part son nom, c'était la seule chose qu’on savait d’elle. Cela et le fait que Viviane, l'actuelle Dame du Lac, soit la mère de Lancelot et la tante d’Arthur.

Quand elle estima le moment propice, Blanche-Neige se leva, réclamant le silence. Quand tous les regards furent braqués sur elle, la Reine prit la parole, assurée.

- Mes amis, la fée bleue nous a fait parvenir une prophétie qui nous concerne tous. Un avertissement que nous ne pouvons pas nous permettre de dédaigner. Je crains Mesdames et Messires avoir des informations capitales à vous donner. Des informations qui me brisent le cœur et qui ont réveillé mes pires cauchemars.


Rompue à ce genre d'exercice oratoires, Blanche-Neige laissa planer le silence un moment. Toujours faire infuser un effet dramatique quelques minutes pour un plus grand impact.

- Un de mes gardes auprès de ma fille Emma, le seul resté loyal, m’a fait parvenir ceci, reprit-elle en brandissant le rapport en question. Le pauvre homme a pris des risques inconsidérés pour me, nous, prévenir. Je vais vous laisser en prendre connaissance, mais malheureusement, je peux le résumer en peu de mots.


Elle se composa un air affligé, honteux en tendant le courrier à Philippe qui ne tarda pas à blanchir.

- Mes amis, avoua Blanche-Neige, j’ai bien peur que ma fille, Emma Charming, ait libéré la Méchante Reine de la prison où je l’avais faite enfermée. Pire, haussa-t-elle le ton pour couper les murmures, non seulement elle l’a libérée mais encore lui a-t-elle offert un poste prestigieux dans son gouvernement, la traitant comme une invitée de marque ! Ne cherchez plus mes amis, le plus Grand Mal s’est élevé dans le Duché Noir et il se nomme la Méchante Reine !


Le vacarme soudain fut assourdissant, la moitié des participants s'était levée brusquement mais bien plus, hurlaient à qui mieux mieux. On réclamait plus d’informations, on exigeait des mesures immédiates et drastiques, mais surtout ils voulaient voir le rapport de leurs propres yeux. Néanmoins, certains ne se mêlèrent pas à l'hystérie générale. Deux ne se sentaient tout simplement pas concernés, après tout, la méchante reine n’avait sévi que dans une zone plutôt restreinte. Ceux-là se demandaient ce qu’ils faisaient à cette réunion. La reine blanche avait déjà essayé d’obtenir leur concours vingt ans plus tôt. Et comme à l'époque, ils avaient leurs propres problèmes à régler. La méchante reine n'était pas la seule méchante au monde et même pas la pire. Que ce soit Iago d’Agrabah ou Olaf d’Arendelle, les deux hommes doutaient de la menace que pouvait représenter cette femme pour leur propre nation.

Le Cygne du Royaume NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant